Dans un avis adopté hier, le Conseil économique, social et environnemental fait ses propositions pour rétablir l’équilibre entre les différents acteurs des services de l’eau afin que les collectivités aient le libre choix de leur mode de gestion.
À l’heure où la mairie de Paris a choisi de revenir à une gestion de l’eau par régie municipale, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté hier un rapport sur les activités économiques dans le monde liées à l’eau. Le CESE met notamment en évidence l’originalité de la gestion de l’eau en France.
À travers le monde, plus de 90% de la gestion de l’eau est publique. Les collectivités sont propriétaires des réseaux et des installations, fixent les cahiers des charges et décident de leur mode de gestion. À l’heure actuelle, plus de 80% des services d’eau sont exploités en régie. Ce dispositif laisse aux collectivités territoriales la responsabilité de l’adduction et de la gestion du service de l’eau. Dans ce cas, la collectivité assure elle-même la gestion du service avec ses propres moyens. À l’inverse, le service peut être totalement privatisé comme en Grande-Bretagne et au Chili.
Entre ces deux systèmes, se trouve la délégation de service publique (DSP), option plébiscitée en France par les élus. Elle permet aux communes de confier toute ou partie de la gestion des services à des entreprises du secteur privé tout en conservant la maîtrise du service ainsi que la définition de ses caractéristiques essentielles. Elle représente 7 à 8 % des services d’eau dans le monde dont 50 % sont assurés par des groupes français. À l’échelle nationale, les DSP représentent 72 % de la distribution en eau, 55 % de l’assainissement contre respectivement 28 et 45 % pour les régies. Elles sont gérées par les deux grands groupes nationaux que sont Veolia et Suez environnement et dans une moindre mesure la SAUR.
Un modèle français bancal
Le CESE remarque toutefois dans son rapport plusieurs anomalies au sein du modèle français. D’après les auditions menées par le CESE, de nombreux élus estiment ne plus avoir de choix véritable pour leur service de l’eau et s’interrogent sur la réelle concurrence au moment du renouvellement des contrats. Dans la pratique, il existe une inégalité dans la concurrence, résultant de la taille respective des opérateurs qui percute le choix des élus, explique le Conseil. Ainsi, en moyenne, à chaque renouvellement de contrat, seulement 10 % des collectivités changent de délégataires et 1 % passe en régie. Pourtant, le choix n’est pas anodin puisqu’en moyenne les contrats sont établis pour une durée de 12 ans.
Par conséquent, le CESE estime nécessaire de rétablir l’équilibre entre les collectivités territoriales et les grands groupes et a présenté plusieurs propositions dans ce sens. Il faut que les décideurs aient les bonnes cartes en main pour choisir, explique Marie-José Kotlicki, rapporteur du rapport.
Le Conseil propose de renforcer la collaboration des collectivités avec les PME-PMI qui déclarent pâtir de la puissance des grands groupes omniprésents et efficaces mais dont les pratiques leur interdisent de répondre aux appels d’offres. Jusqu’à une date récente, le délégataire en place possédait seul la connaissance totale du réseau et était donc bien placé pour répondre. Aujourd’hui, le « sortant » a l’obligation de fournir le fichier des abonnés et le plan du réseau. Le CESE veut désormais aller plus loin et compte sur la loi de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement qui entend favoriser le développement de la collaboration entre PME et collectivités territoriales en ce qui concerne la restauration des zones humides et encourage la création d’établissements publics territoriaux de bassin appuyés par les agences de l’eau.
Le Conseil propose également de créer un organe régulateur à l’échelle national associant des représentants de tous les acteurs intéressés : usagers et collectivités territoriales, syndicats de salariés, industriels, scientifiques, juristes... Ce dispositif aurait un rôle modérateur dans les conflits opposants des collectivités territoriales, les usagers et les industriels ou délégataires et pourrait aussi, à la demande d’une des parties, examiner de nouveau les clauses des contrats, sans interférer sur le rôle décisionnaire des collectivités territoriales, précise le CESE dans son rapport.
Besoin de plus de transparence
Par ailleurs, le Conseil demande plus de transparence dans les procédures et envers les usagers. Il remarque que les pouvoirs publics ont pris du retard dans la mise en place des Commissions de consultation des services publics locaux (CCSPL). Le rôle de ces outils de démocratie locale a été appauvri récemment alors que les usagers sont en demande d’informations. Les polémiques récurrentes sur le prix de l’eau en sont un reflet. Le CESE préconise par conséquent de renforcer ce dispositif et de mettre en place en parallèle une base de données nationale en accès libre alimentée par l’ensemble des municipalités et syndicats intercommunaux. Le CESE propose en complément l’élaboration d’indicateurs globaux de satisfaction des usagers en prenant en compte l’ensemble des services liés à l’eau, leur gestion et leurs caractéristiques techniques et économiques.
F.ROUSSEL
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