La rose du premier de l’an
Aragon (1897-1982)
Connaissez-vous la rose-lune
Connaissez-vous la rose-temps
L’autre ressemble autant à l’une
Que dans le miroir de l’étang
L’une à l’autre se reflétant
Connaissez-vous la rose-amère Faite de sel et de refus Celle qui fleurit sur la mer Entre le flux et le reflux Comme l’arc après qu’il a plu |
La rose-songe et la rose-âme
Par bottes au marché vendues
La rose-jeu la rose-gamme
Celle des amours défendues
Et la rose des pas perdus
Connaissez-vous la rose-crainte Connaissez-vous la rose-nuit Toutes les deux qui semblent peintes Comme à la lèvre est peint le bruit Comme à l’arbre est pendu le fruit |
Toutes les roses que je chante
Toutes les roses de mon choix
Toutes les roses que j’invente
Je les vante en vain de ma voix
Devant la Rose que je vois.
Romance Les lis
Paul Bourget (1852-1935)
L’âme évaporée et souffrante,
L’âme douce, l’âme odorante
Des lis divins que j’ai cueillis
Dans le jardin de ta pensée,
Où donc les vents l’ont-ils chassée,
Cette âme adorable des lis ?
N’est-il plus un parfum qui reste De la suavité leste Des jours où tu m’envolopais D’une vapeur surnaturelle Faite d’espoir, d’amour fidèle De béatitude et de paix ? La Pervenche (Alphonse de Lamartine) Pâle fleur, timide pervenche Je sais la place où tu fleuris, Au pied des monts, ton front se penche Pour mieux charmer nos yeux épris ! C’est dans un sentier qui se cache Sous ses deux bords de noisetiers Où pleut, sur l’ombre qu’elle tache La neige des blancs églantiers Une source tout près palpite Où s’abreuve le merle noir ; Il y chante et moi je médite Souvent de l’aube jusqu’au soir. O fleur ! que tu en dis des choses A mon amour, quand je reviens, Quand tu me parles à lèvres closes, Et que mon coeur écoute le tien... Les lilas Aragon (1897-1982) Je rêve et je me réveille Dans une odeur de lilas De quel côté du sommeil T’ai-je ici laissé ou là |
Je dormais dans ta mémoire
Et tu m’oubliais tout bas Ou c’était l’inverse histoire Etais-je où tu n’étais pas |
Je me rendors pour t’atteindre
Au pays que tu songeas
Rien n’y fait que fuir et feindre
Toi tu l’as quitté déjà
Dans la vie ou dans le songe Tout a cet étrange éclat Du parfum qui se prolonge Et d’un chant qui s’envola |
O claire nuit jour obscur
Mon absente entre mes bras
Et rien d’autre en moi ne dure
Que ce que tu murmuras
53. Le langage des fleurs
Les fleurs : Elles naissent dans un mystère Et jaillissent de la terre, Avec toutes les couleurs, Elles apportent le bonheur... Les fleurs
Dans la rosée elles s’ouvrent Et le soir elles se couvrent, Sans faire le moindre bruit Pour s’endormir la nuit.
Elles cherchent le soleil Qui passe dans le ciel, Elles se gorgent de chaleur Et adorent la douceur.
Elles invitent les abeilles A boire dans leur stigmate, Pour emplir des corbeilles De pollens dans leurs pattes Travaillant de longues heures Elles emportent en leurs mains Des grandes prairies de fleurs Qui renaîtront demain...
Les fleurs ont un langage Qui parle aux gens sages, Pour leur dire en silence Tout l’amour que l’on pense ... Nobles fleurs d’élevages Qui font de longs voyages, Petites fleurs des champs Que ramassent les enfants.
Elles viennent en visite Pour montrer qu’on existe, Elles consolent ceux qui pleurent Et fleurissent ceux qui meurent ... Les fleurs
Si la vie est trop dure Va donc dans la nature. 0uvre bien grand ton coeur Pour y mettre des fleurs
Respire tous leurs parfums Sans y mettre les mains, Pour que même fanées, Elles reviennent chaque année ... Les fleurs
(Jean-Claude Brinette)
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