Le spectre de la famine plane sur les populations du Sahel

samedi 24 avril 2010.
 

Si rien n’est fait, près de dix millions de personnes seront affectées par une grave crise alimentaire dans les prochains mois. La moitié du Niger, soit 7,5 millions d’habitants, est menacée. Les autorités de Niamey et les ONG appellent à l’aide.

Le mot ne figure sur aucun document et pourtant il est présent dans tous les esprits. « À Action contre la Faim, nous n’utilisons jamais le terme famine. Mais il y a cette année des conditions objectives annonciatrices d’une catastrophe si rien n’est fait. Le spectre de la famine réapparaît au Sahel », lâche Olivier Longué, directeur général d’ACF en Espagne. « Dans deux semaines, nous connaîtrons la plus grave crise du Sahel de ces vingt dernières années », assure le Nigérien Boureima Dodo, responsable d’un réseau qui regroupe des associations d’éleveurs et de pasteurs d’Afrique, lors d’un passage à Paris.

Une grave crise alimentaire

Selon Oxfam France, près de dix millions de personnes sont menacées par une grave crise alimentaire dans les prochains mois dans l’est du Sahel. La moitié des habitants du Niger, soit 7,5 millions d’habitants, est en danger. Mais le Tchad occidental et central, le nord-est du Mali, le nord du Nigéria et certaines régions du Burkina Faso et de la Mauritanie sont également touchés à des degrés divers. La mauvaise répartition des pluies l’année dernière dans une région affectée par des sous-alimentations chroniques a perturbé la production céréalière. Les récoltes ont chuté de 34 % au Tchad en 2009 par rapport à 2008. Selon le Comité permanent Inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS), deux millions de Tchadiens ont besoin d’une assistance d’urgence.

La baisse est de 26 % au Niger. Dans ce pays, frappé par une famine en 2005, le stock de vivres disponibles permet de ne couvrir que 48,7 % des besoins du pays. « La nourriture reste actuellement disponible dans de nombreuses régions, mais elle est inaccessible aux ménages les plus pauvres », indique Oxfam. « À la crise de disponibilité des aliments, s’ajoute une crise récurrente des prix. Ils demeurent trop chers pour de nombreux ménages pauvres : dans l’ouest du Niger, les prix du millet ont augmenté de 20 à 25 %, ceux du sorgho jusqu’à 50 % en décembre 2009 », détaille Jean-Denis Crola. Les communautés pastorales qui dépendent du fourrage pour alimenter leurs animaux sont particulièrement vulnérables.

Contrairement à ce qui s’était passé en 2005, le nouveau régime de Niamey, issu du coup d’État du 18 février 2010, a lancé un appel à la communauté internationale, relayé par de nombreuses ONG. « Près de 60 % des ménages ne pourront pas satisfaire leurs besoins alimentaires jusqu’à la prochaine récolte en octobre », alerte ACF. Les besoins pour l’aide d’urgence sont évalués à au moins 200 millions de dollars. Oxfam demande la levée des sanctions imposées au Niger depuis le dernier coup d’État. « Près de 80 millions d’euros de financement sont ainsi encore bloqués par la Commission européenne, dont 22 millions destinés aux activités de sécurité alimentaire », indique Éric Hazard, membre du bureau d’Oxfam International à Dakar.

L’urgence pour des réformes en profondeur

Au-delà de l’aide d’urgence, les ONG et les sociétés civiles locales exigent des réformes en profondeur du secteur agricole. « Sous la pression des bailleurs de fonds internationaux, les pays du Sahel ont abandonné toute référence à l’autosuffisance alimentaire. On nous a répété pendant des années qu’il fallait faire confiance au marché. On voit ce que ça donne aujourd’hui », se désole Moussa Tchangari Aissani Tata, secrétaire général de l’association Alternative-Espace citoyen (Niger). « Les institutions internationales ont fait leur mea culpa. Mais tous ces beaux discours ne se sont pas encore matérialisés », ajoute-t-il. On ne récolte pas ce que l’on n’a pas semé.

Dominique Roustel L’Humanité 15-04-10


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