Face à l’enlisement dramatique des négociations sur le climat, il faut un bouclier environnemental.
La crise fait tomber les masques de l’Union européenne : la priorité est au sauvetage du capitalisme néolibéral, et l’environnement devra attendre des jours meilleurs.
Du 1er au 12 décembre 2008, la « communauté internationale » se réunissait à Poznan (Pologne) afin de poursuivre les négociations en matière de lutte contre le changement climatique. Cette nouvelle rencontre faisait suite à celle de Bali (Indonésie) en 2007, qui amorça les discussions sur un accord qui doit prendre la suite du Protocole de Kyoto à partir de janvier 2013. L’objectif est que les grandes lignes de cet accord soient acceptées par les différentes parties au plus tard fin 2009, lors de la conférence de Copenhague. De son côté, l’Union européenne devait, lors du Conseil des 11 et 12 décembre, arrêter sa stratégie en matière de climat, en adoptant une série de mesures baptisées « paquet énergie-climat ».
La situation sur cette question des gaz à effet de serre émis par les activités humaines (consommations d’énergie, agriculture, chimie...), qui sont responsables de graves perturbations du climat, est extrêmement inquiétante.
Le protocole de Kyoto, qui constitue le cadre en vigueur depuis le 1er janvier 2008 pour lutter contre le changement climatique, ne fait plus illusion. Non seulement ses objectifs sont dérisoires (5,2% de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les pays riches d’ici fin 2012 par rapport à l’année 1990 prise en référence), mais qui plus est, ils ne sont pas respectés faute de sanction. Après une phase de baisse purement conjoncturelle entre 1990 et 2000, les rejets de gaz à effet de serre dans les pays riches augmentent à nouveau entre 2000 et 2006. En parallèle, les délocalisations provoquent leur explosion dans les pays en développement. Au final, les émissions mondiales ont augmenté de 35% ces dix dernières années.
De plus, la « communauté internationale » a adopté avec le protocole de Kyoto des mécanismes de « flexibilité » : la Bourse d’échange des quotas de dioxyde de carbone (CO2) distribués par les Etats à leurs sites polluants (communément appelée « Bourse des droits à polluer »), et un mécanisme dit « de développement propre » (MDP), qui permet à des investisseurs de créer dans les pays en développement des projets moins émetteurs de gaz à effet de serre que la moyenne, et de recevoir en contrepartie un bonus de droits à polluer. Ces mesures ont ouvert un nouveau créneau spéculatif pour les acteurs de la finance, qui jouent en Bourse avec ces droits comme avec les valeurs traditionnelles, créant un système à la fois risqué, pervers, et inefficace d’un point de vue environnemental.
Pour couronner le tout, les deux rencontres de Poznan et Bruxelles, qui furent toujours qualifiées de cruciales, se déroulaient sur fond de crise financière. Alors que l’écologie était omniprésente dans les discours, la crise a fait tomber les masques : la priorité est évidemment au sauvetage du capitalisme néo-libéral, et l’environnement devra attendre des jours meilleurs.
Le sommet international de l’ONU et le Conseil européen étaient donc des fiascos annoncés. En cela, ils n’auront déçu personne.
A Poznan, le fossé se creuse entre pays riches et pauvres Après deux semaines de débats à Poznan, les divergences restent largement plus nombreuses que les décisions effectivement prises. La « communauté internationale » persiste à évacuer tout débat sur le libre-échange et reste focalisée sur les mesures techno-scientifiques et sur la finance du carbone.
L’un des principaux thèmes de travail fut la réparation des dégâts du changement climatique, avec la création d’un fonds d’adaptation pour les pays les plus touchés. La question cruciale est de savoir comment il sera abondé. Les Etats riches proposent de le faire en prélevant une taxe de 2% sur la vente des droits générés par les projets du MDP. Les pays en développement, réunis dans le G77, réclament une taxe sur toutes les transactions de la finance carbone, à savoir le MDP mais aussi les échanges de quotas, ce qui représenterait des sommes bien plus élevées. La discussion s’est achevée sur un désaccord, même si un premier fonds d’un montant ridiculement bas (45 millions d’euros) est d’ores et déjà créé.
Le programme « REDD », qui correspond à des politiques de lutte contre la déforestation, constitue un deuxième point de blocage. L’idée consiste à rémunérer les pays qui prendraient des mesures permettant de baisser leur taux de déforestation grâce, encore une fois, à des droits à polluer supplémentaires appelés « crédits carbone ». Le désaccord ne se situe pas sur le principe pourtant aberrant de récompenser la préservation plutôt que de sanctionner la destruction, mais sur la manière dont seront traitées les populations autochtones vivant dans les parties de forêt préservées.
Conformément aux orientations déjà prises, l’une des rares « avancées » dans les discussions devrait permettre de renforcer le marché du carbone et, dans le même temps, de poursuivre une fuite en avant technologique aussi coûteuse que dangereuse. Face aux mauvais chiffres en matière d’émissions de gaz à effet de serre et à l’impossibilité de contraindre les grandes entreprises sans remettre en cause le libre-échange, la communauté internationale ne peut espérer de réduction visible qu’en développant le captage-stockage du CO2 émis lors de la combustion d’énergies fossiles. Or, au-delà des incertitudes sur la stabilité du stockage souterrain de CO2, ce système pose un sérieux problème. Alors que les sites émetteurs sont très nombreux, les sites de stockage potentiels (les anciens puits de pétrole et gisements de gaz) sont rares. Il faudra donc construire des réseaux de transport du carbone, ce qui ne manquera pas de booster la fameuse « croissance verte »... Pourtant, le souhait d’intégrer le captage-stockage de carbone dans les projets éligibles au titre du MDP a été confirmé à Poznan, et cette décision est aujourd’hui quasiment acquise.
Et l’Union européenne révèle sa vraie nature... Pour ce qui est de l’Europe, la proposition initiale faite par la Commission sur le paquet énergie-climat comportait deux éléments principaux. D’une part, un triple objectif, baptisé « objectif des 3x20 » : améliorer de 20% l’efficacité énergétique, porter à 20 % la part des renouvelables dans la consommation finale d’énergie et réduire de 20 % les émissions de dioxyde de carbone (CO2) par rapport au niveau de 1990. D’autre part, une vente des quotas d’émission de gaz à effet de serre par un système de mise aux enchères.
En deux jours de Conseil, les maigres avancées du plan ont pour la plupart été purement et simplement balayées.
Certes, l’objectif des « 3x20 » a été maintenu, malgré une offensive anti plan énergie-climat de l’Allemagne, de l’Italie et des pays d’Europe centrale et de l’Est. Mais on peut s’interroger sur la manière dont il sera atteint puisqu’il n’existe pour l’instant aucune contrainte pour les Etats membres qui ne se conformeraient pas à leurs objectifs. Aucune amende, aucune sanction n’est prévue. L’Union européenne s’inspire du protocole de Kyoto, dans lequel les Etats qui ne respectent pas leurs engagements ne courent strictement aucun risque. Le Canada, par exemple, qui a largement dépassé sa limite maximale de gaz à effet de serre négociée à Kyoto, n’a été pénalisé d’aucune façon. Dans ces conditions, les objectifs communautaires sont comme certaines promesses électorales : ils n’engagent que ceux qui les croient.
Sur la question des quotas, la supercherie est encore plus évidente. Au nom de la concurrence internationale, les industriels ont fait barrage au système des quotas payants. Pas question que les entreprises européennes soient pénalisées par des mesures environnementales alors que l’Inde ou la Chine en sont exonérées. Comme il fallait s’y attendre, l’Union a donc validé le maintien des quotas gratuits. Au final, seul les producteurs d’électricité – activité difficilement délocalisable – devront acheter leurs quotas, et répercuteront le coût sur une clientèle captive. Attendons-nous à voir grimper nos factures afin de préserver les profits de la métallurgie, des cimentiers ou de la chimie.
Enfin, les consommateurs seront heureux d’apprendre que les sommes ainsi confisquées serviront à financer des projets de captage-stockage de CO2. L’Union souhaite en effet elle aussi investir dans cette technologie coûteuse et risquée, pour le plus grand bonheur de compagnies comme Total, qui travaillent déjà sur ce chantier.
Le bilan accablant de l’Union européenne et du capitalisme néolibéral Le plus fascinant reste que les grands médias ont présenté l’accord scandaleux conclu à Bruxelles comme un succès pour l’Europe, et tout particulièrement pour Nicolas Sarkozy. Il faut pourtant être aveugle pour ne pas admettre que l’Union européenne est totalement disqualifiée en matière d’environnement. Non seulement elle reste loin du compte avec ses différentes mesures, mais surtout, elle persiste dans un comportement schizophrène qui consiste à imposer des objectifs aux Etats et à mettre en oeuvre des politiques qui vont en sens exactement inverse. En bon adjudant, l’Union ordonne aux gouvernements de respecter des seuils d’émission, tandis qu’elle persévère dans la promotion d’un libre-échange débridé dont le bilan en termes de gaz à effet de serre est désastreux. Le soja sud-américain, pour lequel on rase volontiers la forêt amazonienne, continuera à débarquer dans les ports européens par millions de tonnes. Le textile chinois produit sans réglementation environnementale ne sera toujours pas taxé proportionnellement aux dégâts qu’il cause. Et la grande presse européiste continuera à acclamer chaque nouvel aveu d’impuissance comme s’il s’agissait d’un miracle... Quant à Nicolas Sarkozy, le moins que l’on puisse dire est que son costume d’écologiste ne lui a pas coûté cher. Alors que les débats étaient verrouillés par avance, il a pu tenir un discours aussi vert que possible sans prendre le moindre risque que ses positions soient transformées en mesures concrètes. Mais au fond, le chef de l’Etat n’a pas du regretter un accord qui préserve les intérêts de Lafarge, Rhodia ou Arcelor-Mittal.
Au niveau international, l’attente du renouvellement de l’administration américaine a permis de justifier le temps perdu à Poznan. Mais la principale évolution réside dans la position de la Chine, qui pèse de plus en plus dans les négociations. Avec la débandade de l’Union européenne, le duo Etats-Unis/Chine décidera probablement de l’avenir des discussions sur le climat. Celles-ci devront s’accélérer en 2009, puisqu’un accord de principe doit être trouvé dans un an à Copenhague, afin que le dispositif post-Kyoto soit en mesure de voir le jour en 2013. Avec une situation économique qui s’annonce terrible, les choses semblent bien mal engagées. Bien-sûr, un accord sera certainement conclu. Mais, à l’image du paquet énergie-climat de l’Union européenne, il pourrait être d’une ambition dérisoire. L’engagement prévisible des Etats-Unis et de la Chine sur des réductions chiffrées, ainsi qu’une baisse très probable des rejets pour cause de récession seront sans doute présentés comme des progrès. Mais en l’absence de contrainte réelle et de changements profonds, tout cela ne sera que poudre aux yeux.
Pour un véritable bouclier écologique et social Devant les errances d’une « communauté internationale » qui fuit par tous les moyens le véritable débat politique, le besoin de sortir du capitalisme néo-libéral et du libre-échange devient de plus en plus évident. Contrairement à ce qu’elle a longtemps tenté de faire croire, l’Union européenne n’apporte aucune solution en matière de préservation de l’environnement, mais participe au contraire à sa dégradation, au travers par exemple de sa Politique agricole commune ou de ses orientations libre-échangistes.
Le M’PEP propose au contraire de mettre en place un véritable bouclier environnemental, constitué de 10 points : 1.- Permettre la souveraineté et la sécurité alimentaire pour chaque pays.
2.- Annuler la dette des pays pauvres.
3.- Relocaliser les activités productives.
4.- Mettre en place de mesures protectionnistes dans le cadre de la Charte de La Havane de 1948, en réglementant et taxant les importations en fonction de critères sociaux et environnementaux.
5.- Augmenter l’Aide publique au développement (APD) en la plaçant à 1 % du PIB des pays les plus développés.
6.- Etablir un plan de relance immédiate, dans chaque pays, pour transformer le mode de production en investissant massivement dans l’efficacité énergétique, les transports publics peu émetteurs de carbone, les énergies renouvelables, la protection, l’entretien, la réparation de l’environnement...
7.- Développer la fiscalité environnementale en démantelant les marchés de droits à polluer pour mettre en oeuvre des éco-taxes.
8.- Construire un service public de l’environnement, en commençant par « dé-privatiser » l’exercice des compétences environnementales des collectivités.
9.- Agir sur le comportement des entreprises en conditionnant l’attribution des aides et des marchés publics.
10.- Créer un statut de réfugié écologique.
Pour avoir le détail de ces propositions, cliquez ici : http://www.m-pep.org/spip.php ?article1011
Ces mesures sont à même de résoudre la crise écologique tout en garantissant une véritable justice sociale, ce qui doit constituer de toute évidence un seul et même objectif.
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