Caroline Wassermann, avocate, en garde à vue, "fouillée à nue", "traitée comme un animal" (novembre 2009)

jeudi 14 novembre 2019.
 

Les huit heures très musclées de Me Caroline Wassermann (Article Le Monde)

L’avocate Caroline Wassermann s’est rendue le coeur léger à la convocation de la police judiciaire (PJ) de Meaux (Seine-et-Marne), lundi 16 novembre. Mal lui en a pris : elle a passé huit heures en garde à vue dans des conditions très dures.

Quand elle reçoit cette convocation, le 12 novembre, elle alerte le conseil de l’ordre du barreau de Paris, comme c’est l’usage. Le bâtonnier de Paris, Christian Charrière-Bournazel, écrit à la direction de la PJ. Un commandant de l’antenne de Meaux lui répond : "Il est bien évident que maître Wassermann n’aurait jamais été convoquée au service si cette convocation avait eu un rapport avec un dossier dont elle a la charge. S’agissant d’une question personnelle, je suis sûr que, comme tout bon citoyen, Me Wassermann déférera à cette convocation."

En "bonne citoyenne", Me Wassermann se rend donc à la PJ de Meaux, le 16 novembre. "On m’interroge pour savoir si j’ai eu des rapports avec une personne, liée à l’un de mes clients. Je suis tenue au secret professionnel. Il n’est pas question que je parle. S’engage alors un combat entre la police et moi." Elle est descendue vers les cellules de garde à vue. Et soumise au rituel habituel : "J’ai été fouillée à nu, photographiée comme un bandit, on a pris mes empreintes, qui vont servir à nourrir je ne sais quel fichier", s’insurge-t-elle. Elle ne se laisse pas faire et fait l’objet d’un rapport d’incident pour son attitude. La police songe même au délit d’outrage...

"J’étais seule dans une cellule (...). J’appelais pour aller aux toilettes, personne ne répondait. J’ai eu droit à un demi-verre d’eau pour prendre un cachet. En garde à vue, les gens sont traités comme des animaux. Au bout de quatre heures, quelqu’un m’a appelé : "audition, montez."" Elle ne dit toujours rien. A 19 heures, elle est présentée à un juge d’instruction qui la met en examen pour violation du secret professionnel. "J’étais rassurée d’être devant un juge. J’avais l’impression de me retrouver dans une zone de droit"...

Alain Salles

« Mettre fin au scandale de la garde à vue » Article de L’Humanité

Caroline Wassermann est toujours en colère. Les huit heures de garde à vue que l’avocate a passées, lundi 16 novembre, dans le commissariat de Meaux (Seine-et-Marne), accusée d’avoir violé le secret professionnel, ne passent pas. De sa « triste expérience », elle entend se servir pour dénoncer le scandale que sont les gardes à vue en France aujourd’hui.

« J’ai été placée en garde à vue comme des centaines de milliers de Français chaque année. Je ne suis pas une martyre. Que je subisse cela n’a guère d’importance, que l’ensemble des justiciables de ce pays soient exposés à ce risque est inacceptable », lance Caroline Wassermann, satisfaite que son cas puisse faire avancer cette cause. Le souvenir de son enfermement à Meaux reste cuisant. « Ce commissariat n’est pas précisément réputé comme le pire lieu de détention mais j’y ai vécu huit heures de cauchemar. Quand les policiers m’ont “invitée” à m’asseoir sur un banc pour y être menottée, le mur contre lequel je devais m’adosser était maculé de sang encore frais. J’ai dû me déshabiller totalement pour la fouille. Puis j’ai été poussée dans une cellule souillée d’excréments. J’étais traitée comme un animal. La volonté d’humilier était évidente. »

Quand l’avocate est présentée au juge d’instruction, elle a le sentiment de retrouver la civilisation. « Ça a été un soulagement réel, je réintégrais une zone de droit où mon intégrité était garantie. » Aujourd’hui, il est impossible pour la jeune femme de passer sa mésaventure par pertes et profits. « J’aurais pu m’écraser. Considérer cela comme un mauvais moment dans ma vie. Mais plusieurs centaines de milliers de personnes vivent chaque année cette expérience, cela ne peut plus durer. J’ai décidé de saisir cette opportunité pour provoquer une prise de conscience, une mobilisation. Il est temps de mettre fin à ce scandale, contraire aux dispositions de la Commission européenne des droits de l’homme (CEDH) et indigne de la France. » Le scandale est d’autant plus grand, souligne Caroline Wassermann, que beaucoup de gens placés en garde à vue en sortent sans qu’il ne leur soit reproché quoi que ce soit  ! « Mais, sur le principe même, il est inacceptable que dans ce pays des milliers de personnes subissent une telle humiliation. Même deux heures, c’est insupportable. Il faut changer les conditions de la garde à vue. »

D’autant qu’elle sait combien le rôle de l’avocat est, à l’heure actuelle, minime lors du premier entretien, d’une durée d’une demi-heure, avec un gardé à vue. « Il a juste le temps de s’enquérir de sa santé, qu’il a vu un médecin, que ses droits lui ont été notifiés, c’est tout. L’avocat est un pantin tant qu’il n’aura pas accès au dossier. » La CEDH, le 13 octobre dernier, avait donné raison à Caroline Wassermann, en sanctionnant l’impossibilité d’être assisté d’un avocat dès le début de la garde à vue.

De toute façon, assure-t-elle, « aujourd’hui, il faut que cela s’arrête. Il faut modifier les conditions de la garde à vue ».

Dany Stive


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