Faut-il supprimer les notes en primaire ? (dossier 8 articles)

samedi 15 janvier 2011.
 

1) Appel

La culture de la note est encore très présente dans l’école française, une institution historiquement tournée vers la sélection.

Si ce modèle répondait aux exigences d’un système élitiste avant la massification scolaire, il apparaît aujourd’hui en total décalage avec l’objectif d’élévation du niveau d’étude et les défis posés par la démocratisation des études supérieures.

Ce système de notation, et l’obsession du classement auquel il répond, crée, dès l’école élémentaire, une très forte pression scolaire et stigmatise les élèves qu’il enferme, progressivement, dans une spirale d’échec. Démotivantes, ces mauvaises notes sont vécues comme une sanction et n’apportent en rien les clés d’une possible progression.

Alors que la confiance en soi est indispensable à la réussite scolaire, les conséquences de ce système de classement sur les élèves en difficulté sont désastreuses : fissuration de l’estime de soi, absence de valorisation de leurs compétences, détérioration des relations familiales et, à terme, souffrance scolaire.

La pression scolaire précoce ne fait que nuire à l’efficacité de notre système éducatif : aujourd’hui quatre écoliers sur dix sortent du CM2 avec de graves lacunes :

Pour y favoriser l’acquisition des savoirs fondamentaux l’école élémentaire gagnerait à s’appuyer sur une autre logique que celle de la compétition. Il faut qu’elle devienne pour tous les enfants une étape positive de leur construction, de leur épanouissement, du développement de l’estime soi et de l’élaboration d’un rapport sain aux apprentissages.

D’autres modèles éducatifs ont prouvé leur efficacité en desserrant l’étau de l’évaluation constante. À titre d’exemple, en Finlande - le pays en tête des classements internationaux en matière d’éducation - les élèves sont évalués pour la première fois à 9 ans de façon non chiffrée, et commencent à être notés seulement à partir de 11 ans.

En France, les textes de lois ont déjà beaucoup évolué, et ne font plus référence explicitement à la note comme système d’évaluation ; mais face à l’urgence d’apporter des réponses concrètes à la question de la souffrance scolaire, nous devons franchir un palier supplémentaire et supprimer une notation inutilement sélective à l’école élémentaire.

Nous appelons tous ceux qui souhaitent réaffirmer que l’école élémentaire doit être celle de la coopération et non de la compétition, à signer le présent appel.

Source : http://suppressiondesnoteselementai...

2) L’Afev relance son appel à la suppression des notes au primaire

Par François Jarraud

Source :

http://www.cafepedagogique.net/leme...

Signé par une vingtaine de personnalités dans la foulée de la 3ème Journée du refus de l’échec scolaire, un appel demande la suppression des notes à l’école élémentaire.

"L’obsession du classement crée, dès l’école élémentaire, une très forte pression scolaire et stigmatise des élèves qu’il enferme progressivement dans une spirale d’échec. Démotivantes, les mauvaises notes sont vécues comme une sanction et n’apportent en rien les clés d’une possible progression", écrit l’appel. "Alors que la confiance en soi est indispensable à la réussite scolaire, les conséquences de ce système sur les élèves en difficulté sont désastreuses : fissuration de l’estime de soi, absence de valorisation de leurs compétences, détérioration des relations familiales et, à terme, souffrance scolaire. La pression scolaire précoce ne fait que nuire à l’efficacité de notre système éducatif".

Les signataires, parmi lesquels on retrouve Michel Rocard, Richard Descoings, François Dubet, Boris Cyrulnik, Axel Kahn, Marcel Rufo, Eric Debarbieux, rappellent qu’en Finlande "les élèves sont évalués pour la première fois à 9 ans de façon non chiffrée et commencent à être notés seulement à partir de 11 ans". Ils demandent " à supprimer la notation à l’école élémentaire, qui doit devenir l’école de la coopération et non de la compétition".

Le Snuipp, Chatel et les notes au primaire

Nécessaire mais pas suffisant. Le Snuipp appelle à élargir le débat sur l’école et ne veut pas se focaliser sur les notes. Chatel repousse la proposition de l’Afev.

"La notation n’est en fait que la face visible de notre système éducatif, construit sur le classement et la compétition, et qui reproduit les inégalités sociales", écrit le Snuipp dans un communiqué. Si le syndicat reconnaît que "la confiance en soi est déterminante pour apprendre et réussir, et elle est vite mise à mal par les échecs récurrents en classe", pour lui " la culture de la note... ne peut être seule mise en cause et de nombreux autres leviers doivent être actionnés". Le Snuipp mentionne les évaluations, la formation professionnelle initiale et continue des enseignants, le décrochage scolaire. Sur tous ces points il invite le ministre au débat, ce qui est aussi une façon de sortir de la demande de l’Afev.

Quant à Luc Chatel, selon l’AFP, il réfute l’analyse de l’Afev. "Il ne faut pas voir la note comme l’échec, comme le rejet, comme la sanction", dit-il. "C’est aussi... un projet de progression".

[3) 23 septembre 2010 : La Journée du refus de l’échec scolaire demande une autre évaluation

Pour accéder à cet article, cliquer sur le titre ci-dessus.

4) Dépasser les notes pour transformer l’école (SNUIPP)

Source : http://www.snuipp.fr/Depasser-les-n...

Le débat lancé sur les notes à l’école par l’appel de l’AFEV met à jour la question essentielle de la réussite des élèves. La notation n’est en fait que la face visible de notre système éducatif, construit sur le classement et la compétition, et qui reproduit les inégalités sociales.

Les enseignants, qui ont des pratiques diverses en matière d’évaluation, et qui cherchent à faire réussir tous les élèves, le constatent tous les jours. La confiance en soi est déterminante pour apprendre et réussir, et elle est vite mise à mal par les échecs récurrents en classe. Améliorer le climat scolaire pour instaurer davantage de sérénité, favorisant la réussite de chacun, et particulièrement celle des élèves les plus fragiles, est urgent. Pour cela, la culture de la note, qu’il faudra dépasser, ne peut être seule mise en cause et de nombreux autres leviers doivent être actionnés :

* Repenser les évaluations qui, au contraire des tests de CM2 et CE1, doivent permettre de mesurer les réussites et les progrès des élèves,

* mettre en oeuvre une vraie formation professionnelle initiale et continue des enseignants contrairement aux réformes en cours,

* en finir avec les redoublements inefficaces,

* mieux prendre en charge et plus vite les enfants qui décrochent en permettant le travail en petits groupes grâce à plus de maîtres que de classes et par le développement des réseaux d’aides,

* accompagner les enseignants à mettre en oeuvre les cycles car tous les enfants n’apprennent pas au même rythme...

Telles sont certaines des pistes que le ministère doit mettre en discussion de manière urgente aujourd’hui, abandonnant ses seules exigences budgétaires, pour enfin avancer sur la question de la réussite de tous. Les élèves les plus fragiles scolairement le sont aussi le plus souvent au plan social : l’école se doit d’avancer pour leur ouvrir les portes de la réussite.

Paris, le 18 novembre 2010

5) « L’essentiel c’est de donner l’envie d’apprendre aux enfants »

Par Axel Kahn, généticien, président de l’université paris-DESCARTES, signataire de l’Appel pour la suppression des notes à l’école (*).

Faut-il supprimer les notes en primaire ?

La question de la notation à l’école élémentaire me concerne à double titre. D’une part, l’université Paris-Descartes, que je préside, a une importante activité dans les sciences de l’éducation, et elle prépare à la formation des professeurs des écoles. Par conséquent, tout ce qui concerne l’optimisation de la pédagogie en primaire m’importe au plus haut point. D’autre part, j’ai été effrayé par les conclusions de l’enquête Pisa (programme international pour le suivi des acquis des élèves) menée auprès de jeunes de 15 ans dans les 30 pays membres de l’OCDE et pays partenaires, qui évalue l’acquisition de savoirs et savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la scolarité obligatoire. Les résultats montrent les performances épouvantables des élèves dans notre pays.

En France, l’école primaire exclut un trop grand nombre d’élèves, notamment ceux qui viennent des milieux socio-économiques les plus défavorisés, alors que le primaire devrait être le moment privilégié de les inclure. Mais, loin d’encourager et de stimuler les enfants, l’évaluation par les notes peut les exclure, les stigmatiser, les décourager et les amener à décrocher. Et de fait, de 10 à 15% des élèves de primaire décrochent ou n’accrochent jamais et seront perdus dans la suite de leur scolarité. Il ne s’agit évidemment pas d’abolir l’évaluation, mais le maître peut indiquer au petit élève l’appréciation de ses efforts, en disant par exemple à un très bon élève  : « Tu travailles très bien, bravo, continue  ! », à un autre  : « C’est assez bien, mais tu peux certainement faire mieux », ou encore à un troisième  : « Tu as les moyens de faire beaucoup mieux, car c’est encore insuffisant. »

Ainsi, le maître procède à une évaluation personnalisée permettant à l’élève de se situer dans la gamme de résultats des efforts qu’il consent plus ou moins, et l’enfant ne subit pas tout ce qui peut apparaître de brutal dans une note éventuellement connue par le reste de la classe, où les bons élèves ont tendance à se moquer de ceux qui ne le sont pas. Il convient à tout prix d’éviter de décourager cette minorité d’élèves qui ont des difficultés à accrocher à l’école parce qu’ils viennent de milieux où cela ne va pas de soi, où ils ne sont pas forcément stimulés, où ils subissent les difficultés parentales. Et l’éducation nationale a les moyens d’y parvenir sans les notes  : une méthode d’évaluation personnalisée ne demande pas beaucoup plus de travail aux enseignants que les notes, elle permet aux élèves de se situer et évite ce qui peut être vécu comme des agressions par ces derniers.

Parmi les enseignants, les avis sont très partagés sur l’utilisation des notes. Et les psychologues scolaires sont dans leur immense majorité en faveur de leur suppression. En fait, ce sont les parents qui apparaissent les plus attachés aux notes. Les parents ont été notés, nous avons tous tendance à reproduire ce que nous avons connu. Et pour eux, il est rassurant et satisfaisant de regarder le cahier de notes de leurs enfants pour estimer leur progression ou leurs difficultés. L’essentiel, au niveau du primaire, c’est que les enfants se sentent bien à l’école et qu’ils aient envie d’apprendre alors que cela ne leur est pas naturel. Je prends souvent l’exemple de l’apprentissage des petits enfants à la natation. Si, dès que vous mettez les enfants à l’eau, vous commencez à les évaluer durement, à vous moquer d’eux parce qu’ils barbotent, parce qu’ils nagent, au départ, comme des enclumes, au lieu de les encourager, le résultat est acquis  : ces enfants détesteront l’eau et la piscine, et ils ne nageront jamais bien. En revanche, si vous voulez qu’ils deviennent de bons nageurs, y compris des compétiteurs, car la compétition fait, hélas, partie de la société dure à laquelle on doit aussi les former, il faut dans un premier temps leur apprendre à aimer l’eau, à aimer nager. Je demande que le primaire apprenne aux enfants à aimer l’école, à aimer apprendre.

Propos recueillis par A. M.

6) « Évaluer un élève pour lui-même, pour l’aider à progresser »

Par Sébastien Sihr, secrétaire général du Syndicat national unitaire des instituteurs, 
professeurs des écoles et Pegc (SNUipp-FSU).

Faut-il supprimer les notes en primaire ?

La seule question qui nous intéresse est comment faire progresser des élèves qui risquent d’être en échec. Force est de constater que le système éducatif français a la dent dure, privilégiant les hiérarchies d’excellence à la démocratisation des réussites. Il y a là même un paradoxe qui met souvent les enseignants en tension, dès le primaire : d’un côté, l’objectif de « la réussite de tous » ; de l’autre, une société française très élitiste, qui véhicule l’idée que cette réussite passe seulement par les grandes écoles, comme si notre pays n’avait besoin que d’énarques ou de polytechniciens. À partir de là, chacun sait combien la note sert avant tout à élaguer la pyramide qui va mener jusqu’aux meilleures grandes écoles. Notre travail d’enseignant du primaire est bien loin de ces codes feutrés. Nous avons besoin d’évaluer un élève pour lui même, pour l’aider à progresser et non pour le classer ou le sélectionner. Là est l’intérêt de l’évaluation. Là est aussi toute sa complexité. Une évaluation utile recouvre alors plusieurs dimensions. Pour l’élève, elle l’aide à mesurer ce qu’il apprend. Pour la famille, elle
 l’informe des apprentissages de son enfant. Enfin, pour nous, enseignants, elle doit nous permettre de cerner les acquis et les modes de raisonnement de chaque élève afin de l’aider à progresser toujours et encore. En un mot, l’évaluation se doit d’être formative. Cette démarche s’appuie sur l’observation des élèves, la mise en place d’outils. Elle se construit par une formation professionnelle qui nous est niée à l’heure actuelle. Et puis, attention au mot  ! L’évaluation peut être aussi contreproductive, quand, aussi désincarnée que la note, elle tend à établir une classification ou à mettre davantage en évidence les échecs que les réussites. C’est une tentation qui n’échappe pas aux évaluations actuelles en CE1 et CM2.

La note est encore plus intransigeante que ces évaluations-là. Elle établit la place de l’élève dans le grand concours de la pyramide  : a-t-il une chance d’avoir un cursus d’excellence  ? Et donc, la note sanctionne, entraîne une mésestime de soi et renseigne finalement peu l’élève sur ses réussites et ses difficultés en matière d’apprentissage. De plus, pour l’enseignant, elle est rarement un point d’appui pour aider l’élève à mieux apprendre.

Pour toutes ces raisons, on ne peut être qu’en accord avec les signataires de la pétition lancée par l’Afev réclamant la suppression des notes. On regrette même que cette exigence soit cantonnée à l’école élémentaire, notre système scolaire ayant besoin de cohérence et de lisibilité.

La France devrait peut-être s’interroger sur cet élitisme que dénonce la plupart des intellectuels qui ont travaillé sur la question. N’oublions pas que notre école butte toujours contre le même noyau dur de l’échec scolaire. En plus, elle exclut de plus en plus d’élèves des milieux défavorisés au fur et à mesure de leur avancée scolaire. Les sociologues Christian Baudelot et Roger Establet dénoncent avec raison cette reproduction des inégalités dont le système éducatif se rend coupable  : « En France, il y a une culture précoce du classement qui produit, comme dans tous les sports de masse, des champions et une élite. » La note et certaines formes d’évaluation sélectives ne sont en fait que la face visible de cette école de la compétition. Au delà, c’est donc toute une partition qu’il faut réécrire dès l’école primaire : consolider la maternelle, accompagner les enseignants par une réelle formation professionnelle en leur permettant notamment de s’approprier le travail de la recherche en matière de réussite des apprentissages, modifier les organisations scolaires avec « plus de maîtres que de classes  », permettre la mise en place des cycles car tous les enfants n’apprennent pas au même rythme... L’évaluation formative prendrait alors tout son sens, au service de la réussite de tous les élèves. Notre métier, c’est de donner armes et formation au citoyen de demain pour qu’il ait sa place dans la société. Pas de former des surdoués et des aigris.

Sébastien Sihr

7) « L’heure est à une véritable refondation du système éducatif  »

Par Jean-Pierre Terrail, sociologue, pour le Groupe de recherche sur la démocratisation scolaire (GRDS).

Faut-il supprimer les notes en primaire ?

L e Groupe de recherche sur la démocratisation scolaire (1) est à l’initiative de l’Appel des 50 chercheurs pour une grande réforme démocratique de l’école, lequel prône « la mise en cause de la structuration concurrentielle du système éducatif ». Et nous proposons, au titre de notre groupe de recherche, la mise en place d’une « école commune » hors concurrence, hors notes, hors classement.

Comment dans ces conditions pourrions-nous ne pas approuver la critique par l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) de « l’obsession du classement (qui) crée, dès l’école élémentaire, une très forte pression scolaire et stigmatise des élèves qu’il enferme progressivement dans une spirale d’échec »  ? Et puisque nous sommes d’accord avec les objectifs de l’appel, pourquoi ne pas le soutenir  ? C’est un pas dans la bonne direction, et un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.

Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas seulement d’une mesure partielle, mais d’une mesure profondément ambivalente, qui a toutes ses chances, appliquée isolément, de se retourner contre sa finalité démocratique revendiquée.

Rappelons-nous l’exemple du redoublement. Cette pratique est dénoncée depuis très longtemps  : à valeur scolaire identique, les élèves qui passent dans la classe supérieure progressent plus vite que ceux qui redoublent, lesquels se voient de plus stigmatisés et découragés.

Pourtant il ne suffit pas de supprimer le redoublement pour résoudre les problèmes d’apprentissage des élèves concernés. Depuis Chevènement, le taux des redoublements a considérablement diminué, et jamais les écarts entre les acquisitions scolaires au niveau du collège entre les bons élèves et les autres n’ont été si grands. Une mesure de clémence envers les élèves en difficulté, qu’on évite de décourager, s’est avérée parfaitement compatible avec une accentuation des inégalités.

Comme pour le redoublement, supprimer les notes, à s’en tenir là, masquerait le problème posé sans le résoudre. C’est d’ailleurs déjà pour une part ce qui se passe. Bien des maîtres de bonne volonté évitent tout ce qui pourrait stigmatiser les élèves en difficulté, remplacent les notes par des lettres, ne publient aucun classement, et rappellent volontiers que l’erreur est humaine. Les élèves qui n’apprennent pas peuvent ainsi en arriver à oublier qu’ils n’apprennent pas, ou se sentent encouragés à croire que les choses finiront miraculeusement par s’améliorer.

On le sait, les bienfaits de cet humanisme n’ont qu’un temps. L’arrivée au collège fait voler les masques en éclats. Le rappel à la réalité d’apprentissages ratés est alors particulièrement douloureux et suscite d’amères et parfois furieuses réactions. Devenue intenable, la situation suscite de nouveaux humanismes, qui souhaitent désormais aménager le collège unique, et offrir aux plus faibles les savoirs minimums du «  socle commun  ».

Ces humanismes-là ne sont pas les nôtres. Nous ne voulons pas aménager une école injuste dont la seule ambition démocratique serait d’assurer une employabilité minimale à des élèves en difficulté que l’on ne ferait pas trop souffrir et qui ne troubleraient pas trop la paix des établissements. Les exigences de la vie sociale aujourd’hui dessinent une tout autre perspective, celle d’études longues pour tous et du plus large partage des savoirs.

Sa mise en œuvre passe bien à notre sens par la suppression des notes et de la concurrence. Mais en les accompagnant indissociablement d’une réforme d’ensemble des structures de l’institution scolaire, des parcours des élèves, des dispositifs pédagogiques, de la formation des maîtres.

Et pourquoi la distinction de l’Afev entre primaire et secondaire  : parce que dans le primaire il faut être gentil avec les enfants pour les aider à grandir, dans le secondaire on passe aux choses sérieuses  ? C’est le caractère crucial des apprentissages élémentaires qui est ainsi passé à l’as (au moins pour les enfants des «  quartiers  »). Dans un contexte où l’on sent monter la conscience que l’heure est à une véritable refondation du système éducatif, et non à une mesure de plus visant à consoler les perdants, la pétition de l’Afev ne joue-t-elle pas en fin de compte, quelles qu’aient pu être les intentions de ses promoteurs et signataires, un rôle de contre-feu  ?

(1) www.democratisation-scolaire.fr

Jean-Pierre Terrail

8) « Contre l’évaluation par notation, mais pour une évaluation formative »

Par Agnès Florin, professeurE de psychologie à l’Université de Nantes, Laboratoire de Psychologie 
« Éducation, cognition, développement » (LabEcd), signataire de l’Appel pour la suppression des notes à l’école élémentaire.

Faut-il supprimer les notes en primaire ?

J’ai signé cet appel parce que je suis pour l’évaluation formative, mais contre l’évaluation par notation qui contribue à décourager une partie des jeunes enfants. Les notes ne renseignent ni sur la nature des difficultés ni sur celle des progrès réalisés vis-à-vis de soi-même. De plus, il existe des biais de notation largement connus, beaucoup d’enseignants notant, par exemple, par rapport à un niveau moyen de la classe. La notation est relative aux attentes de chaque enseignant et suit des barèmes particuliers  : par exemple, si on enlève deux points à chaque fois qu’un enfant fait une faute d’orthographe dans une copie, il se retrouve rapidement 
à -  10  ! En général, les parents sont attachés aux notes, qui leur semblent un moyen rapide de savoir si leur enfant a des difficultés ou non à l’école, sauf que cela ne les renseigne nullement sur la nature des difficultés, ni sur celle des progrès de leur enfant, puisque les notes sont relatives au maître et n’impliquent pas directement l’enfant dans sa propre évaluation.

J’insiste sur le fait que je suis favorable aux évaluations, éléments incontournables de l’apprentissage, mais en termes de progrès, de notions bien ou mal comprises, d’items réussis, partiellement réussis, échoués ou d’objectifs fixés. Derrière les notes, il y a la question de la pédagogie et de l’évaluation. À partir du moment où les enfants sont à l’école pour apprendre, cela signifie, par définition, qu’ils ne savent pas, donc, ce qui est important, c’est de bien accompagner ce processus d’apprentissage, et de ne pas mettre les élèves en compétition par le biais des notes, comme cela se pratique aujourd’hui. Nous demeurons dans un système éducatif qui se fonde sur des critères d’élitisme… sauf que les études internationales montrent que la France a un niveau globalement moyen concernant les performances des élèves par rapport à d’autres pays  ! L’étude internationale Pisa, menée auprès de jeunes de quinze ans dans des dizaines de pays, le montre et révèle aussi qu’en France, les enfants ont beaucoup moins confiance en eux que dans d’autres pays, ils ont peur d’aller à l’école, ils hésitent à répondre aux professeurs quand ils ne sont pas sûrs de donner la bonne réponse, etc., alors qu’ailleurs, il est acquis que faire des erreurs fait justement partie de l’apprentissage. Chez nous, ça n’est pas le cas  : on focalise sur la faute. Et les notations briment ou valorisent de manière excessive les jeunes élèves et n’aident pas les enfants à apprendre. Apprendre est difficile et nécessite des efforts. Les enfants sont prêts à faire des efforts quand ils comprennent ce qu’ils font et non pas quand on les barde de mauvaises notes.

Dans ce dernier cas, ils sont amenés à croire que, puisqu’ils sont mauvais, il n’est même pas la peine de travailler. Alors que si on leur fixe des objectifs et des marges de progrès par rapport à ce qu’ils savent faire, ils sont davantage prêts à s’investir. Nos recherches ont montré, d’une part, comment des élèves de CE2 pouvaient être complètement découragés si le maître plaçait la barre trop haut, les mettant, de ce fait, en échec du point de vue des notations et, d’autre part, à l’inverse, comment dès que les élèves étaient associés au travail sur les objectifs à atteindre, dès qu’ils comprenaient ce qu’ils devaient travailler et comment on allait s’y prendre, ils progressaient. D’ailleurs, les pays d’Europe du Nord qui ne se fondent pas sur l’évaluation par la notation à l’école primaire obtiennent de bien meilleures performances scolaires, une certaine confiance en soi des élèves et une propre évaluation de leur bien-être beaucoup plus positive.

Propos recueillis par A. M.

Source : http://www.humanite.fr/26_11_2010-%...


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