"Méthodes de voyous" de France Télévision et bilan du 2ème tour

mardi 30 mars 2010.
 

Si ces élections régionales ont permis au Front de Gauche de s’inscrire dans le paysage politique français, son leader ne décolère pas du traitement médiatique que subit sa formation. Littéralement écarté des débats électoraux dimanche soir, J.L Mélenchon dénonce des « méthodes de voyous »…

Les méthodes lamentables de France Télévisions à l’occasion de cette soirée électorale

Régionales : Mélenchon boycotté par France 2, décommandé pour la 5ème fois aux 4 vérités

Reversus : Ce soir, vous avez eu un véritable coup de colère sur France 3, quelles en sont les raisons ? Vous avez pourtant pu vous exprimer ?

Jean-Luc Mélenchon : J’étais en effet invité à m’exprimer à 20 heures sur France 2 et à partir de 20h30 sur France 3. A partir du moment où j’avais accepté, j’ai été obligé de refuser toutes les autres invitations des autres Médias. Aujourd’hui, en raison de la grève d’une partie du personnel de France Télévisions, on me demande si je peux venir dans les studios situés en banlieue parisienne, à Boulogne-Billancourt. J’accepte.

A 17 heures, France 3 m’appelle pour me dire que le dispositif est complètement modifié et qu’il est désormais impossible que je puisse m’exprimer. Dès lors, je me retrouve devant le fait accompli, n’ayant aucune possibilité de me retourner vers d’autres médias vu l’horaire avancé.

Je me rends donc à Boulogne-Billancourt comme convenu à 20 heures pour le plateau de France 2. On commence par m’indiquer que je suis « trop en avance » et que je ne pourrais passer qu’à 20h30. En vérité, on me fait patienter durant plus de 45 minutes dans un petit duplex alors que sur le plateau, on pouvait observer la présence de 4 invités (2 PS et 2 UMP) mais également 2 chaises vides. Daniel Cohn-Bendit et moi-même ne sommes considérés que comme des agréments de la soirée et nous ne pouvons intervenir que de manière ponctuelle lorsque les débats sont clos. Au final, je n’aurai pu m’exprimer que 3 minutes.

Au bout d’un moment à force de me faire patienter, j’ai fini par partir. Ce qui est marquant, c’est la méthode, à aucun moment, ils ne m’ont averti que je ne pourrais pas reprendre la parole. Au final, ils m’ont bloqué durant une heure pour rien et sans m’avertir. Personnellement, je trouve que ce sont des méthodes de voyous. Ils ne sont pas du tout respectueux de la dignité de la personne.

Reversus : Est-ce que vous pensez que c’est lié au différend que vous aviez eu avec Arlette Chabot ?

J-L. Mélenchon : C’est lié en partie à cela mais j’avais justement accepté de venir sur France Télévisions pour enterrer la hache de guerre. Mais ce nouvel incident s’ajoute à une triste succession. Après m’avoir éliminé de ses écrans pendant toute la campagne électorale jusqu’au 1er tour, et avoir annulé à 4 reprises mon invitation à sa matinale des 4 Vérités, France 2 a, une nouvelle fois (la 5ème), annulé ma participation à cette matinale mercredi dernier, alors même que celle-ci m’avait été confirmée par écrit. Quant aux antennes régionales de France 3, elles avaient également éliminé les candidats du Front de Gauche de leurs débats contradictoires dans plusieurs régions, aussi bien pendant la campagne que lors des soirées électorales.

Reversus : Sur votre blog, vous aviez indiqué que vous aviez déjà essayé de vous réconcilier avec Arlette Chabot en déjeunant avec elle mais qu’elle ne vous avait pas adressé la parole du repas.

J-L. Mélenchon : Oui elle s’était comportée de manière très vulgaire en me lançant de but en blanc : « Vous êtes mal élevé ». Je lui avais alors répondu : « Si vous le voulez bien, laissons les parents en dehors de cela, j’ai 58 ans. »

Lors du fameux débat des élections Européennes, on a retenu que la phrase que j’ai lancé alors que le cadre de l’émission était proprement scandaleux. A.Chabot avait organisé des pugilats, des duels d’hommes politiques pour faire du spectacle…



Reversus : Lors de votre dernier entretien avec des blogueurs, vous aviez indiqué que le « système médiatique était perverti, qu’il produisait un métadiscours qui n’était in fine qu’une subversion de la sphère publique ». Dès lors, votre intérêt n’est-il pas d’adopter la tactique de Mitterrand en 81, à savoir délégitimer au maximum le média télévision que vous jugez biaisé et orienté ?



J-L. Mélenchon : C’est précisément ce que je suis en train de faire avec vous, en dénonçant ces pratiques. Le problème, c’est que je suis le seul qui proteste, les autres préfèrent le silence. D.Cohn-Bendit était furieux lui aussi de la tournure des évènements mais il ne dira rien.

Aujourd’hui je veux que ça se dise, que ça se sache. Ce sont des manipulateurs d’opinions, ils m’ont en quelque sorte privé de paroles, non seulement chez eux mais sur les autres Médias. Ce n’est pas acceptable. Au final, un homme politique est capturé, on le garde au chaud durant une heure pour qu’il ne puisse aller nulle part ailleurs.

Ils entretiennent le bipartisme et piétinent le pluralisme politique. Il y a d’un côté le grand PS et de l’autre côté le grand l’UMP, tous les autres partis ne servent qu’au décorum. Dans la soirée, ils ont parlé 20 fois du Front National et de son score et pas une seule fois du Front de Gauche alors qu’on a fait presque 20% dans le Limousin.

Reversus : Justement pour revenir aux élections, vous vous étiez fixé un ordre de mission : déplacer le centre de gravité à Gauche, pari réussi avec le déclin de Modem. Second objectif que vous vous étiez assigné le retour d’une gauche solidaire, ce qui semble être le cas. Dès lors, le Front de Gauche a t-il encore une raison d’être après cette réorientation du PS ?

J-L. Mélenchon : C’est certain que ça renforce notre stratégie auprès de l’autre gauche. Pour une gauche solidaire, lorsque j’entends les propos de P.Moscovici sur les retraites, je me dis que ce n’est pas forcément pour tout de suite…

Lors du premier tour, Daniel Cohn Bendit appelait, en me montrant du doigt à l’alliance des rouges des roses et des verts. C’était précisément le mot d’ordre de mon courant, il y a 15 ans au Parti Socialiste avec Julien Dray. Mais personne ne s’en souvient…

Ce que l’on a montré dans le Limousin, c’est que désormais si nous ne sommes pas d’accord avec les idées du PS, nous sommes en capacité de résister et dans des proportions auxquelles ils ne s’attendaient pas. Il faut bien se rendre compte qu’à Tulle, la ville fief de François Hollande, on a fait 17% au second tour. C’est une démonstration magistrale.

Quel est le scénario historique ? Ça ne se résume pas aux 3 conventions programmatiques du PS suivis des primaires et en avant pour 2012 ! Ce qu’il faut observer, c’est la situation de blocage au sein de notre pays. La droite vient de connaître la pire défaite de son histoire depuis 1958 et elle continue à faire comme s’il ne s’était rien passé. C’est un déni total du réel. S’il y avait des législatives ce soir, il faut savoir qu’il n’y aurait que 45 députés UMP.

Pendant ce temps-là, France 2 et France 3 nous jouent la comédie actuelle. Ils ne se rendent pas compte de la gravité du moment. Ce qu’ils m’ont fait n’est même pas de nature politique, c’est l’industrie du spectacle et de la communication, qui ont fusionné. S’ils ne parviennent pas à comprendre que dans une forteresse de la social-démocratie, on s’implante avec près de 20% de voix, qu’est ce qu’ils peuvent comprendre ?


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