Que peuvent attendre les femmes de 2007 ? (par Laurence Rossignol, secrétaire nationale socialiste Femmes)

vendredi 22 septembre 2006.
 

Aujourd’hui, les inégalités se creusent aussi entre les femmes. D’un côté, il y a les plus diplômées qui ont conquis l’égalité professionnelle et dont les revenus sont suffisants pour rémunérer une employée de maison qui va les aider à concilier responsabilités domestiques et professionnelles. Elles serrent les dents mais font face. Et puis il y a toutes les autres, celles qui forment les gros bataillons des bas salaires, des travailleurs précaires, du temps partiel contraint, des familles monoparentales, celles qui arrêtent de travailler au 3eme enfant. Celles qui ne font pas face à des enfants de plus en plus difficiles. Celles là attendent autre chose que des victoires symboliques ! Pour elles, il faut d’abord un engagement clair sur le SMIC. 100 euros tout de suite dit Laurent Fabius après avoir obtenu du PS le SMIC à 1500 euros ! C’est un engagement pour les femmes !

Je crois que la gauche devra aussi mettre un terme aux dispositifs qui éloignent les femmes de l’emploi et organiser l’extinction de l’APE qui a eu un effet désastreux sur l’activité professionnelle des mères de famille. Corrélativement l’accueil de la petite enfance et le développement du péri scolaire devront être une priorité, car c’est la condition pour que l’égalité ne soit pas réservée à celles qui gagnent le plus.

Enfin j’attends de la gauche qu’elle aborde la politique familiale dans son articulation avec la sécurité sans démagogie. Je crois que, seule une toute petite minorité des parents d’enfants « qui partent en vrille » est laxiste, irresponsable ou complice. D’ailleurs, on observe que dans une même fratrie il y a souvent des enfants sans problèmes et un enfant qui dérive. Le rôle de la gauche n’est ni d’excuser, ni de culpabiliser mais de comprendre et d’agir. L’idée selon laquelle les parents, en réalité les mères car ce sont elles qui sont au front, devraient seuls dans la famille exercer une autorité de fer pour compenser tout le désordre de la société libérale est vouée à l’échec. La société consumériste est organisée pour que les parents cèdent devant l’enfant prescripteur. Il ne faut pas seulement prévenir et punir, il faut aussi interdire pour protéger. Interdire les publicités pour les enfants pendant les dessins animés, les premix qui cachent l’alcool sous le goût du soda, les crédits à la consommation qu’on peut obtenir d’un seul clic sur internet.... C’est donc d’un vrai projet de gauche dont les femmes ont besoin ; un projet qui prenne la mesure du désastre humain de l’ultralibéralisme et mobilise la société pour l’affronter.

Ainsi on pourrait donc être femme, de surcroît féministe et soutenir la candidature de Laurent Fabius à l’investiture ?

Bien sûr ! La parité ne vise pas à substituer la problématique de genre à toutes les questions politiques. Tout le monde convient qu’il serait absurde de préférer une présidente de droite à un président de gauche, au motif que le sexe l’emporterait sur toute autre considération. Pourquoi alors, dans le Parti Socialiste, le déterminant de genre l’emporterait-il sur le contenu du projet ? Le choix entre les différents candidats n’est pas un choix de personnes, mais un choix d’orientation pour la gauche.

Contrairement à ce qui circule, ce n’est ni le bal des ego, ni les éléphants contre la gazelle, ni les machos contre la suffragette ! Il serait insultant de ne concéder, comme seule identité à Ségolène Royal, que son identité sexuée. Pour ma part, je lui reconnais d’être porteuse d’une vision de la société et de la gauche qui doivent être livrées au débat. Le féminin n’est pas un programme politique ! Etre sommés de soutenir la candidature d’une femme par ce que c’est une femme aboutirait au résultat opposé à celui qu’ambitionne la parité. Je me méfie terriblement des arguments qui nourrissent l’idée que les femmes feraient, par essence, de la politique autrement. Comme Arnaud Montebourg qui justifie son soutien à Ségolène Royal, au motif que les femmes, par ce qu’elles mettent les enfants au monde, sont par nature programmées pour le dévouement ! Si c’était vrai, il faudrait alors réserver l’action publique aux mères de famille, de préférence nombreuse, et en exclure les nullipares ! Et quant aux hommes, disqualifiés à cette étape du progrès scientifique, est-il bien raisonnable de les laisser s’approcher du pouvoir ?

Tout cela serait cocasse, si on ne voyait poindre, derrière les bonnes intentions, l’enfer du plus vieux machisme : celui qui glorifie l’éternel féminin virginal et maternant. Aux femmes, le concret et le pragmatisme, aux hommes, l’abstraction. Aux femmes, la douceur et l’abnégation, aux hommes, la violence et le goût du pouvoir. Lorsque la loi sur la parité a été votée, certaines féministes s’y sont opposées au nom de l’universalisme en dénonçant ce que la parité portait de différientialisme. Nous avons combattu leurs critiques et nous avons gagné. Il serait paradoxal et déplaisant qu’aujourd’hui, les faits leur apportent de nouveaux arguments !

On peut donc critiquer une femme en politique sans pour autant être machiste ?

Le terrorisme de la bien-pensance qu’exercent les néoconvertis à la cause des femmes est franchement insupportable. Il y a des critiques inacceptables : je me souviens, par exemple, de l’épouse de Gerhard Schröder qui avait reproché à Angela Merkel de ne pas avoir mis d’enfants au monde, ce qui la disqualifiait pour s’occuper de la chose publique ! Il est cependant difficile de mener sérieusement et durablement le débat si l’on considère que les contradicteurs sont tous des machos et les contradictrices, des godiches manipulées par les hommes ! La concurrence en politique est âpre et parfois violente, tous sexes confondus. Veillons à ce que les considérations de sexe n’entrent pas dans le débat, ni pour disqualifier une candidate, ni pour éviter la nécessaire confrontation des idées.

Mer, 20/09/2006 - 19:30


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