Contre la démobilisation sociale, Olivier Besancenot veut un NPA « endurant » (par Stéphane Alliès, mediapart)

mercredi 26 août 2009.
 

Rentrée modeste pour le NPA. Pour ses premières universités d’été depuis qu’il a remplacé la LCR, le nouveau parti anticapitaliste fait dans l’humilité.

Le score décevant des européennes (4,9%) et les difficultés du mouvement social n’ont pourtant pas découragé les militants, qui sont 1.350 à s’être inscrits (plus que l’année passée) au village-vacances des Carrats, à Port-Leucate (Aude). Et pour son meeting d’ouverture, dimanche 23 août, Olivier Besancenot a tenu à recadrer un parti un brin déstabilisé par la fin de son état de grâce.

Sous les étoiles et dos à la Méditerranée, le porte-parole du NPA a construit son discours en se voulant « lucide sur ce qui a changé et ce qui reste sur les rails », six mois après le congrès fondateur de ce qu’il continue à nommer « un parti processus, qui doit continuer à grandir ».

Si l’heure n’est plus à la rodomontade, elle n’est pas non plus à l’auto-flagellation. Olivier Besancenot concède que « de nombreux conflits ont été perdus » mais estime que « le cycle des luttes n’est pas refermé, notamment dans le secteur privé où certains sont partis la tête haute, comme à Continental, et d’autres ont même gagné, sauvant leurs emplois et leurs conditions de travail, comme les salariés de la SBFM en Bretagne ». A la nombreuse assistance "en mode vacances", il lance : « Nous ne sommes pas en 2003, après la défaite des retraites, ou en Angleterre sous Thatcher : la crise économique est une réalité qui va durer longtemps, et il s’agit d’inscrire la résistance dans le cycle long de cette crise. Il nous faut être capable de prendre recul, car notre parti ne doit pas seulement être présent quand la grève générale est possible. Rappelons-nous qu’au bout de la crise de 1857, le mouvement ouvrier a connu la Commune de Paris. »

Comme saisi par un esprit de responsabilité, Besancenot estime qu’« après avoir couru dans tous les sens depuis notre congrès fondateur [en février], il faut trouver de l’endurance, car le rapport de force global s’est dégradé : il y a six mois, c’était les Antilles, les grandes manifs, le système capitaliste au bord du gouffre… désormais, la droite a gagné les européennes et, à coup de mobilisations tous les deux mois, le mouvement social s’est démobilisé ». Assumant le rôle de chef de parti, il a demandé à ses troupes « encore plus de constance et plus de conscience militantes », émettant pour sa part une autocritique en déclarant que la direction du NPA devra « être désormais plus représentative de ceux que nous voulons représenter, dans les quartiers, dans les entreprises et chez les jeunes : la réflexion politique ne doit pas être l’apanage de ceux qui réfléchissent ».

La question sociale reste au cœur des préoccupations anticapitalistes, loin devant les échéances électorales qui n’ont été évoquées qu’à la marge des interventions. A la CGT qui a refusé l’invitation à débattre à Port-Leucate pour protester contre l’ingérence du NPA dans les affaires syndicales, Olivier Besancenot lance, « calmement » : « Nous revendiquons le droit de militer sur les questions sociales en vertu d’une séparation arbitraire. Aujourd’hui, le mouvement social est plus productif s’il associe ensemble syndicats, partis et associations. » Et d’ajouter, perfidement : « Nous préférons cela plutôt que d’avoir un syndicat comme courroie de transmission, comme ce fut le cas pour certains il n’y a pas si longtemps… »

Peu avant, Xavier Mathieu, le délégué CGT de Continental-Clairvoix (qui avait longuement raconté son conflit social à Mediapart), a emporté l’applaudimètre en racontant « l’émotion des travailleurs à qui l’on redonne la fierté de leur condition, et la conscience de leur force ». Venu en voisin, (« je passe mes vacances chez mes parents à Port-la-Nouvelle, à 10 km d’ici »), il a reformulé son ressentiment envers la direction cégétiste qui avait refusé de les soutenir durant le conflit. Plutôt que « racaille » (qu’il regrette avoir employé), il dit : « Ceux qui nous disent manipulés par l’extrême gauche et nous ont conseillé de nous soumettre, au fond il nous méprise, car ils ne nous croient pas capables de mener nous-mêmes nos combats ! »

En clin d’œil au militant de LO qui est venu le conseiller durant le conflit social, Xavier Mathieu conclut son intervention en évoquant la séance de ciné-club militant à laquelle il a assisté dans l’après-midi : « Quand j’ai vu ce film sur les Chausson de Genneviliers [1], j’espère que si un jour je dois raconter l’histoire des Conti de Clairvoix dans un documentaire, j’aurai les mêmes yeux qui brillent… »

Entre un autre récit de lutte (celui des Molex de Villemur-sur-Tarn, par Alexis Antoine – figure du mouvement, lui aussi à la CGT, et dont on peut retrouver un témoignage sur le blog d’Oziel1996 – et une intervention du palestinien Omar Barghouti (membre fondateur du mouvement "BDS" – Boycott, Désinvestissement et Sanctions d’Israël) –, on retiendra surtout le discours de Laurence Lyonnais.

Car – signe des temps ? – pour la première fois dans la jeune histoire du NPA, la question écologique s’est vu accorder une place de choix sur les tréteaux de l’ex-LCR. La jeune responsable de la commission écologie a fait entendre la différence du NPA avec les discours en vogue, dénonçant tour à tour « la taxe carbone où les pauvres paieront la facture tandis que les riches continueront de payer pour polluer », ou « les discours stigmatisant la responsabilité des individus dans le réchauffement climatique, quand il est la conséquence du système capitaliste, basé sur la consommation et la surproduction qui affament les pays du Sud ».

Son écologie à elle est celle de « la solidarité avec les Indiens face à la déforestation, des paysans chassés de leurs terres ou des ouvriers de la chimie atteint de cancers ». Au terme de sa prise de parole, Laurence Lyonnais a appelé à la mobilisation pour le sommet de Copenhague. Avec comme mot d’ordre : « Pas d’issue pour le climat sans sortie du capitalisme. »

Face à la recomposition politique entamée par Europe-Ecologie et au rassemblement de Marseille autour de Vincent Peillon, Olivier Besancenot pronostique « la création d’un nouvel arc de centre-gauche qui fait penser à l’expérience italienne [où ex-communistes, écologistes, sociaux-démocrates et centristes se coalisèrent] et qui a gouverné à droite avant de rendre le pouvoir à Berlusconi ». En se positionnant sur le créneau écolo, le NPA a l’occasion d’élargir ses contours en se rapprochant des partis de gauche à vocation "écologique et sociale", comme les Alterekolos, la Fédération ou les Alternatifs. Ces trois composantes participeront à un Forum lundi 24 août à Port-Leucate, avec un représentant du PCF et du Parti de gauche (qui n’ont toutefois pas dépêché leurs têtes d’affiche). Un moyen de se renforcer pour forger « l’endurance » souhaitée par Olivier Besancenot dans une situation sociale morose. Endurer pour mieux durer.

[1] « Chers camarades », de Gérard Vidal

Article du Point : Face au trio PS-Verts-MoDem, le NPA veut redevenir leader de la gauche de la gauche

Après son semi-échec aux européennes, le NPA d’Olivier Besancenot, qui a ouvert dimanche sa première Université d’été à Port-Leucate (Aude), tente de se repositionner en leader d’une gauche de la gauche qui reste à rassembler.

"Il y a une espèce d’union de centre gauche qui va commencer à voir le jour entre ce qui sortira du PS, les Verts d’Europe-Ecologie et le MoDem, plus ce qu’ils pourront grapiller dans la gauche radicale", estime M. Besancenot. Pour lui, "les grandes manoeuvres commencent" après l’idée lancée samedi d’un rassemblement "écologique, socialiste et démocratique" en vue de 2012, lors des "premiers ateliers d’été" du courant L’espoir à gauche de Vincent Peillon (PS) avec Marielle de Sarnez (MoDem), Daniel Cohn-Bendit (Europe-Ecologie) et le communiste Robert Hue.

Pour le porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste qui arborait un T-shirt "repos le dimanche", avec le mot "travail" clairement barré, il est donc "l’heure de faire un rassemblement anticapitaliste et donner d’autres propositions". Désormais, "en terme de polarisation, le choix est clair", fait-il valoir à l’attention du PCF, avant le "meeting de rentrée" du NPA où il doit "ouvrir l’acte II du processus du NPA" pour "s’adapter au nouveau contexte" actuel.

"Osez enfin une politique indépendante du PS" pour une "vraie alternative" à Nicolas Sarkozy, lance aux communistes Pierre-François Grond, de la direction du NPA, en soulignant que ce sera "douloureux" pour le PCF et ses 185 conseillers régionaux sortants, avant les régionales de mars. "Le PCF et Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche, PG) sont devant un choix : avec le NPA ou avec le PS et le MoDem", renchérit la figure trotskiste Alain Krivine, qui juge "affligeant" le "spectacle" offert par le PS et les Verts. "Ca va peut-être nous renforcer mais il n’y a pas de quoi se réjouir", glisse-t-il.

Aux européennes, pour son premier test électoral quatre mois après sa création sur les bases de la LCR, le NPA n’a obtenu aucun élu (4,9%), battu par le Front de gauche PCF-PG (6%, 4 eurodéputés) qu’il avait refusé de rejoindre. Une "semi-réussite", selon Sandra Demarcq, responsable du parti qui reconnaît que c’était "dur de faire cavalier seul" même si ce n’était "pas que de notre faute". Depuis, MM. Besancenot et Mélenchon se sont dit favorables à des listes "indépendantes" du PS au premier tour des régionales avec des "fusions techniques" au second. Le PCF n’a pas encore dévoilé ses intentions. Le week-end prochain, PCF et PG organisent leur université d’été, respectivement à Vieux-Boucau (Landes) et Clermont-Ferrand, avant la traditionnelle fête de L’Humanité (11-13 septembre) où le NPA "espère être invité". Les décisions finales sur les alliances seront connues à l’automne.

Au cours des quatre journées de Port-Leucate centrées sur "un monde en crise", où environ 1.400 militants sont réunis, se succèdent forums, ateliers et "travaux pratiques" (écriture de tracts, salsa antisexiste, etc.). Finalement, seuls la FSU et Solidaires participeront au débat de mardi sur la rentrée sociale. La CGT avait décliné l’invitation du NPA, lui reprochant de "prétendre donner des leçons aux responsables syndicaux". "La chaise vide n’est jamais une bonne politique", souligne M. Grond, pour qui "l’indépendance des syndicats ne veut pas dire que les questions sociales leur sont réservées". C’est le "geste d’une direction en difficulté", juge M. Krivine, qui se félicite que Xavier Mathieu, leader CGT de Continental-Clairoix (Oise), soit là. jud/frd/df

Par Julie Ducourau.


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