A lire : Expériences socialistes en Afrique

jeudi 28 juillet 2011.
 

Libérations nationales, espoir d’émancipation sociale, retour sur les expériences africaines

Cinquante ans après les indépendances des colonies françaises d’Afrique subsaharienne, cet ouvrage collectif, dirigé par l’historien Francis Arzalier, offre un panorama utile et éclairant des expériences politiques se réclamant, au lendemain des indépendances, du « socialisme ». Des regards croisés, africains ou français, pour explorer les contradictions inscrites au cœur de ces tentatives de transformation des structures économiques, sociales, culturelles héritées de systèmes coloniaux intrinsèquement inégalitaires ou de systèmes traditionnels proprement féodaux, comme l’empire éthiopien.

On ne trouvera ici ni apologie ni diabolisation. Simplement la volonté revendiquée de contribuer à « un premier bilan contrasté, analytique ». Par un retour, d’abord, sur les trajectoires des indépendances nationales et sur les immenses défis légués par une colonisation qui n’eut rien de « positif » pour les peuples dont elle organisa l’exploitation.

Les années 1960 et 1970, rappellent les auteurs, furent, de ce point de vue, celles de la réalisation d’incontestables progrès sociaux, en particulier dans les domaines de l’éducation, de la santé ou encore de l’émancipation des femmes.

Progrès anéantis par le rappel à l’ordre néolibéral qui, dès le milieu des années 1980, à la faveur du reflux des mouvements populaires, imposa à l’Afrique, sous la houlette du FMI, des plans d’ajustement structurel destructeurs.

Avancées annihilées, aussi, par la violence politique de cette Françafrique de Jacques Foccart, qui orchestra dans l’ombre, directement ou indirectement, coups d’État et assassinats politiques au nom de la préservation des intérêts de l’ex-métropole. Bien sûr, ces facteurs externes se conjuguent avec des facteurs internes.

Plusieurs contributions reviennent longuement sur les clivages qui se sont aiguisés, au sein des fronts de libération parvenus au pouvoir, sur la voie de développement à emprunter. Au cœur de ces affrontements  : la contradiction fondamentale entre nationalisme et projet d’émancipation sociale et économique. Jusqu’à la fatale confusion entre « étatisme et socialisme », comme l’explique Samir Amine dans une contribution très critique sur le nassérisme égyptien. Jusqu’à la « substitution des repères identitaires aux repères sociaux de classe », expose aussi le communiste algérien Sadek Hadjerès. États hypercentralisés, dépérissement de la vie démocratique, autocraties, militarisation, logiques rentières…

Les auteurs analysent sans complaisance ces dérives, jusqu’au revirement radical de dirigeants auparavant progressistes devenus de fidèles serviteurs du FMI, comme Mathieu Kérékou au Bénin ou Denis Sassou Nguesso au Congo. Autant d’échecs qui ne sauraient disqualifier, insistent les auteurs, l’espoir initial, « prométhéen » et toujours actuel, de défricher une « voie non capitaliste » de développement pour « construire une société au service des hommes et des peuples ».

Rosa Moussaoui, L’Humanité

Expériences socialistes en Afrique. 1960-1990.Sous la direction de Francis Arzalier. Éditions Le temps des cerises, 2010, 20 euros


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