« La vie, l’amour, la santé sont précaires, pourquoi pas le travail ? » Réponse à Parisot, Villepin et Sarkozy

lundi 11 septembre 2006.
 

Villepin a délibérément mis en place une série de mesures pour maintenir les « seniors » au travail : il a permis des doubles « Cdd vieux » de 18 mois chacun, entre 57 et 60 ans.

Il était jusque-là interdit de cumuler deux Cdd au-delà de 18 mois. Là, Villepin installe la précarité en fin de vie professionnelle. Le Cde complète parfaitement le Cpe pour détruire le Cdi par les deux bouts. (...)

Villepin lutte si peu contre le chômage des jeunes qu’il a aussi proposé de rendre possibles les « cumuls » emploi et retraite, les « cumuls » demi retraite et intérim, les « cumul » temps partiels et retraites pour mieux tenter de maintenir les baby-boomers âgés en activité.

Autant de postes que les jeunes pouvaient espérer et qu’ils n’ont pas ! Comment s’étonner, dans ces conditions, qu’il y ait tant de jeunes sans emploi ?

Si Villepin, avec le Cne et le Cpe, avait voulu réduire le chômage :

* pourquoi supprimerait-il tant de postes de fonctionnaires, si nécessaires et si productifs en biens sociaux collectifs politiquement utiles, (banlieues, hôpitaux, école, équipement, travailleurs sociaux, associations, etc.)

* pourquoi laisserait-il tant d’entreprises licencier abusivement pour des raisons purement boursières, pourquoi laisseraient il les délocalisations se faire et le dumping social s’institutionnaliser en Europe ?

* pourquoi rallongerait-il tant les durées du travail ce revient à faire travailler deux fois plus ceux qui ont un travail à la place de ceux qui n’en ont pas ?

* pourquoi limiterait-il les départs en retraite et agirait-il aussi brutalement pour maintenir « les seniors » dans l’emploi précaire et le cumul d’emplois ?

Ce que M de Villepin voulait faire, c’était réduire le rythme mécanique de baisse du chômage de façon à ce qu’il ne se traduise pas par un afflux d’embauches, des revendications salariales et statutaires. Sa loi n’était pas « pour » mais contre les jeunes : ceux-ci ont eu raison de se révolter et tous les salariés de les suivre car ils étaient tous concernés.

Alors que les jeunes pouvaient espérer profiter du tournant démographique pour accéder enfin, massivement à de vrais boulots, entrer triomphalement en Cdi sur le marché du travail, Villepin les force à accepter des « emplois soumis », à ramper à droits dégradés, et donc à bas salaires avec comme slogan central, « Un Cpe c’est mieux que rien ».

C’est ça le fond de la politique de Villepin, au service des exigences du Medef, de changer le cours des choses, d’en revenir un siècle en arrière ! En gagnant contre le Cpe, les jeunes et les salariés ont mis un sérieux coup de plomb dans l’aile à cette orientation.

Villepin avait officiellement tout misé, dès le début de son gouvernement sur la « baisse du chômage » ? Il s’était même donné « cent jours ». Mais l’affaire était biaisée, parce qu’il était certain que la conjoncture était telle que la baisse du chômage se produirait mécaniquement ! Il suffisait qu’il ne fasse rien : le départ à la retraite de la génération baby-boom de l’après-guerre (1946-2006 : ils arrivaient à 60 ans) devait pousser, sans créer d’emploi, simplement pour les remplacer, à des embauches massives... Fin 2005, courant 2006, Villepin pouvait être sûr et certain de son coup ! Normalement, le phénomène aurait dû être tellement important que le chômage pouvait diminuer drastiquement, vers 9 puis 8 % de la population active...

85 000 fonctionnaires étaient donnés “partants” fin 2005, 120 000 en 2006, et en proportion dans le privé, on pouvait en espérer trois fois plus. Des dizaines de milliers de postes auraient dû être ouverts aux concours, et 300 à 400 000 jeunes pouvaient espérer rentrer tête haute sur le “marché du travail” à temps plein et en demandant donc de bons salaires !

Mais une telle baisse, si importante, ni Villepin ni le Medef n’en voulaient ! Pas plus qu’il ne voulaient des exigences salariales et statutaires qui seraient liées à une arrivée si massive de jeunes !

Alors Villepin a pris des mesures non pas pour diminuer le chômage mais pour freiner son recul et aussi des mesures pour contenir les exigences que les jeunes arrivant à l’emploi massivement, auraient été en situation d’obtenir !

Quelqu’un doutant de cela a prétendu qu’on ne pouvait imaginer un tel « complot » et que Villepin voulant être élu et voulant être jugé sur la baisse du chômage ne pouvait jouer un tel « double jeu »... Cette personne est naïve : car tout prouve qu’il en est ainsi ! Le fait que le chômage n’ait baissé que de 5 % en 2005 est le fruit d’une politique, en dépit de son affichage, qui vise un autre but : fragiliser, sous le chantage à l’emploi, les droits des salariés et leurs revendications salariales - d’où le Cne, le Cpe, la mise en cause du Cdi, et du Code du travail.

Car tout, absolument toutes les mesures prises par Villepin, comme celles prises par Fillon auparavant, ont augmenté le chômage de 2002 à 2004 puis freiné sa baisse prévisible en 2005-2006 :

* Allongement des durées du travail sur la journée (forfaits jours pour tous) sur la semaine, et sur l’année : déblocage du nombre des heures supplémentaires, baisse de leur majoration. Tous les salariés ont ainsi été poussés à travailler deux fois plus pour améliorer leurs salaires bloqués, travaillent à la place d’autres qui ne sont pas recrutés. Le blocage de la réduction du temps de travail et sa ré-augmentation massive contribuent au chômage.

* Allongement des durées du travail sur la vie en repoussant l’âge de la retraite. C’est l’application de la loi Fillon sur les 40 annuités, des mesures Balladur calculant en 2006 les retraites sur les 23 meilleures annuités, (sur 25 ans en 2008) des « décotes » imposées dans la Fonction publique aux fonctionnaires qui n’ont évidemment pas les annuités exigées. On marche vers les 41 et 42 annuités de cotisations. La limite d’âge des fonctionnaires a été portée de 65 à 67 ans...

* Suppression achevée des 300 000 « emplois jeunes », emplois aidés de remplacement en nombre limité, pré retraites supprimées, facilitation des licenciements, facilitation des plans sociaux.

* 17 000 postes sont supprimés en 2006 à France Télécom, et 6000 postes supprimés à Edf pour faire plaisir aux nouveaux actionnaires : autant d’emplois que les jeunes n’auront pas et dont les usagers ne bénéficieront pas pour autant. Les tarifs du gaz comme du téléphone augmentent.

* Réduction drastique des postes des services et de la Fonction publique. Les fonctionnaires partants ne sont pas remplacés, les jeunes qui pouvaient s’attendre à des centaines de milliers de postes ouverts aux concours, doivent déchanter. Villepin serre la vis partout : il manque des postes dans les hôpitaux, les écoles, l’équipement, tout cela stoppe l’embauche des jeunes.

* Mesures visant à permettre à un salarié de travailler pour deux entreprises, d’être à mi-temps dans l’une et envoyé comme sous-traitant dans l’autre : marchandage, prêt de main d’œuvre illicite sont ainsi facilités...

Parmi les salariés de 15 à 29 ans, il y a 16,1 % de Cdd, 6,9 % d’apprentis, 5,5% d’intérimaires, 4,8 % d’emplois aidés et 63,6 % de Cdi sur 96,9 % de salariés/actifs. Parmi les salariés de 30 à 49 ans, il n’y a plus que 5,4 % de Cdd, 0 % d’apprentis, 1,7 % d’intérimaires, 1 % d’emplois aidés, soit 81,3 % de Cdi sur un total de 89,4 % de salariés/actifs.

Parmi les salariés de plus de 50 ans, il n’y a plus que 0,7 d’intérimaires, 3 % de Cdd, 0,8 % d’emplois aidés soit 77,6 % de Cdi sur 82,1 % de salariés/actifs. Mais deux sur trois, c’est vrai arrivent à 60 ans sans être actifs, soit qu’ils soient au chômage, soit malades ou handicapés. En y regardant de prés, on voit donc surtout 33,3 % de précaires parmi les jeunes de 15 à 29 ans, 8,1 % entre 30 et 49 ans, et 4,5 % au-delà de 50 ans. La précarité n’est donc pas une fatalité, mais un mode « d’accueil » brutal, délibéré, organisé, des jeunes sur le marché du travail. Rien, ni dans l’organisation du travail, ni sur le marché du travail ne justifie cette violence ségrégationniste : il est seulement passé dans les mœurs des patrons que l’on peut flexibiliser plus facilement un jeune parce qu’il n’est prétendument pas formé, installé, spécialisé.

Pourtant le jeune va produire sans doute encore plus qu’un adulte, il est formé tout fraîchement et il n’est question que d’adaptation au poste, ce qui est du ressort normal de l’employeur, enfin il a besoin autant qu’un adulte de s’insérer dans la vie, ce qui exige un vrai salaire.

Mais un “vieux” de 57 à 60 ans, à la merci, pour vivre, du renouvellement d’un Cdd, c’est encore plus honteux ! Il a droit a un Cdi, à du respect et à un salaire correct, ce qu’il n’aura pas avec les emplois vieux, Villepin. Il sera en sursis, menacé, stressé.

( Extrait du prochain livre de Gérard Filoche qui paraît en librairie le 7 octobre, aux éditions Jean-Claude Gawsevitch )


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