4 au 10 juin 1844 : Chant des tisserands de Silésie

samedi 4 juin 2022.
 

1) Chant des tisserands silésiens (Henrich Heine)

L’œil sombre et sans larmes,

Devant le métier, ils montrent les dents ;

Allemagne, nous tissons ton linceul.

Nous le tissons d’une triple malédiction -

Nous tissons, nous tissons !

*

Maudit le dieu que nous avons prié

Dans la froideur de l’hiver, dans les jours de famine ;

Nous avons en vain attendu et espéré,

Il nous a moqués, bafoués, ridiculisés -

Nous tissons, nous tissons !

*

Maudit le roi, le roi des riches,

Que notre misère n’a pu fléchir,

Qui nous a arraché jusqu’au dernier sou

Et nous fait abattre comme des chiens -

Nous tissons, nous tissons !

*

Maudite l’hypocrite patrie,

Où seuls croissent l’ignominie et la honte,

Où chaque fleur s’affaisse bien tôt,

Et la pourriture, la putréfaction régalent la vermine -

Nous tissons, nous tissons !

*

La navette vole, le métier craque,

Nous tissons avec ardeur, et le jour, et la nuit -

Vieille Allemagne, nous tissons ton linceul,

Nous le tissons d’une triple malédiction,

Nous tissons, nous tissons ! »

2) 4 juin 1844 : Révolte des tisserands de Silésie

Source : https://wikirouge.net/R%C3%A9volte_...

Contexte

Dans les années 1830, de nombreux artisans commencent à être ruinés par l’afflux de marchandises moins chères venant d’autres régions plus industrialisées, notamment de Prusse. La formation du Zollverein (union douanière allemande) a accentué ce phénomène. Avec la grande dépression des années 1840, ce n’est plus seulement la misère qui s’abat sur les artisans ruines, mais la famine. Aussi les mouvements deviennent-ils plus durs et la répression plus sévère.

Evènements

Des milliers de familles tissaient traditionnellement le lin dans l’Eulengebirge. L’afflux de coton sur le marché fait baisser la demande de lin. Les conditions de travail se détériorent, le chômage augmente, les salaires vont diminuant.

Le 4 juin 1844, les tisserands de Peterswaldau et de Langenbielau s’attaquent aux fabriques. ils sont environ 5 000 qui, après avoir brisé les machines qui ne leur permettent plus d’échapper à la famine, s’en prennent aux demeures élégantes des fabricants. Ils les saccagent, pillent les boutiques. Pour calmer les assaillants, on distribue de la nourriture mais, dans le même temps, en alerte l’armée. Quand celte-ci arrive, elle écrase la révolte dans le sang. Les meneurs sont arrêtés, jugés à Breslau, condamnés au fouet et à de longues peines de prison.

L’importance des mouvements de troupe pendant et après les journées d’émeute montre la frayeur éprouvée alors par les classes dominantes prussiennes et par le gouvernement.

Cette révolte est exemplaire par l’ampleur qu’elle a prise et par le retentissement que lui ont donné le journaliste, ami de Marx, Wilhelm Wolff (Lupus), et puis bien sûr, Marx, Engels, et Heinrich Heine...

Suites

Malgré l’ampleur de la répression, des révoltes se produisent un peu partout en Allemagne, bien que d’ampleur moindre qu’en Silésie. Une trentaine de mouvements de grève ont lieu chez les conducteurs de train... Les grèves sont accompagnées de violences et pillages.

Au printemps de 1847, la place du marché, à Berlin, est transformée en véritable champ de bataille ; là encore, les émeutiers affamés — on a parlé, à propos de ces événements, de « révolution des pommes de terre » —, se livrent au pillage. Une fois de plus, la cavalerie royale charge. Des barricades sont dressées et des pierres lancées contre le palais du frère du roi. Un an après, ce sera l’éclatement de la révolution.


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