25 mars 1199 : Le pape Innocent III institue une procédure de lutte contre les hérétiques, qui servira de base à la future Inquisition
20 avril 1233 : Le pape établit l’Inquisition en France
Le 20 avril 1233, le pape Grégoire IX confie à un tribunal d’exception dénommé Inquisitio hereticae pravitatis le soin de démasquer et condamner, dans tout le royaume de France, les hérétiques et les catholiques non sincères.
Ce tribunal de l’Inquisition, qui relève seulement du pape, a pour but d’éviter les excès et l’arbitraire de la justice seigneuriale ou épiscopale. Il tire son nom de la procédure inquisitoire : les juges engagent la procédure et cherchent eux-mêmes les suspects d’hérésie sans attendre une dénonciation ou une plainte de quiconque.
Il va s’avérer d’une efficacité redoutable dans la chasse aux cathares du Midi de la France et s’acquérir très vite une réputation détestable.
L’Église et les hérétiques
Aux premiers siècles de la chrétienté, l’institution ecclésiastique s’en tenait à des peines spirituelles comme l’excommunication contre les personnes qui s’écartaient de la foi. La plupart des Pères de l’Église condamnaient toute forme de sanction physique à leur égard. Pour leur part, beaucoup d’empereurs et de rois, à partir de Constantin 1er, assimilent le rejet de la foi officielle à un crime de lèse-majesté et ne se privent pas de condamner les coupables à la confiscation de leurs biens, à la prison voire à la mort.
Au XIIe siècle encore, l’Église s’en tient au sage principe édicté par Bernard de Clairvaux : fides suadenda, non impodenda (« la foi doit être persuadée, non imposée »).
Aux alentours de 1200, tandis que de puissants courants mystiques irriguent l’Église, comme l’ordre cistercien de Saint Bernard ou les ordres mendiants de Saint François d’Assise et Saint Dominique de Guzman, d’autres s’en écartent comme le catharisme. Cette hérésie se propage rapidement en Italie du Nord et surtout dans le Midi de la France. Elle est réprimée par une croisade brutale et ses fidèles subissent les foudres de la justice seigneuriale. La papauté se voit obligée d’intervenir pour limiter les abus de celle-ci.
En 1231, avec la constitution Excomunicamus, le pape Grégoire IX codifie la répression. Il définit les peines qui frappent les hérétiques où que ce soit :
le bûcher pour ceux qui s’obstinent dans l’erreur,
la prison ou une peine canonique (pèlerinage, jeûne....) pour les hérétiques qui se repentent,
l’excommunication pour les catholiques qui les auraient aidés.
Comme il n’est pas question que l’église donne la mort, en vertu du principe Ecclesia abhorret sanguinem, c’est au bras séculier (la justice seigneuriale ou royale) que sont remis les condamnés voués au bûcher. Saint Thomas d’Aquin justifiera plus tard la peine capitale en estimant qu’il est plus grave de travestir la foi que de fabriquer de la fausse monnaie (un crime également passible de la mort).
Le 11 octobre 1231, le pape Grégoire IX confie à un prêtre, Conrad de Marbourg, le soin d’appliquer la constitution dans le Saint Empire romain. Très vite, ses excès fanatiques et la multiplication des bûchers soulèvent l’indignation générale, y compris des évêques allemands. Il est assassiné le 30 juillet 1233. C’en est fini de la justice d’exception au nord des Alpes.
Entre-temps, le 20 avril précédent, le pape a créé pour la France le tribunal de l’Inquisition et l’a confié aux frères prêcheurs de l’ordre monastique de Saint Dominique, de meilleure réputation que Conrad de Marbourg.
La délation au service de la vérité
Quand, dans une région donnée, l’inquisiteur ouvre une enquête, il commence par un prêche. Il publie un « édit de foi » à l’attention des catholiques, les invitant à dénoncer les hérétiques sous peine d’excommunication et un « édit de grâce » laissant aux hérétiques quelques jours pour se dénoncer et se repentir sous peine de bûcher. Les suspects sont parfois mis au secret pendant plusieurs jours et privés de nourriture. Ils sont avertis qu’ils pourront bénéficier de la clémence des juges à condition de se repentir et de tout dire sur leur entourage.
La méthode est efficace : chacun ayant à coeur de sauver sa peau n’hésite pas à charger ses voisins, voire ses parents ou ses amis... Ce d’autant plus qu’à partir de 1252, la torture est autorisée par une bulle du pape Innocent IV sous certaines limites : elle ne doit déboucher ni sur une mutilation ni sur la mort et les aveux obtenus sous la torture doivent être renouvelés après celle-ci pour être valables.
Au cours de l’instruction, les accusés disposent toutefois de recours. Ils bénéficient d’un défenseur, peuvent produire des témoins à décharge et même récuser leurs juges.
La sentence est prononcée au cours d’une séance publique et solennelle, après consultation de nombreux clercs civils et religieux. Cette séance est appelée en France « sermo generalis » et sera plus tard désignée en Espagne par l’expression célèbre « auto da fe » (acte de foi).
A quelques exceptions près, les tribunaux de l’Inquisition pontificale témoignent d’une relative mansuétude et 2% des procédures aboutissent à une peine séculière (bûcher). Pour le reste, les condamnés subissent des peines religieuses : aumônes, pèlerinage, prières.... Dans le Midi de la France, l’inquisition débouche sur une extinction de l’hérésie cathare au début du XIIIe siècle.
Dès le siècle suivant, l’Inquisition pontificale tombe en désuétude et, dans des pays comme la France, c’est aux tribunaux séculiers qu’il revient désormais de juger les hérétiques.
En 1542, le pape Paul III établit à Rome la « Sacrée Congrégation de l’Inquisition romaine et universelle » pour juger en appel les procès d’hérésie... Il lui revient de juger l’astronome Galilée en 1633. Son appellation est changée en « Sacrée Congrégation du Saint-Office » en 1908 par Pie X puis en « Congrégation pour la doctrine de la foi » en 1967 par Paul VI. C’est cette institution qu’a dirigée le cardinal Josef Ratzinger avant d’être élu pape en 2005 sous le nom de Benoît XVI.
L’Inquisition espagnole
L’Inquisition médiévale retrouve une deuxième jeunesse de l’autre côté des Pyrénées, en Espagne, en 1478, quand les souverains Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille obtiennent du pape le droit de nommer eux-mêmes des inquisiteurs pour juger les conversos, des musulmans ou des juifs officiellement ralliés au christianisme mais restés fidèles à leurs rites religieux.
L’Inquisition devient dès lors un organisme étroitement inféodé au pouvoir royal et celui-ci en use pour consolider l’unité fragile du royaume. Elle traque non seulement les faux convertis mais aussi les supposés sorciers, sodomites, polygames....
Le dominicain Tomas de Torquemada, premier inquisiteur général de 1483 à 1498, se signale par ses excès, lesquels vont jusqu’à susciter la réprobation du pape Sixte IV. Il aurait envoyé pas moins de 2.000 personnes au bûcher.
Au siècle suivant, l’Inquisition sévit contre les protestants et va jusqu’à inquiéter les mystiques catholiques Saint Jean de la Croix et Sainte Thérèse d’Avila ! Elle est définitivement abolie en Espagne et dans les colonies espagnoles en 1834. On lui attribue dans le monde hispanique environ trente mille condamnations à mort en trois siècles (c’est à peu près autant que de victimes de la guillotine ou d’autres formes d’exécution pendant la Révolution française). -
Jeanne Lafont, d’après l’excellent article du Dictionnaire de Michel Mourre (Bordas)
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