Le Capitalisme malade du Capital

dimanche 26 octobre 2008.
 

Depuis plusieurs semaines une crise financière mondiale secoue le système capitaliste. Cette fois l’épicentre se trouve aux États-Unis. Les banques, les compagnies financières, les assurances, les fonds de pensions : tous ne meurent pas, mais tous sont frappés. La crise n’arrive pas comme une tempête soudaine sur une mer calme. Ses causes sont à chercher dans la nature du capitalisme. Ce dernier cherche le profit là où il est sensé être le plus important, de plus le capitalisme ne sait pas se satisfaire de maigres profits. La crise surgit et commet ses ravages après une série de secousses plus ou moins fortes : 1990 au Japon, 1994 au Mexique, 1997 en Asie, 1998 en Russie et en Amérique latine, 2000 éclatement de la bulle internet à Wall Street, 2001 en Argentine, 2007 effondrement du marché immobilier aux USA (subprimes). « C’est un fait : depuis le début des années 1980 (Thatcher, Reagan), le Capital a repris l’initiative politique. La restauration du capitalisme dans les pays où il avait été exproprié durant la première partie du XX° siècle a abouti à un renforcement considérable de l’impérialisme. La montée en puissance de la Chine le confirme. Cependant – il faut insister sur ce point – ce renforcement conjoncturel ne peut redonner au système une nouvelle jeunesse. La multiplication des crises économiques (Asie du Sud-Est, Telecoms, subprimes…) suffit à le démontrer. Plus généralement, la montée des déficits en tous genres, la financiarisation à outrance indiquent clairement la direction : celle d’une conflagration économique majeure. » écrivions-nous en janvier 2008 (1).

Une des premières tentatives d’explication à destination du peuple relève de la psychiatrie de comptoir. La médaille d’or revient au Président Sarkozy dans son discours de Toulon le 25 septembre : « L’idée de la toute-puissance du marché, qui ne devrait être contrariée par aucune règle, par aucune intervention politique, cette idée de la toute-puissance du marché était une idée folle. » Est-ce bien utile de rappeler que le candidat Sarkozy vantait les mérites du modèle outre-atlantique et ceux du crédit hypothécaire. Même Laurent Fabius entonne un couplet similaire : « C’est la grande crise de l’argent fou. » (2) Nicolas Sarkozy va même jusqu’à vouloir instaurer la « moralisation du capitalisme financier » Projet tout à fait illusoire comme le montre le syndicaliste britannique Dunning, repris par Karl Marx, « Le capital a horreur de l’absence de profit ou des très petits profits comme la nature a horreur du vide. Quand le profit est adéquat, le capital devient audacieux. Garantissez-lui 10 pour cent, et on pourra l’employer partout ; à 20 pour cent, il s’anime, à 50 pour cent, il devient carrément téméraire ; à 100 pour cent il foulera aux pieds toutes les lois humaines ; à 300 pour cent, il n’est pas de crime qu’il n’osera commettre » (3)

Sauver le capitalisme ?

Rapidement s’est imposée l’urgence de la sauvegarde du système financier et bancaire chancelant. L’objectif est de sauver le système tout en évitant de provoquer la colère des travailleurs qui devront tôt ou tard payer l’addition. Comme cette dernière sera particulièrement salée en termes de chômage et de pouvoir d’achat, il vaut mieux que ce soit le plus tard possible. A Washington, à Paris, à Londres, à Berlin voici que sonne l’heure des « nationalisations provisoires » selon la merveilleuse formule du très « socialiste » patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Aux États-Unis, le plan Paulson mobilise 700 milliards de dollars, en France le plan Sarkozy engage 360 milliards d’euros (320 comme fonds de garantie et immédiatement 40 pour éponger les dettes des banques). Impossible d’augmenter les salaires, impossible de maintenir une bonne protection sociale et des retraites correctes, mais pour les banquiers et les financiers rien n’est impossible : voilà la froide loi fondamentale du capitalisme. Les mesures envisagées ne sont pas techniques, comme la classe dominante cherche à nous le faire croire, elles sont éminemment politiques.

La question n’est pas de discuter la façon dont elles sont mises en œuvre. La question c’est la nature de ces décisions. Chaque État tente de régler cette crise avec les méthodes du capitalisme. En conséquence, le remède ne guérira pas le mal, il l’aggravera. C’est ainsi qu’en France, Sarkozy va tout pratiquement doubler la dette publique avec toutes les conséquences que cela implique sur l’emploi, les salaires et les services publics. Finalement, pour sauver le système bancaire, l’État va emprunter auprès... des banques. A la crise de surendettement privé va s’ajouter une crise de surendettement public.

Lors du débat parlementaire du 14 octobre, le PS et les Verts se sont abstenus sur le plan Sarkozy. Le PS trouve ce plan incomplet mais pas sans vertus selon les propos de François Hollande : « pas question de s’opposer à un plan qui permet au niveau européen de sortir des premières tourmentes de la crise financière. » Pierre Moscovici est très explicite sur la position du PS : « Nous ne voulons pas d’unité nationale, mais il y a une responsabilité nationale. » (4) C’est aussi clair que sur l’expédition militaire en Afghanistan : on vote contre mais on est pour. Du coté du PCF, c’est à peine mieux. Ses députés n’ont certes pas voté le plan de sauvetage. Ceci étant, ils « rappellent l’urgence de réorienter l’argent pour satisfaire les besoins humains et non plus la spéculation. Il faut pour cela notamment se doter au plus vite d’un pôle financier public qui permettra la relance de l’économie réelle fondée sur la production de richesses. » Bref, eux aussi se refusent à mettre en cause l’économie de profit en tant que telle, et reprennent la fable d’un capitalisme industriel "sain", entravé par "la finance".

A ce stade, une première conclusion s’impose : le monde du travail a toutes les raisons de s’opposer aux plans de sauvetage des banques à sauce Bush, Sarkozy et autres Brown. Actuellement on nous joue la mauvaise comédie de boulevard intitulée : L’État, le retour. Qui a décidé dans les années 1990 d’engager le processus de déréglementation ? Les États. Pour mémoire, en ce qui concerne l’Union européenne, c’est au sommet de Hanovre en 1988 que les Chefs d’États et de gouvernements ont décidé de supprimer toutes restrictions à la circulation des capitaux ainsi qu’aux prestations bancaires et financières. Qui, aujourd’hui, décide d’intervenir et envisage une nouvelle régulation ? Encore les États. Hier, l’idéologie dominante libérait la Main invisible des marchés chère à Adam Smith ; aujourd’hui, elle change de cap.

Jacques Delors en est une parfaite illustration : Président de la Commission européenne en 1992, il préconisait de « laisser jouer la dynamique des acteurs économiques » ; aujourd’hui il parle de « défaite politique et idéologique des fondamentalistes du marché. » (5) Malgré la globalisation de l’économie capitaliste mondiale, au-delà des discours soporifiques sur la « gouvernance mondiale » les différentes bourgeoisies restent attachées à leur État. Ce qui une nouvelle fois atteste que l’État est toujours le : « comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière. » (6) Ces dernières semaines ont mis en évidence les contradictions entre les principales bourgeoisies européennes avec comme conséquence la quasi absence de l’Union européenne en tant que telle. On a eu un G4 (Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie) qui a concocté une potion qui s’est avérée sans effet. Puis ce fut, le 12 octobre, la réunion des quinze pays membres de la zone euro (Eurogroupe) qui a adopté des recommandations communes qui seront, toutefois, mises en œuvre séparément. Par contre la Commission européenne, d’ordinaire si prompte à pourfendre la moindre attente à la concurrence libre et non faussée, est restée aux abonnés absents. Pour autant l’Union européenne n’en demeure pas moins une arme de destruction massive des conquêtes sociales et des services publics. C’est d’ailleurs ce qui caractérise les mesures prises par l’Eurogroupe.

Affichant sa volonté de tout simplement « refonder le capitalisme », Nicolas Sarkozy fonde tous ses espoirs dans un sommet international. Un genre de nouveau Bretton Woods en quelle sorte, du nom de la conférence de juillet 1944 qui avait établi les règles de fonctionnement : les États-Unis devenaient le garant d’un système basé sur les changes fixes. Mais dès 1960, avec la guerre au Vietnam, la machine se grippa pour progressivement engendrer le fonctionnement actuel. Penser qu’un nouveau Bretton Woods va mettre de l’huile dans les rouages pour qu’ils repartent n’est que pure illusion. Quelle puissance est en mesure d’assumer le rôle des États-Unis au sortir de la deuxième guerre mondiale ? Pas l’Union européenne, malgré son agressivité impérialiste et guerrière afin de tenter de maintenir son rang dans le monde ! Pas les États-Unis, même s’ils chercheront à conserver leur hégémonie, car ils sont dans l’œil du cyclone et d’autre part ils sont enlisés dans les guerres en Irak et en Afghanistan ! Le monde sous domination impérialiste entre non seulement en récession (7) mais dans une phase d’instabilité, de chaos, voire de guerre. Les tensions et les conflits internationaux vont s’accroître.

Rompre avec le capitalisme !

Dans son discours de Toulon, Nicolas Sarkozy a affirmé que « l’anticapitalisme n’offre aucune solution à la crise actuelle. » Erreur Monsieur le Président, seul l’anticapitalisme – autrement dit la perspective du socialisme – offre les pistes pour véritablement sortir de la crise. Mais cette perspective ne viendra pas d’elle-même, la tâche de l’heure est à l’élaboration d’arguments susceptibles de construire une riposte pour infliger une défaite décisive au pouvoir. Toute proposition se cantonnant à limiter les effets de la crise est vaine. Ce sont les causes qu’il faut viser et les causes portent un nom : le capitalisme. La classe ouvrière n’a pas à payer deux fois : la première avec la déréglementation, la seconde avec les nationalisations provisoires. Ses intérêts ne peuvent être défendus que par l’expropriation pure et simple des banques privées, et leur fusion dans une banque d’État unique. Les travailleurs ne mordent pas à l’hameçon de la moralisation du capitalisme, même bénie par Benoît XVI. Ils ont besoin de transparence, ce qui implique la fin des secrets bancaire et commercial c’est-à-dire que l’activité de la banque et des entreprises soit placée sous leur contrôle démocratique. Autrement dit, les questions suivantes se posent avec encore plus d’acuité que dans le passé : Que produit-on ? Comment produit-on ? Au profit de qui produit-on ? Ce qui peut se résumer en une seule et unique question : Quelle classe sociale gouverne ? Pour faire face aux conséquences de la crise financière dans ce que l’on appelle l’économie réelle, les principales revendications sont : échelle mobile des salaires et des prix, abrogation des exonérations de cotisations sociales, défense du régime de retraites par répartition (8), interdiction des licenciements, annulation de la dette publique. « Au fou ! » s’étrangleront les maîtres du monde. Ils n’ont pas d’autre argument en ce moment. Mais non Messieurs, l’objectif des travailleurs n’est pas de sauver le système qui les exploite et les opprime. « Si le capitalisme est incapable de satisfaire les revendications qui surgissent infailliblement des maux qu’il a lui-même engendrés, qu’il périsse ! » (9)

Emile Fabrol :

Le 19 octobre 2008

1.- http://promcomm.wordpress.com/2008/...

2.- Le Monde du 3 octobre 2008.

3.- http://fr.wikiquote.org/wiki/Thomas...

4.- Les Échos du 9 octobre 2008

5.- http://www.mediapart.fr

6.- Karl Marx et Friedrich Engels, Le Manifeste du parti communiste

7.- Voir les cartes prévisionnelles du Fond monétaire international dans Le Monde du 17 octobre 2008

8.- C’est ainsi que le Fonds de réserve pour les retraites, créé par la réforme Fillon de 2003, vient de perdre la bagatelle de 14,5 % dans la tourmente (Le Monde du 16 octobre 2008)

9.- Léon Trotsky, Le Programme de transition, 1938


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