Finances publiques, Le verrou libéral (Dossier national PG)

dimanche 26 juin 2011.
 

Vendredi 25 mars dernier, les dirigeants européens adoptaient le Pacte « Euro plus ». Puis le 3 mai dernier, l’Assemblée Nationale débattait du projet de loi « relatif à l’équilibre des finances publiques ». Ces deux évènements politiques ont été traités de façon séparée dans les médias ou les débats politiques quand ils n’ont pas été passés sous silence. Ils sont pourtant intimement liés et relèvent tout deux d’une seule et même logique : se débarrasser des contraintes que la démocratie fait peser sur le capital en transférant petit à petit les décisions politiques loin de la souveraineté des peuples.

Un concours de novlangue

Difficile de s’y retrouver. Le Pacte Euro plus a d’abord été le « semestre européen » puis le pacte de compétitivité au gré des discussions politiques du tandem Sarkozy-Merkel. Le résultat lui, ne change pas. Le pacte demande purement et simplement à ce que la Commission européenne vise et valide les projets budgétaires et les politiques macros économiques des pays de la zone euro.

Les gouvernants en appellent à la sacro-sainte stabilité, à la nécessaire convergence des économies – comprendre diminution des taux d’imposition, certainement pas hausse des salaires – ou encore à la coordination des politiques. Mais les peuples résistent. L’ultra libéral américain Milton Friedman l’avait prévu qui conseillait d’utiliser toutes les crises, intérieures ou extérieures pour verrouiller la démocratie et imposer les réformes voulues en plaçant l’économie en dehors du champ de la démocratie. C’est ce que permet aujourd’hui la crise des dettes souveraines. Les pays européens sont donc maintenant tenus, en amont de toute discussion budgétaire nationale, de transmettre à la Commission ce que l’on appelle chastement leurs « orientations budgétaires ». Elle aura en charge « d’évaluer les progrès sur la base des salaires et de la productivité ainsi que des besoins d’ajustement en matière de compétitivité ». Ainsi, le pacte juge que « les augmentations significatives et durables [du coût de la main d’œuvre] pourraient provoquer une érosion de la compétitivité » et préconise de réexaminer les dispositifs de fixation des salaires, de veiller à ce que le secteur public « vienne soutenir ces efforts », d’ouvrir davantage les secteurs protégés, de flexibiliser le marché du travail ou encore d’augmenter l’âge de la retraite. Bref, ce nouveau système vient purement et simplement pérenniser les recettes libérales imposées jusque là par le FMI.

Cadenasser les peuples

Le Pacte prévoit également de « mieux contribuer à la viabilité des finances publiques »et de « renforcer la stabilité financière ». Il préconise notamment l’interdiction des déficits publics. Sarkozy et Merkel proposent en fait, en l’échange de la création du fond d’intervention européenne qu’ils financent en grande partie, de faire appliquer dans les autres pays de la zone euro ce qu’ils font chez eux. L’UMP argue de la crise financière et de « la nécessaire convergence des politiques européennes » pour imposer un alignement sur les politiques de la droite allemande. L’Allemagne a effectivement inscrit dans son texte fondamental une disposition qui lui donne jusqu’à 2016 pour limiter son déficit structurel (hors impact de la conjoncture économique) à 0,35% du PIB et proscrit à partir de 2020 les déficits dans les Länder.

En France, la droite va dans le même sens. Dès janvier 2010, le Premier ministre constitue un groupe de travail sur la limitation ou l’interdiction des déficits publics en France. En toute logique Nicolas Sarkozy confie la mission de faire des propositions pour assainir les finances publiques à... Michel Camdessus, affameur des peuples en chef du FMI pendant la période de 1987 à 2000, tristement célèbre pour sa gestion de la crise asiatique de 1997 ou russe et mexicaine en 98. Les préconisations faites sont très exactement celles retenues par la Gouvernement. L’objet est d’inscrire dans la Constitution l’impossibilité pour le budget de l’Etat d’être en déséquilibre. Par le truchement d’un nouveau type de loi dites « lois cadres de finances publiques », toute diminution de recette devra être conditionnée à son équivalent en diminution de dépenses. Sont concernés le budget de l’Etat, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. Autant dire que si le texte est ratifié, il n’existera plus aucune marge de manœuvre politique.

Le rapport Camdessus ne s’embarrasse d’ailleurs pas des circonvolutions dont usera le gouvernement pour faire passer son texte dans l’hémicycle. Il juge de lui même que les propositions faites introduiront « une rigidité énorme pour que le Parlement puisse prendre des réformes d’ampleur ». Ainsi, les orientations budgétaires sont fixées a priori par la Commission européenne selon ses critères libéraux et pour être certain que les peuples ne puissent pas réagir ou pire, désobéir, les parlements nationaux sont verrouillés. La souveraineté nationale est donc niée et les parlements deviennent les chambres d’enregistrement des décisions européennes.

Masquer la responsabilité du gouvernement

Pour entrer en vigueur, le texte doit être ratifié par le Congrès (la réunion de l’Assemblée Nationale et du Sénat) où il doit recueillir les 3/5èmes des suffrages. Or la droite n’a pas cette majorité de 555 parlementaires. Il ne s’agit que d’une loi d’affichage pour les marchés financiers et, en vue de 2012 de montrer qu’ils sont ceux qui se préoccupent de l’équilibre des finances publiques.

En l’état actuel du déséquilibre annuel de la France qui dépasse les 170 milliards en 2010, la diminution nécessaire représenterait la suppression des crédits alloués au ministère de l’éducation, de la recherche-enseignement supérieur, de la défense, de l’écologie, de la justice et du travail et de l’emploi. Sauf que ce chiffre est très exactement l’équivalent des différentes niches fiscales et sociales. Aujourd’hui le manque à gagner, d’après la Cour des comptes, est de 106 milliards d’impôts et de 67 milliards pour les cotisations sociales. La plupart de ces manques à gagner sont des cadeaux faits aux plus riches. La seule niche Copé qui exonère d’impôts les plus-values réalisées sur les ventes d’actions dans les groupes du CAC 40 représente à elle seule 22 milliards d’euros par an soit quasiment l’équivalent du budget 2011 de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est bien la politique de droite qui est responsable de notre déficit. Le nombre de niches fiscales par exemple a plus que doublé depuis 9 ans.

Plus que jamais, il est nécessaire d’engager une véritable politique de rupture. Celle-ci passera nécessairement par la désobéissance européenne pour récupérer notre souveraineté budgétaire.


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