« Marine le Pen le plébiscite ouvrier » d’après le JDD et Le Monde !

vendredi 6 mai 2011.
 

Le premier comportement électoral des ouvriers, c’est l’abstention. Pas le vote FN !

Un sondage réalisé par l’IFOP sur le vote des ouvriers en 2012 assure que 36 % d’entre eux sont prêts à voter pour la candidate du FN. Pris comme cela, le chiffre impressionne et déstabilise toute conscience de gauche (c’est le but). Cette annonce vient s’ajouter à la longue litanie, répétée du matin au soir et du soir au matin, « la progression i-rré-sis-tible de Marine Le Pen ». Les mêmes journaux ne disent pas un mot sur le fait que le programme du FN ne propose aucune augmentation de salaire, aucune proposition sur les loyers trop élevés, aucun droit nouveau pour les salariés, accepte la fin de la retraite à 60 ans, etc…non, cela on ne le saura pas. Ceux qui l’invitent sur tous les plateaux de TV ont autre chose à faire que de s’arrêter à ses détails. Mais, on vous répètera jusqu’à la nausée qu’elle seule « séduit les ouvriers avec son nouveau discours social ». Généralement, ce discours superficiel va de pair avec un mépris de classe présentant les ouvriers comme des xénophobes ou des incultes. Pourquoi ne dit-on jamais qu’elle est aussi la candidate des petits patrons et des commerçants qui payent mal leurs employés et ne veulent pas de syndicats ?

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J’arrête là mon mauvais esprit. Je ne sous estime aucun danger, bien au contraire. La situation n’est pas très réjouissante. Je ne cherche pas à nier qu’une part significative de la classe ouvrière vote Le Pen, père ou fille. Je voudrais par contre attirer l’attention du lecteur sur le fait qu’hélas cela n’est pas nouveau. Cela fait plus de 20 ans, selon les scrutins et particulièrement lors de l’élection présidentielle, qu’autour de 30 % des ouvriers qui vont voter le font pour le FN. Mais je souligne un point : seulement les ouvriers qui vont voter. Ces derniers sont très minoritaires. Car le premier comportement électoral des ouvriers en France c’est l’abstention, à près de 70 %, et cela aussi est préoccupant. Reporté aux nombres d’électeurs inscrits, parmi les ouvriers, les électeurs FN représentent généralement moins de 10 %. Cette réalité reste lourde de danger car rien de bon ne sort de l’inertie des peuples, elle est la forteresse des tyrans disait Machiavel.

Donc, ce que ne nous dit pas le JDD et son sondage pour l’instant c’est : combien d’ouvriers ont été interrogés pour obtenir ce résultat et combien n’ont pas répondu ? Combien ont dit qu’ils allaient s’abstenir en 2012 ? Cette abstention est la marque d’une colère, d’un rejet, d’un désarroi que nulle force n’organise encore de façon cohérente. Ne pas évoquer l’abstention quand on veut décrire le vote des ouvriers c’est décrire un tableau en ne se focalisant que sur un seul personnage. Procéder ainsi, c’est s’interdire de comprendre.

Autre constat que nous livre ce drôle de sondage si on le croit : près de 70 % des ouvriers qui iront voter veulent le faire pour un candidat de droite et d’extrême droite. Les ouvriers de gauche ne s’expriment pas. Ils doutent. Mais regardons le détail dans la droite. Le président sortant, qui concentre tous le pouvoirs, obtient 15 % ce qui est exceptionnellement faible dans la Ve République. Si l’on additionne Jean-Louis Borloo, Dominique de Villepin, Nicolas Dupont-Aignan et François Bayrou on obtient 20 %. Nicolas Sarkozy est donc minoritaire dans son propre camp. C’est un fait qui va accélérer la crise politique dans la droite. Cela renforce le Front national qui est en train de structurer le vote traditionnel des ouvriers qui votaient à droite et qui se radicalisent. Comment pourrait-il en être autrement dans la situation sociale actuelle et dans le climat idéologique entretenu par l’UMP et le gouvernement.

Et la gauche ? Elle est ramenée dans sa totalité à 30 %. Faible. J’intègre dans ce chiffre exceptionnellement bas le résultat de Dominique Strauss-Kahn et celui de Nicolas Hulot. Je ne reviendrais pas sur le premier, Directeur du FMI, qui n’a fait pour l’heure aucune proposition. Son score annoncé est donc celui du PS. Rien de plus. Il ne produit aucun effet d’entraînement malgré qu’il soit présenté comme le seul à gauche qui puisse battre Sarkozy. Quand à Hulot, il ne se définie pas pour l’heure comme un homme de gauche. Est-il possible d’admettre qu’après 4 ans d’un sarkoysme dur, la gauche n’apparaisse pas comme une alternative dans les milieux populaires qui seront déterminants pour l’emporter ? Peut être. Cela démontre surtout que la gauche est à reconstruire, qu’il existe une attente qui n’est pas satisfaite.

Les grands bataillons sont silencieux pour l’instant, l’arme au pieds. Il y a donc des cœurs à prendre et des têtes à convaincre. C’est encore la tâche du Front de Gauche de montrer que cette force est disponible. Elle a obtenu près de 11 % des suffrages lors des élections cantonales, il y a un mois. Les électeurs mentent-ils dans les urnes et ne disent-ils seulement la vérité qu’aux instituts de sondages ? Existe-t-il une autre solution que de renforcer cette force nouvelle, de l’élargir, de mieux faire connaître ses propositions ? C’est aux millions d’ouvriers abstentionnistes que le Front de Gauche doit s’adresser sans relâche sans avoir les jambes coupées par des sondages ahurissants. La candidature de Jean-Luc Mélenchon doit répondre à cette attente. Sinon, qui d’autre ? Toutes les tentatives récentes et les appels qui visent à imposer une « candidature unique de la gauche » sont un contre sens absolu. Je ne suis pas dupe, elles ne sont pas toutes de bonne foi et souvent impulsées par des pseudo-jeunes mondains proches de DSK qui organisent son retour sans réel contenu politique, si ce n’est le danger du FN. C’est par la peur qu’ils veulent imposer leur champion. Ce ressort ne suffira pas. Il fera illusion le temps des primaires, puis il cassera. Notre peuple et notre pays ont besoin de politique. Bien sûr, il faut éviter la division inutile dans la gauche, particulièrement dans « l’Autre gauche ». Mais aillons un peu de mémoire. En 81 et 88, François Mitterrand l’a emporté avec 6 candidats de gauche au premier tour. En 1995, il n’y en avait plus que 5 et la gauche a perdu, puis ils furent 8 et 7 aux élections de 2002 et 2007 avec les conséquences que l’ont sait. A présent, ils sont à nouveau 5 à gauche a être testés dans les sondages. Il n’y a donc là rien d’exceptionnel. Pourquoi alors certains jouent la petite musique de "halte à la division" (toujours populaire) qui sonne en fait comme "rentrez dans le rang". Tout cela ne traduit que la peur des socialistes d’être battus dès le premier tour. Je le dis sans détour : la proposition d’un seul candidat (ou candidate) pour toute la gauche est une absurdité qui nous coûtera collectivement très cher. Car, soyons franc, qui peut croire que tout seul, le candidat socialiste issue des primaires pourra l’emporter ? Quelle réserve de voix à la gauche pour le second tour ? Méfions nous donc des faux amis. En 2002, Lionel Jospin n’a pas été éliminé dès le premier tour en raison du trop grand nombre de candidatures à gauche. Tous ceux qui ont fait sa campagne l’ont alors mesuré. Il a perdu en raison de son incapacité à mobiliser l’électorat populaire et particulièrement l’électorat ouvrier. Neuf ans après le 21 avril 2002, la gauche n’aurait-elle rien appris ?

L’horloge de l’histoire est en train de tourner. Ne nous trompons pas dans l’heure qu’elle indique.


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