Les bulles papales de l’Inquisition à aujourd’hui

samedi 10 mars 2018.
 

Bulle papale ? Vade rétro, que Dieu nous en préserve et nous en libère. La Bulle en a fait de toutes les couleurs. Nous avons sous les yeux des statistiques à en faire dresser les cheveux, à distance.

La Bulle du pape Innocent VI, 15 mai 1252, s’appelle "Ad extirpanda" : elle autorise la torture des hérétiques. "Unam Sanctam", celle de Boniface VIII, 1301, affirme la suprématie de l’Eglise et en particulier celle du Pape sur le pouvoir politique. "Dum diversas", celle de Nicolas V, 1452, autorise Alphonse V du Portugal à "réduire en esclavage en Afrique occidentale tout sarrasin, païen ou autre infidèle".

Et encore, celle du susdit Nicolas V qui s’appelle "Romanus Pontifex" et ordonne la "réduction en esclavage de tous les peuples au sud du Cap Bojador" (Afrique nord occidentale).

Pour sa part, un Innocent VII, 1494, ordonne sans détours par la Bulle « Summis desirantes » de supprimer la sorcellerie et l’hérésie dans toute la vallée du Rhin. En 1520, une « Exurge Domine » souligne la condamnation et l’interdiction de divulguer les thèses de Martin Luther (dûment excommunié par la Bulle ad hoc de Léon X en 1521). Le 14 juillet 1455, un Paul IV institue le ghetto hébraïque, la Bulle qui va avec est la « Cum nimis absurdum ».

Et, en 1564, nous avons l’ « Index librorum prohibitorum », à savoir la liste des livres interdits (y compris aussi les éditions de la Bible en langue vulgaire). Et, en 1586, apparaît la Bulle « Coeli et terrae Creator », qui établit la condamnation officielle de l’astrologie par l’Eglise. 1871 : c’est le tour de la « Pastor aeternus » de Pie IX, qui établit le dogme de l’infaillibilité du pape ; 1910 : c’est le moment de la « Quam singulari » de Pie X sur l’admission des enfants à l’eucharistie ; 1950 : Pie XII, par la « Munificentissimus Deus » crée le dogme de l’assomption de Marie... un peu de tout et en abondance.

La Bulle papale, qui s’appelle ainsi à cause du sceau de plomb, en latin bulla, qui marque le décret pontifical, met son nez de partout - morale, sexe, mariage, virginité, famille, éducation, science, philosophie, médecine, mathématiques - une attitude qui n’a pas changé au fil des siècles et qui, comme on le voit aujourd’hui, survit. Vous souvenez-vous de ce 1er juillet 1949 ?

C’est une Bulle, bien qu’elle ne s’appelle pas exactement ainsi, - c’est un Décret du Saint Office - l’Excommunication que Pie XII prononce lui-même contre les communistes, par un « Avis sacré », grâce auquel « pèchent mortellement et ne peuvent pas être absous les adhérents au Parti communiste, ceux qui en font la propagande de quelque façon que ce soit, ceux qui votent pour ce parti et ses candidats, ceux qui écrivent, lisent et diffusent la presse communiste ».

Et cela ne s’arrête pas là, sont excommuniés aussi les militants du Front de la Jeunesse, de la Fédération de la Terre, de la CGIL et n’y échappent pas les partis qui « font cause commune avec le communisme athée et antichrétien » ni, encore moins, ceux qui « taisent ces crimes au confessionnal » et sont donc, eux aussi, marqués du sceau du « sacrilège ».

Bulles, décrets, sanctions, interdictions, les papes n’ont pas la patte de velours. Contre les dissidents, appelés hérétiques, on se sert du fer et du feu, au sens littéral du terme. Une histoire horrible, par la main de la tristement célèbre Inquisition (dite aussi Sainte Inquisition), dont on trouve déjà les traces avant l’année 1000 mais qui est codifiée et légitimée en 1215 sous Grégoire IX.

Hérétique est celui ou celle qui, par les écrits, les mots ou les actes, s’opposait aux normes dictées par l’Eglise. Laquelle ne plaisantait pas. Gare à l’hérétique, au sens littéral du terme. Il y a exactement 407 ans, le 17 février 1600, sous le règne de Clément VIII, Giordano Bruno, accusé d’hérésie, est brûlé vif à Rome ; en 1633, c’est le tour de Galilée : il est torturé et condamné à la prison à perpétuité, coupable d’affirmer que la Terre tourne autour du Soleil. Ce ne sont que deux des victimes les plus illustres.

En 1155, est brûlé vif Arnaldo de Brescia, coupable d’avoir dénoncé l’immoralité ecclésiastique ; en 1300, Fra Dolcino finit de la même façon ; en 1414, Jean Hus et Jérôme de Prague sont dépecés et envoyés au bûcher pour avoir prêché contre la possession de bien matériaux par l’Eglise ; Jeanne d’Arc est brûlée vive en 1431 pour sorcellerie ; le 23 mai 1498, place de la Signoria à Florence, Savonarole finit de même ; en 1736, Pietro Giannone, philosophe et historien, meurt sous les tortures (il avait osé soutenir la suprématie du roi sur la curie romaine).

Pendaisons, têtes tranchées, coups de bâton, prison à vie continuèrent au long des dix-huitième et dix-neuvième siècles : et on ne frappe pas que les hérésies contre la foi ; c’est le tour aussi des conspirateurs politiques, des progressistes qui se battent contre l’obscurantisme clérical. Seuls nous sont connus et nous ont été légués les noms célèbres. Mais les pogroms et les massacres de masse de la Sainte Inquisition sont un chapitre très sombre (en 2000, Jean Paul II a fait amende publique, en demandant pardon pour les délits commis au nom de l’Eglise).

Des villes entières ont été saccagées, comme Béziers, en France, au moins 20 000 personnes tuées ; sinistrement célèbre en Espagne le dominicain Thomas Torquemada auquel on attribue, en 18 ans de fervente activité, 800 000 Juifs éloignés après confiscation de leurs biens, 10 000 brûles vifs, 97 000 condamnés à la prison à perpétuité. Et avec l’accusation habituelle de « méchanceté hérétique » sont persécutés des Cathares, des Vaudois, des protestants.

La dissension religieuse se transforme tout de suite en un crime de nature politique (de lèse majesté) et les hérétiques, définis « ministri Diaboli » ne sont pas seulement ceux qui contestent les dogmes de l’Eglise, mais aussi et surtout ceux qui n’obéissent pas sur le plan de la sphère morale et sexuelle.

Les sorcières, abondamment torturées et fréquemment brûlées vives, étaient en commerce avec le diable en ce qu’elles forniquaient et pratiquaient la luxure. Et cela vaut la peine de noter que, pratiquement dans la première Bulle, apparaît aussi la pratique de la torture : en 1252, la Bulle « Ad Extirpanda » signée par Innocent IV. Et on calcule que les victimes de la Sainte Inquisition Romaine sont au moins 500 000 (mais globalement, en comptabilisant aussi celles des consoeurs d’Espagne et du Portugal, on parle de 2 000 000 de morts).

Elle a changé de nom. Mais l’Inquisition, en Italie, seul pays au monde, existe encore. En 1908, Pie X la renomma « Sacrée Congrégation du Saint Office » et Paul VI, en 1965, en changea encore le nom en « Congrégation pour la défense de la foi ». A la tête de laquelle Jean Paul II appela, en 1981, un certain Joseph Alois Ratzinger... Bulle papale ( !!), ne sonne pas bien.

de Maria R.Calderoni Traduit de l’italien par karl&rosa

pour Bellaciao


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message