Le NPA et les listes unitaires d’un Front de Gauche aux européennes

jeudi 12 février 2009.
 

Article mis en ligne sur Bellaciao par un militant du NPA

AU SUJET DES ELECTIONS EUROPEENNES

On doit se prononcer sur des listes unitaires aux élections européennes. La première question à se poser n’est pas « avec qui ? », mais « pour qui » ferait-on ces listes ? Ce n’est pas pour le NPA, pour nos militants, ou pour le PG ou le PCF ou leurs militants, mais pour les millions de gens qui souffrent qui sont descendus dans la rue le 29 janvier, et pour les millions qui auraient voulu y descendre mais qui n’ont pas osé parce que leur patron les aurait harcelés, virés, mais qui ressentent tout autant cette colère. C’est pour eux que nous devrions construire ces listes unitaires. Et dans cette optique, nous avons une réelle fenêtre de tir, un boulevard laissé d’une part par la droite capitaliste car elle fait la preuve que ses propositions de milliards donnés aux banques et de bouclier fiscal ne résolvent rien, et d’autre part par le PS social-libéral qui, par sa division lors de son congrès, a montré qu’il n’était pas à même d’embrasser l’aspiration populaire et de lui donner un vrai débouché de rupture avec le capitalisme. Il faut tout mettre en œuvre pour faire en sorte de dépasser les sociaux-libéraux, dans la rue c’est déjà fait, mais aussi dans les urnes, pour donner un débouché politique, une visibilité à cette aspiration populaire qui est immense et qui se sentirait frustrée de ne pas avoir ce débouché-là.

On entend plusieurs arguments allant à l’encontre de telles listes unitaires :

• Un de ces arguments est que dépasser le PS dans les urnes serait illusoire, en vertu d’on ne sait quels sondages ou d’on ne sait quel déterminisme. Cette vision est celle de gens qui partent battus d’avance. Pourquoi partir battus d’avance ? Pourquoi ne pas avoir un peu de confiance en soi, un peu d’optimisme ? La gauche de transformation sociale et de rupture avec le capitalisme qui passe devant la gauche sociale-libérale en termes de voix, et donc d’appui populaire et d’audience dans la classe ouvrière, ça se produit déjà ! Ca existe déjà à Chypre, c’est en train de se produire en Islande, au Danemark, aux Pays-Bas, pourquoi pas en France ? Pourquoi serait-ce impossible en France ? Pourquoi la France ferait-elle exception ?

• Un autre argument, peut-être le plus courant, est celui de dire que de toutes façons, on sait déjà que le PG et le PCF iront en 2010 quémander quelques places aux régionales au PS. Comment peut-on le savoir ? Avec une boule de cristal ? Par notre expérience ? Mais la vie ne nous apporte-t-elle pas à chaque instant des surprises, de nouvelles expériences ? Peut-on vraiment savoir ce qui va se passer en 2010, en 2011, en 2012 ? Moi, je ne sais pas, je ne peux pas dire que je sais ce qui va se passer en 2010.

Maintenant, ce qu’on peut dire, c’est qu’une telle situation risque de se produire. Et quand il y a un risque, il faut le prévenir pour l’éviter. Pour éviter ce risque, que faire ? N’a-t-on pas suffisamment confiance en nous-mêmes pour appliquer la stratégie, pourtant trotskyste, du front unique qui consiste à proposer des cadres communs d’action dans les luttes et dans les urnes aux organisations qui tendent vers le réformisme, et dans ces cadres communs, à les travailler au corps, au jour le jour, par des actions communes sur le terrain, des tracts communs, des réunions communes, en un mot un travail politique commun de tous les instants sur la durée, et à faire en sorte que le fruit de ces actions communes soit qu’ils finissent par adopter nos thèses sur l’anticapitalisme et sur le rejet du réformisme ? N’a-t-on pas suffisamment confiance en nous-mêmes pour penser qu’à notre contact les militants des autres organisations, pendant cette campagne des européennes et après cette campagne dès le lendemain des élections, finiront par penser qu’il est possible de faire de la politique et d’avoir des résultats autrement qu’en étant sous domination sociale-libérale ?

Ne pensez-vous pas que les gens qui soutiennent ces organisations ne votent pour elles que par défaut d’avoir un autre débouché qui soit vraiment de gauche et qui ne soit pas soumis au social-libéralisme ? Ne pensez-vous pas que les communistes constituent des listes avec le PS que par dépit, en voulant représenter absolument l’idée communiste dans les institutions mais en ne pouvant le faire qu’en étant sous la houlette du PS ? Ne pensez-vous pas que s’ils s’apercevaient à notre contact que, par une bonne campagne, un grand élan populaire peut donner un bon score à une telle initiative, il se diraient à ce constat qu’il est possible d’avoir une action dans les institutions en parallèle de l’action dans les luttes sur des vraies bases de gauche et pas sur celles du social-libéralisme ?

Pourquoi ne pas envisager, après une telle campagne commune de tous les instants, de continuer cette action par des mobilisations et des actions communes en juillet, en août, en septembre, à la rentrée, et que par cette unité d’action de tous les instants, ils n’aient plus d’autre choix, vis-à-vis de leur base qui aura fait cette unité sur le terrain, que de se présenter de nouveau ensemble avec nous en 2010 ? On contribuerait ainsi ensemble, en ayant cette cohérence sur la durée, à discréditer le social-libéralisme, puisque celui-ci, voulant être réformiste de gauche mais en accompagnant le capitalisme, ne manquera sans doute pas de renforcer ses propres contradictions.

A partir de là, la question de la participation à des exécutifs avec le PS se posera en d’autres termes : si nous sommes devant lui en score électoral, donc en soutien populaire, nous aurons alors toute légitimité pour lui imposer des conditions, un programme, des mesures d’urgence qu’il devra accepter sous peine de se voir dénoncé devant les travailleurs comme celui qui n’a pas permis que la gauche et que l’aspiration populaire se traduise dans les institutions, donc dans leur vie de tous les jours. Deviendraient alors possibles des majorités de gauche, avec une gauche radicale anticapitaliste en tête qui dicterait ses propositions, et une gauche d’accompagnement sociale-libérale qui elle-même par la suite, à notre contact, pourra être attirée par la rupture avec le capitalisme, c’est là tout l’intérêt de la stratégie du front unique, ne l’oublions pas.

• On entend aussi souvent qu’on ne voudrait pas se contenter de faire un « bon coup » aux européennes sans que ce soit suivi d’effets. Bien sûr. Mais déjà, faire un « bon coup » aux européennes, serait-ce totalement une honte ? Faire un bon score pour traduire l’élan populaire et asseoir sa réalité, et éventuellement avoir des eurodéputés qui, même dans un parlement bourgeois et réactionnaire, Lénine nous l’enseignait déjà en 1920, seraient un relais et une excellente démonstration de la nécessité de démanteler cette institution bourgeoise, serait-ce honteux ? Bien sûr qu’après ce bon coup il faudrait une suite, une vraie unité d’action dans la durée, mais ça ce sera à nous de la construire après avoir fait ce premier pas dans l’unité.

• Enfin, une dernière critique que l’on entend, c’est qu’une telle alliance se ferait sur des bases a minima, c’est-à-dire pas sur les bases exactes du programme du NPA. Et alors ? Bien entendu, puisque c’est un accord électoral de plusieurs partis qui n’ont pas exactement le même programme, mais il doit être possible de s’entendre sur l’essentiel, notamment sur l’Europe où l’unité d’action s’est déjà pratiquée avec succès. Pour les millions de gens qui souffrent et qui ne voient pas fondamentalement la différence programmatique entre les différents partis qui constitueraient cette alliance, ce serait un comble que de se présenter devant eux en rangs dispersés alors qu’on appelait ensemble à la journée du 29 janvier et qu’on y battait le pavé ensemble, et cela pourrait être ressenti comme une trahison pour certains qui, par dépit, se retourneraient vers les réformistes sociaux-libéraux. C’est pourquoi il faut accepter de faire des compromis.

Ainsi, aux gauchistes allemands qui préconisaient de « repousser de la façon la plus résolue tout compromis avec les autres partis, toute politique de louvoiement et d’entente », Lénine répondait, dans « la maladie infantile du communisme : le gauchisme », que « toute l’histoire du bolchévisme, avant et après la Révolution d’Octobre, abonde en exemples de louvoiements, d’ententes et de compromis avec les autres partis, y compris les partis bourgeois ; que lutter pour le renversement de la bourgeoisie internationale, et renoncer d’avance à louvoyer, à exploiter les contradictions d’intérêts (fussent-elles momentanées) qui divisent nos ennemis, à passer des accords et des compromis avec des alliés éventuels (fussent-ils temporaires, peu sûrs, chancelants, conditionnels), n’est-ce pas d’un ridicule achevé ? »

Face à certains qui en son sein font aujourd’hui de semblables préconisations, le NPA fera-t-il le choix du gauchisme, ou au contraire tiendra-t-il parole lorsqu’il proclame tirer le meilleur des traditions dont il hérite, au nombre desquelles se trouvent le léninisme et le trotskysme ?

C’est à nous d’en décider.

De : Unité


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