Lorraine : chez Lithorade, entreprise où sonne le glas ...

dimanche 7 mars 2010.
 

Lundi après-midi, trois candidats de la liste du Front lorrain de Gauche sont allés à la rencontre des salariés de Lithorade, à Forbach.

Installée depuis 2001 (grâce, entre autres, à des subventions de la Région Lorraine…) cette imprimerie produit des jaquettes de CD. Le 1er septembre dernier, le groupe allemand Bertelsmann propriétaire des lieux revend l’entreprise au groupe néerlandais Lithorade. 4 mois plus tard, en janvier, à cause « de la baisse du prix du disque » (tu parles !) la moitié de l’effectif soit 24 employés se voient menacés de perdre leur travail. En réalité, il s’agit ici d’un jeu de billard à trois bandes, dans lequel le « client » qui a racheté la boite n’est autre qu’un actionnaire du groupe.

Au pays merveilleux de la concurrence libre et non faussée et du capitalisme débridé, devinez qui trinque ? La crise a bon dos, une fois de plus. Et en parlant avec les gars, devant les restes noircis des palettes incendiées, on finit par se poser des questions. Cette crise, dont seule les banques sortent indemnes, sinon plus puissantes encore, cette crise, ce ne serait pas des fois un écran de fumée, propre à nous faire gober n’importe quelle fermeture d’usine, n’importe quelle charrette ? Comme ailleurs, comme partout, les types nous disent qu’il y a du boulot, qu’ils ont un savoir-faire, qu’ils pourraient continuer, mais…

Mais demain, le tribunal de Sarreguemines va décider de la liquidation de leur entreprise. Ils se sont battus, ils ont défilé, manifesté. Ils nous disent qu’ils ont été « raisonnables », qu’ils n’ont pris personne en otage, qu’ils auraient pu, ou peut-être dû, va savoir. Ils racontent leur maison, leur copine qui a du boulot, juste à côté, le petit dernier qui a deux ans à peine, les traites qui tombent comme à Gravelotte, et les lendemains qui, décidément, ont fini de chanter.

Ils racontent que le tout a été soldé pour 1 euro. On a demandé si on avait bien entendu. Mais oui, 1 euro ! Un des gars me dit : Vous vous rendez compte, on est 48. Ça veut dire que chacun de nous vaut 2 centimes. Et encore, on n’a pas compté les machines… On se quitte. On leur promet d’écrire au ministre Estrosi, à son collègue Lellouche (le même qui voulait buter Jean-Luc Mélenchon en duel ? le même qui voulait stériliser les homosexuels ? mais ça n’a rien à voir, je vous l’accorde).

On a la tête basse au retour et le moral en berne. Ces travailleurs-là auront demain, si c’est un jour de chance, une prime, une misère, et avec encore plus de chance, on leur paiera enfin leur salaire de janvier, mais Lithorade, c’est bien fini. Les amitiés nouées avec le copain d’atelier, les complicités des jours de grève, les barbecues entre collègues, tout ça, on oublie, on ne sait ni où ni quand on va trouver quelque chose, si on trouve…

Mobilité, qu’on leur a dit. C’est lapidaire, mais c’est net. On est repartis, gênés, avec nos badges et notre solidarité.

Ils sont restés, jusqu’à demain, où sonnera le glas de Lithorade.

Dignes jusqu’au bout, même s’ils ne sont plus tout à fait sûrs d’avoir eu raison en ne cramant pas la boutique avec les palettes…

brigitte blang


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