ABSTENTION : PIÈGE A CONS ! Par le Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP)

mardi 5 mai 2009.
 

Les sondages sont convergents : si rien ne change dans les quelques semaines qui viennent, l’abstention battra un nouveau record lors des élections européennes du 7 juin. Depuis 1979, date de la première élection du Parlement européen au suffrage universel, l’abstention en France est allée de record en record : 39 % en 1979 et 57 % en 2004. On nous annonce pour 2009 une abstention supérieure à 60 %.

La situation est encore pire dans la plupart des autres pays de l’Union européenne.

Dans les pays qui faisaient partie des six membres du Marché commun du départ, les résultats sont particulièrement médiocres. Aux Pays-Bas, 42% d’abstentions aux élections européennes de 1979 ; 61% en 2004. En Allemagne, 34% d’abstentions en 1979 ; 57% en 2004. Le Royaume-Uni, qui a rejoint l’Union européenne plus tard, fait figure d’exception. L’abstention, en effet, connaît une remarquable stabilité. Mais à quel niveau ! Elle était de 60% en 1979, et elle est toujours de 60% en 2004 !

On nous avait dit que l’adhésion à l’Union européenne, dans les pays qui venaient d’y entrer, avait suscité l’enthousiasme des citoyens. Il n’en est strictement rien. Le record d’abstentions, toutes catégories, est détenu par la Slovaquie avec 83%. Deuxième, la Pologne, avec 79%. Troisième, l’Estonie, avec 73%. Etc.

Faut-il se réjouir ou s’inquiéter de la montée de l’abstentionnisme aux élections européennes ? Il faut s’en inquiéter et il faut donner un contenu très politique au vote du 7 juin, allant bien au-delà de la seule question du Parlement européen.

10 RAISONS POUR NE PAS S’ABSTENIR, CAR S’ABSTENIR C’EST VOTER SARKOZY

1.- Ne pas encourager le peuple à se taire.

Ce n’est pas si souvent que la souveraineté populaire est sollicitée dans le cadre de l’Union européenne. D’autant qu’à plusieurs reprises les oligarques européens n’ont pas tenu compte des résultats de référendums, en France et aux Pays-Bas en 2005, ou en Irlande par exemple en 2008, au motif qu’ils n’étaient pas politiquement conformes. Alors quand le peuple peut s’exprimer, il doit le faire ! Va-t-on demander au peuple de se taire ? Ce serait faire un magnifique cadeau à tous ceux qui ne veulent pas des peuples dans la construction européenne. Certes, il est parfois des situations où l’abstention peut se justifier. C’était le cas, en 1969, au deuxième tour de l’élection présidentielle en France, où deux candidats de droite étaient opposés : Georges Pompidou et Alain Poher. C’était « bonnet blanc et blanc bonnet ». Mais ce n’est pas le cas à cette élection européenne de 2009, car on ne peut pas mettre sur le même plan toutes les listes qui présentent des candidats aux élections.

2.- Ne pas abandonner le combat contre le traité constitutionnel européen de 2005.

Le peuple doit se rappeler au bon souvenir de l’Union européenne après 2005. Avec 55 % de « non » au référendum sur le traité constitutionnel européen le 29 mai 2005, faudrait-il passer cette grande victoire aux oubliettes et s’abstenir aux européennes de 2009 ? Faire ce cadeau aux oligarques de Bruxelles et aux grands médias qui avaient menacé de « cataclysme » si le « non » l’emportait ? Il existe une continuité entre 2005 et 2009 ! Tous ceux qui ont voté « non » en 2005 doivent se mobiliser une nouvelle fois en 2009. A quel titre faudrait-il renoncer alors qu’il est possible de sanctionner les partisans du « oui » ?

3.- Ne pas donner la victoire aux partis et listes pro-système.

Ceux qui s’abstiennent, comme d’habitude, sont les jeunes et les milieux populaires, c’est-à-dire ceux qui ont le plus intérêt au changement des politiques de l’Union européenne et de l’Union européenne elle-même. En s’abstenant, ils laissent la voie libre aux partisans du système. Les partis qui étaient favorables au TCE en 2005 sont aujourd’hui favorables au Traité de Lisbonne, copie conforme du TCE. Il faut les nommer : UMP, PS, MoDem, Verts. Est-il possible de les laisser caracoler avec des sondages qui leur donnent respectivement aux alentours de 28%, 25%, 12% et 10% ? Autrement dit, le « oui » obtiendrait 75 % ! Le traité de Lisbonne est la ligne de partage. Tous ceux qui le soutiennent doivent être éliminés de l’élection. D’autant que se sont les parlementaires de ces mêmes partis qui ont empêché, en 2008, lors du Congrès de Versailles, la tenue d’un référendum sur le traité de Lisbonne (sauf une députée des Verts et quelques parlementaires du PS). Alors pas de pitié !

4.- Ne pas faire la politique de l’autruche.

Est-ce que les records d’abstention passée aux européennes ont changé quelque chose ? Ont-ils envoyé un message, fait « prendre conscience » aux oligarques européens qu’ils faisaient fausse route ? Ont-ils montré quoi que ce soit ? Au contraire ! Ils ont laissé le champ libre à tous ceux qui veulent interdire la démocratie en Europe. Ce serait quand même le comble, en France, après que les électeurs aient voté « non » en 2005, qu’ils aient observé les extravagances de Sarkozy depuis deux ans et constaté la responsabilité de l’Union européenne dans la crise, qu’ils disent « encore » à ces politiques en s’abstenant ! Et qu’ils ne profitent pas de l’occasion pour sanctionner les partis pro-système !

5.- Ne pas laisser impunis les responsables de la crise.

Parmi les partis et listes qui se présentent aux élections européennes, certains ont une responsabilité particulière dans la crise du capitalisme néolibéral. Ce sont tous ceux qui ont participé ou soutenu les politiques de l’Union européenne, qui ont impulsé les politiques gouvernementales de libéralisation, qui ont soutenu les traités européens de Maastricht à Lisbonne. Pourquoi les laisser impunis ? Il faut les sanctionner !

6.- Ne pas laisser passer la chance que le peuple s’exprime pour la première fois après l’élection de Sarkozy et la crise.

C’est la première fois que le peuple a la possibilité de s’exprimer après les présidentielles de 2007 et la crise du capitalisme néolibéral. Va-t-il se taire, comme si personne n’était responsable de rien ? Comme s’il n’y avait pas de coupables ? Comme s’il n’y avait pas de solutions ?

7.- Ne pas donner un signal négatif aux travailleurs en lutte.

Que signifierait un score de l’UMP arrivant en tête de l’élection avec près de 30% des voix, et sa roue de secours – Bayrou – avec 12 à 15% ? Quel serait le signal politique donné à tous ceux qui luttent contre les effets de sa politique ? Il y aurait une contradiction totale entre l’immense mécontentement qui gronde dans la société et le résultat de ces élections. Comment comprendre qu’il n’y ait aucune traduction politique des luttes sociales ? L’abstention ne sera pas interprétée comme un soutien aux luttes mais comme un abandon. Elle affaiblira les luttes.

8.- Ne pas permettre à Sarkozy de consolider sa politique.

Si l’UMP l’emporte haut la main, ce sera une consolidation de la politique de Sarkozy, ce sera lui donner carte blanche pour la poursuivre. Est-ce vraiment ce que veulent les abstentionnistes ?

9.- Ne pas alimenter la « gouvernance ».

L’abstention va préparer la « gouvernance », c’est-à-dire la gestion par des « experts » et non par des élus. C’est le rêve des européistes de tous bords : diriger l’Union européenne avec des gens « compétents », qui savent mieux que les peuples ce qui est bon pour eux, faire oublier la démocratie et la parole du peuple. L’abstention ne fait qu’encourager cette tendance morbide.

10.- Ne pas lâcher prise face à l’eurolibéralisme.

L’abstention, c’est accepter l’eurolibéralisme puisque c’est refuser d’accorder sa voix aux listes qui s’y opposent.

DONNER UN SENS POLITIQUE AU VOTE DU 7 JUIN QUI AILLE AU-DELA DE LA SEULE QUESTION DU PARLEMENT EUROPEEN

Encourager les électeurs à voter pour telle ou telle liste au motif que l’action de leurs candidats, s’ils sont élus député, pourrait changer les politiques européennes n’est pas vrai. Tout ce que peuvent faire les députés européens – et ce n’est pas totalement négligeable – c’est de se faire les relais des luttes sociales et les vigies qui informent les citoyens des mauvais coups en préparation ; c’est aussi freiner l’adoption des directives qui pourraient être contraires aux intérêts des populations. Pas moins mais pas plus.

Il serait inexact de prétendre que le Parlement européen ne dispose d’aucun pouvoirs. Il a même vu ses pouvoirs renforcés ces dernières années. Mais c’est la Commission qui conserve le monopole de l’initiative législative, elle est seule habilitée à proposer des projets de règlement ou de directive. Par exemple si le Parlement européen voulait majoritairement proposer un texte législatif pour prendre des mesures protectionnistes universalistes, inspirées de la Charte de La Havane, il ne le pourrait pas. Certes, la procédure dite de la « codécision » existe et a mis sur un pied d’égalité le Conseil et le Parlement dans certains domaines ; en cas de désaccord sur un texte, il n’est pas adopté. Cette procédure ne s’applique cependant qu’à un nombre limité de domaines. Quelques succès ont été observés (que l’on peut compter sur les doigts d’une seule main) comme le projet de directive de libéralisation des services portuaires (Port Package) rejeté par le Parlement européen. Mais il faut dire que ce rejet résulte uniquement d’une mobilisation syndicale exceptionnelle, au niveau européen, avec par exemple le blocage des ports…

Ce qui est susceptible de faire changer les politiques européennes ce n’est pas le Parlement européen, quelles qu’en soient les majorités, mais des luttes sociales massives, déterminées et coordonnées à l’échelle européenne, ainsi qu’une volonté des pays membres de s’émanciper de la domination de l’Union européenne par des politiques de « désobéissance européenne ». D’autant que les deux grands groupes qui dominent le Parlement européen, le « Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-chrétiens) et des Démocrates européens », et le « Groupe socialiste au Parlement européen », se partagent les rôles en toute confraternité, notamment pour organiser l’alternance de la présidence du Parlement. Car au Parlement européen, chacun le sait, on ne fait pas de politique, le clivage gauche/droite n’a plus de raison d’être puisque les politiques européennes se prétendent au-delà des clivages.

Comparé aux autres institutions de l’Union européenne (Conseil, Commission, Cour de Justice, Banque centrale), le Parlement européen est celle qui a le moins de pouvoirs. Il est écarté des domaines très importants que sont les politiques monétaire, économique, commerciale, étrangère et de sécurité commune. Quels que soient les pouvoirs du Parlement européen, il n’est qu’un rouage d’un système surplombé par les traités dont l’inspiration libérale est connue. Or le Parlement européen ne peut pas changer les traités. Ainsi, le Parlement ne pourra jamais remettre en cause le dogme de la « concurrence libre et non faussée » et devra mener son action à l’intérieur de ce concept.

Cette question est tout à fait fondamentale car elle perturbe la gauche. Celle-ci sait bien que le Parlement européen n’est pas comme un parlement « normal », qu’il est encadré par les traités, et que finalement ses pouvoirs ne jouent qu’à la marge. En même temps, la gauche craint que le rappel de ces vérités élémentaires démoralise les électeurs, qu’il faudrait donc les masquer, enjoliver la réalité et faire croire que le Parlement européen pourrait changer l’Europe, voir même « changer d’Europe ». C’est l’inverse qui est vrai ! Les électeurs attendent un discours de vérité sur l’Union européenne. Quand le Parti socialiste affirme que pour « réorienter l’Europe, il faut d’abord envoyer au Parlement de Strasbourg une majorité de députés de gauche », il enfume les électeurs. Car même avec une majorité de gauche au Parlement européen – ce qui est évidemment souhaitable -, il ne sera pas possible de réorienter l’Union européenne, les traités l’interdiront !

Mais alors, à quoi bon voter, pourraient se demander avec sagacité les électeurs, car quelle que soit la majorité au Parlement européen, ce seront toujours les mêmes politiques ?


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