Animaux (poèmes)

samedi 5 septembre 2020.
 

1) Les chats (Charles Baudelaire)

Les amoureux fervents et les savants austères

Aiment également, dans leur mûre saison,

Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,

Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

*

Amis de la science et de la volupté,

Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres ;

L’Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,

S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

*

Ils prennent en songeant les nobles attitudes

Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,

Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ;

*

Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques,

Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,

Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

*

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal

2) Le chien a remué Une dernière fois sa pauvre vieille queue (Victor Hugo)

Un groupe tout à l’heure…

Un groupe tout à l’heure était là sur la grève,

Regardant quelque chose à terre. – Un chien qui crève !

M’ont crié des enfants ; voilà tout ce que c’est. –

Et j’ai vu sous leurs pieds un vieux chien qui gisait.

L’océan lui jetait l’écume de ses lames.

– Voilà trois jours qu’il est ainsi, disaient des femmes,

On a beau lui parler, il n’ouvre pas les yeux.

– Son maître est un marin absent, disait un vieux.

Un pilote, passant la tête à sa fenêtre,

A repris : – Ce chien meurt de ne plus voir son maître.

Justement le bateau vient d’entrer dans le port ;

Le maître va venir, mais le chien sera mort. –

Je me suis arrêté près de la triste bête,

Qui, sourde, ne bougeant ni le corps ni la tête,

Les yeux fermés, semblait morte sur le pavé.

Comme le soir tombait, le maître est arrivé,

Vieux lui-même ; et, hâtant son pas que l’âge casse,

A murmuré le nom de son chien à voix basse.

Alors, rouvrant ses yeux pleins d’ombre, exténué,

Le chien a regardé son maître, a remué

Une dernière fois sa pauvre vieille queue,

Puis est mort. C’était l’heure où, sous la voûte bleue,

Comme un flambeau qui sort d’un gouffre, Vénus luit ;

Et j’ai dit : D’où vient l’astre ? où va le chien ? ô nuit !

Victor Hugo

3) J’aime l’âne si doux (Françis Jammes 1868 - 1938)

1.

J’aime l’âne si doux

Marchant le long des houx

Il va près des fossés

D’un petit pas cassé

Il porte tout : les pauvres

Et les sacs remplis d’orge.

2.

Il réfléchit toujours

Ses yeux sont en velours

Car, il est aux yeux de Dieu

L’âne doux du ciel bleu.

Il a fait son devoir

Du matin jusqu’au soir.

3.

Il reste dans une étable

Résigné, misérable,

Ayant bien fatigué

Ses pauvres petits pieds.

Il a tant travaillé

Que ça vous fait pitié.

4.

L’âne n’a pas eu d’orge,

Car le maître est trop pauvre,

Il a sucé la corde,

Puis a dormi dans l’ombre...

Il est l’âne si doux

Marchant le long des houx.

(De l’Angélus de l’Aube à l’Angélus du soir)

4) Dame souris trotte (Paul Verlaine)

1.

Dame souris trotte

Noire dans le gris du soir,

Dame souris trotte

Grise dans le noir.

2.

On sonne la cloche,

Dormez les bons prisonniers !

On sonne la cloche :

Faut que vous dormiez.

3.

Pas de mauvais rêve,

Ne pensez qu’à vos amours.

Pas de mauvais rêve :

Les belles toujours !

4.

Le grand clair de lune !

On ronfle ferme à côté.

Le grand clair de lune

En réalité !

5.

Un nuage passe,

Il fait noir comme en un four,

Un nuage passe.

Tiens le petit jour ! 6.

Dame souris trotte,

Rose dans les rayons bleus.

Dame souris trotte :

Debout les paresseux !

5) Ma libellule (François Fabié)

Pour accéder à ce poème 4, cliquer sur le titre ci-dessus.

6) Les papillons (Gérard de Nerval)

Pour accéder à ce poème 5, cliquer sur le titre ci-dessus.

7) A une chatte (Charles Cros)

Chatte blanche, chatte sans tache,

Je te demande, dans ces vers,

Quel secret dort dans tes yeux verts,

Quel sarcasme sous ta moustache.

...

Tu nous lorgnes, pensant tout bas

Que nos fronts pâles, que nos lèvres

Déteintes en de folles fièvres,

Que nos yeux creux ne valent pas

...

Ton museau que ton nez termine,

Rose comme un bouton de sein,

Tes oreilles dont le dessin

Couronne fièrement ta mine.

...

Pourquoi cette sérénité ?

Aurais-tu la clé des problèmes

Qui nous font, frissonnants et blêmes,

Passer le printemps et l’été ?

...

Devant la mort qui nous menace,

Chats et gens, ton flair, plus subtil

Que notre savoir, te dit-il

Où va la beauté qui s’efface,

...

Où va la pensée, où s’en vont

Les défuntes splendeurs charnelles ?

Chatte, détourne tes prunelles ;

J’y trouve trop de noir au fond.

...

Charles Cros, Le coffret de santal


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