Comment la spéculation est devenue un cancer au cœur du capitalisme

samedi 12 juin 2010.
 

Dans un ouvrage récent [1] , les économistes Michel Aglietta et Sandra Rigot posent la question : « Peut-on rendre le capitalisme viable en dépit de l’instabilité financière » qui le caractérise et, pourrait-on ajouter, de la spéculation ? Pour sa part, l’économiste communiste, Paul Boccara, répond sans ambages par la négative. « L’immensité de la spéculation, déclarait-il dans une interview récente à notre journal), renvoie à une crise radicale du système capitaliste. La spéculation l’envahit comme un cancer. » [2] Comment l’expliquer ?

La spéculation contemporaine a pris son envol avec les marchés financiers dont l’essor est lui-même lié à la décision prise en 1971 par les États-Unis de mettre un terme à la convertibilité de leur monnaie en or. Cette « révolution » a permis une création monétaire effrénée, surtout en dollars. Le flottement des monnaies, les variations de taux de change ou d’intérêts ont ouvert un continent à la spéculation. Des capitalistes ont ainsi pu réaliser des fortunes considérables en misant sur la baisse de la livre anglaise ou la hausse du mark, l’augmentation des taux d’intérêt de la Banque de France ou la réduction de ceux de la Fed américaine.

Deuxième stimulant de la spéculation : les formidables économies de moyens permises par les nouvelles technologies, dégageant des disponibilités considérables qui ont été utilisées comme autant de munitions pour la spéculation. Troisième facteur : le crédit. Michel Aglietta, encore, souligne dans un autre ouvrage [3] ce lien entre le crédit et la spéculation financière. Il note que la crise de 2008 a été « d’une ampleur exceptionnelle dans la mesure même où le crédit a atteint des niveaux jamais égalés auparavant. Le levier du crédit, en effet, a permis de nourrir cette dynamique d’achat et donc une hausse des actifs, notamment des actifs immobiliers, sur une durée sans précédent et tout à fait insolite ». D’autres économistes [4] disent sensiblement la même chose. On en déduira que la spéculation est inhérente aux marchés financiers et que la meilleure façon de la circonscrire est de réduire le rôle de ces derniers, notamment en mobilisant le crédit pour l’emploi et la croissance plutôt que pour la finance.

Pierre Ivorra

Notes :

[1] Crise et rénovation de la finance, Odile Jacob.

[2] Voir aussi l’ouvrage Transformations et crise du capitalisme mondialisé, quelle alternative ?, 2e édition, édition le Temps des cerises.

[3] La Crise. Pourquoi en est-on arrivé là ? Comment en sortir ?, éditions Michalon

[4] De la crise des subprimes à la crise mondiale, ouvrage collectif, La Documentation française.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message