Le capitalisme, c’est un ordre social (par Jean Burles, historien)

mercredi 22 juillet 2009.
 

Comment qualifier la crise ? Quelle issue ?

II est possible de procéder à une autre analyse du résultat des élections européennes. Mais dans les conditions d’une crise inédite, le résultat pose d’autres problèmes au Parti communiste, essentiellement ceux de l’analyse de la crise et des conditions de son issue.

La crise est unanimement qualifiée de crise économique et financière, elle tiendrait son importance de sa mondialisation à partir des États-Unis. Or le capitalisme n’est pas une entité économique et financière dont les problèmes seraient les seuls phénomènes de crise. Le capitalisme est un ordre social déterminé dont la nature des rapports entre les monopoles et l’État est le mode d’existence. En France, le libéralisme et l’interventionnisme financier de l’État ont eu pour conséquences la fermeture d’entreprises et les licenciements massifs. Le capital financier hypertrophié, en manque de profit élevé, se valorise, hors de la production et de l’échange des marchandises, par la spéculation.

Or l’analyse unilatérale de la crise passe sous silence les rapports idéologiques et culturels, établis spontanément, entre le MEDEF et l’État dans l’ordre social du capitalisme. L’opération travailler plus pour gagner plus, après la campagne contre les 35 heures, visait à faire accepter, par les individus, l’allongement de la durée du temps de travail comme le moyen naturel de pouvoir gagner leur vie. Le succès ne fut pas évident, mais la culture d’acceptation trouvait un nouveau champ d’application pour sauver l’entreprise. Les sacrifices acceptés et les bénéfices accrus, la direction ferme tout de même les portes. Les licenciés crient à la trahison, comme si, lors des négations, on y parlait de la même chose. L’individu, en tant que travail social vivant, fait partie du capital, travail social accumulé ; c’est à titre de partie du capital que la direction attend de lui qu’il le valorise.

C’est avec ce même naturel que le scénario de la solution financière, accréditée par les milliards du FMI, reproduit les conditions de l’origine : fermetures d’entreprises, licenciements massifs, jusqu’à la recommandation de modestie revendicative. Le gouvernement dispense des milliards pour relancer l’économie, tandis que ses réformes réduisent les acquis sociaux qui tiennent encore à flot les plus pauvres. C’est l’aubaine d’un taux de profit élevé, grâce à des individus en recherche, dans des conditions aggravées, des moyens de « reproduire leur existence. » Les infimes exemples de reprise sont ceux des profits dans la récession. Ce qui rend bien illusoire la notion de partage équitable et le messianisme du gagnant-gagnant.

Les luttes, dans les entreprises du capital privé et des services publics, du manutentionnaire à l’ingénieur, de l’étudiant à l’enseignant, aux professions de la santé et de la recherche, mettent au jour les phénomènes de rupture (sociale, idéologique, culturelle) avec l’ordre social, par les différentes formes et caractères du travail social. La crise, économique et financière doit être reconsidérée et requalifiée, crise de l’ordre social du capitalisme.

Les manifestations, organisées par le mouvement syndical uni, expriment cette diversité de la rupture avec le MEDEF et l’État. Or la définition d’une crise réduite aux aspects économiques et financiers n’exprime pas la façon dont sont ressenties ses conséquences et la façon dont se manifeste l’attente d’un changement. Ce qui explique les doutes sur la réalité des changements proposés. En effet, des propositions économiques et financières, formulées par la gauche, peuvent être reprises, par la droite et le gouvernement, détournées dans la logique du capitalisme, jusqu’à l’écologie.

C’est dans ces conditions qu’est posée Ia question de la sortie de crise. Le NPA fonde sa stratégie sur un capitalisme dans la pureté théorique, économique et sociale, du rapport capital travail. Dès lors, il circonscrit au domaine social la lutte contre le capitalisme. Le mouvement syndical est imprudemment sollicité, alors qu’il sous-estime les questions du pouvoir politique et de l’union. Or une lutte sociale, de grande ampleur et combative, ne se transforme pas par sa durée en lutte politique consciente pour en finir avec l’ordre social capitaliste.

La notion de gauche évoque une politique de progrès, celle de droite une politique réactionnaire. La gauche a une réalité historique. Elle est liée, dans l’époque moderne, aux grands mouvements populaires et aux acquis du Front populaire en 1936.

Toutefois, alors que la crise pose la question de la nature des rapports entre l’État et le MEDEF, la notion de gauche n’est pas significative de la rupture de la nature de ces rapports. En effet, selon la conception du capitalisme, entité économique et financière, le pouvoir politique lui est extérieur, il ne peut que réguler et veiller à une répartition équitable des richesses produites. C’est pourquoi, la gauche autorise une large définition, sans la rigueur du processus de rup-

ture dans le mode ddu capitalisme. La formule : « Le gouvernement ne peut pas tout » est bien connue, tandis qu’il mettait le doigt dans l’engrenage de la dénationalisation.

Ces temps-ci la notion de gauche est employée, particulièrement par des militants socialistes, soit pour se démarquer de la dérive libérale du Parti socialiste, soit pour s’affirmer plus à gauche que lui. Mais le Parti socialiste demeure le référent d’une politique de gauche. Or que signifie se démarquer ou plus à gauche, alors que la notion de gauche n’a ni la rigueur théorique d’une rupture ni la réalité historique de ce processus. C’est pourquoi la stimulation de cette gauche par une autre gauche, associant le Parti communiste, une ou plusieurs tendances du Parti socialiste dans le Front de gauche, n’a aucun sens puisqu’elle s’effectue sur les bases idéologiques d’analyse de la gauche ; et donc en concurrence avec le Parti socialiste. C’est la réflexion que propose le résultat, 6,5 % (un, gain de 0,59 %), nouvel étiage d’une liste d’union entre le Parti communiste, le Parti de gauche (une tendance du Parti socialiste), la Gauche unitaire (une tendance de la LCR) et des militants associatifs. Dans la situation de crise de l’ordre social, le Front de gauche est réducteur. Il sacrifie, à cette construction, et le Parti communiste y est entraîné, ceux pour qui la répétition de l’alternance droite-gauche ne fut pas satisfaisante et, particulièrement, ceux pour qui la nature du changement proposé par les gauches n’est pas à la hauteur de la situation créée par la crise.

La solution à la crise de l’ordre social du capitalisme n’est possible que par le processus d’un changement démocratique dans la nature des rapports entre le pouvoir d’État et le MEDEF. Ce processus ne se scande pas selon le calendrier électoral. Il se construit dans les luttes contre la politique réactionnaire et pour la satisfaction des revendications populaires. Chaque parti et formation politique apporte son expérience et son savoir à chaque moment du processus. Le programme de changement est contenu dans ce que sont les relations entre le mouvement populaire et le pouvoir d’État démocratisé, afin de modifier ces rapports, jusqu’à la rupture de leur caractère dans l’ordre social du capitalisme. La rupture est donc un processus nécessairement pacifique et démocratique, dans l’union des forces politiques et sociales contre la politique actuelle, dans des avancées démocratiques.

Les initiatives sur la base de la culture de principe du communisme ne sont pas un luxe existentiel. Le communisme, historiquement et théoriquement opposable au capitalisme, ne se décline pas par siècle. La culture de principe du communisme n’est pas du XXIe siècle mais au XXIe siècle. La transformation du Parti communiste est sa révolution culturelle.


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