1793 : Les assignats. Sur la politique financière de la Convention montagnarde

vendredi 23 juin 2023.
 

La loi sur l’accaparement ne remédiait pas à la crise des prix. La hausse des denrées tenait peut-être pour une part à leur rareté, mais elle tenait surtout à la baisse énorme, au discrédit toujours croissant de l’assignat. Le 3 août, dans un rapport merveilleux de lucidité, d’ingéniosité et d’élégance « sur l’agiotage et le change », Fabre d’Églantine donne quelques exemples de cette prodigieuse baisse de l’assignat :

« Je définis le change : la différence qui se trouve, par l’influence de l’opinion, entre la livre assignat et la livre métallique, autrement dit la livre en numéraire.

« Plus les agioteurs font baisser le change, plus il faut de livres assignats pour représenter une livre en numéraire. À l’époque du 31 mai et 2 juin, par exemple, pour représenter vingt sous métalliques de notre monnaie, il fallait cinquante sous assignats, et par conséquent soixante livres assignats pour un louis en or ; aujourd’hui, et depuis près d’un mois, il faut six francs en assignats pour représenter vingt sous en numéraire, et près de cent quarante-quatre livres assignats pour représenter un louis d’or. Vous comprenez facilement, citoyens, que cette différence dans le change est la véritable cause du surhaussement des denrées ; car le fabricant, et par suite le marchand, qui ne veulent jamais perdre et qui veulent, au contraire, toujours gagner, suivent le cours du change, calculent toujours sur la livre en numéraire, et pour retirer vingt sous métalliques d’une chose, ils ont vendu cette chose cinquante sous à l’époque du 2 juin, et ils la vendent aujourd’hui six francs assignats. »

L’assignat vaut dans le commencement d’août six fois moins que la monnaie de métal ; et quoique la disproportion des valeurs ne soit pas la même entre l’assignat et les denrées, cependant celles-ci doivent hausser formidablement. Quelles sont les causes de cette baisse de l’assignat ? Il en est deux essentielles, la surabondance des assignats émis en trop grande quantité et le peu de confiance qu’une partie de la France et la presque totalité du monde ont dans la victoire de la Révolution.

Les agioteurs utilisent ces causes de discrédit, et ils les aggravent par leurs opérations. Mais, selon Fabre d’Églantine, ce n’est pas par des opérations sur les marchandises. Il fut un temps où les riches, ayant reçu à la suite de liquidations d’office, ou de remboursements de la dette, de grandes quantités d’assignats, et n’ayant pas dans l’assignat une grande confiance, achetaient des quantités énormes de marchandises. Ainsi ils raréfiaient la marchandise retirée du marché, et ils jetaient au contraire sur le marché une surabondance d’assignats. De là, hausse de la marchandise et baisse de l’assignat ; alors, c’est par le jeu de la marchandise et de l’assignat que se précisait la baisse de l’assignat. C’est dans cette période de l’agiotage assignats-marchandises que la loi contre l’accaparement aurait produit son plus grand effet. Car en obligeant les détenteurs des marchandises à vider leurs magasins et à reprendre des assignats en paiement de ces marchandises, elle aurait rétabli l’équilibre au profit de l’assignat. Mais l’agiotage a évolué.

« Les propriétaires d’assignats qui craignent de voir s’évanouir leur propriété entre leurs mains, cherchent à les troquer contre des valeurs effectives. D’abord, ils ont commencé par accaparer des marchandises ; mais, outre qu’ils ont craint la colère du peuple, ils ont senti que ne pouvant exporter ces marchandises, ils seraient obligés de les vendre et de n’en retirer que des assignats ; ils ont alors cessé ce commerce, et ils l’ont abandonné à ceux qui ont confiance dans l’assignat mais qui spéculent sur la misère publique.

« Les propriétaires d’assignats, que sous ce rapport nous nommerons capitalistes, ayant renoncé aux valeurs en marchandises, dont la garde est trop dangereuse et la possession trop visible et embarrassante, ne se sont pas jetés non plus sur les biens-fonds : 1o parce qu’ils n’ont pas plus de foi dans les biens nationaux que dans l’assignat qui les représente ; 2o parce qu’ils n’auraient pas trouvé à acheter assez de biens patrimoniaux ; 3o enfin parce que, d’une part, le haut prix de l’impôt les effraie, et que, de l’autre, ils veulent presque tous, du moins la majeure partie, avoir une valeur effective facile à cacher, facile à dérober à l’impôt et facile à transporter hors de France, et surtout hors de la République.

« Les louis d’or et les écus sont devenus alors l’objet de la convoitise des capitalistes. Les avares et les spéculateurs les avaient prévenus ; l’or et l’argent monnayé avaient disparu ; il a fallu acheter de ceux-ci ces louis et ces écus, et les capitalistes, les trembleurs, n’ont pu s’en procurer que par de très grands sacrifices. C’est ainsi que les louis d’or qui, après l’émigration complète des nobles, n’avaient été élevés qu’à la valeur de 40 à 50 livres assignats, qui, à l’époque du 10 août, étaient retombés à la valeur de 30 livres assignats, sont aujourd’hui montés à la valeur de 130 à 140 livres assignats.

« Mais, comme l’or et l’argent deviennent, par l’effet de cette peur, plus chers et plus rares chaque jour, comme l’or et l’argent forment aussi des volumes visibles et des masses pesantes, périlleuses à transporter, inquiétantes à cacher, la peur des capitalistes en a redoublé, et c’est sur ce degré de frayeur et d’anxiété que l’agiotage a fondé ses plus terribles opérations et notre ruine. »

Quel placement en effet vont trouver les capitalistes désireux de se débarrasser d’assignats en qui ils n’ont pas confiance ? Ayant renoncé aux marchandises, aux biens-fonds, aux louis d’or et aux écus, il ne leur reste plus qu’à acheter des traites sur l’étranger, des lettres de change sur Londres, Hambourg, Amsterdam. Et c’est ici la troisième forme, la troisième période de l’agiotage, la plus terrible pour l’assignat révolutionnaire. Car ces traites sur l’étranger se font rares, la guerre presque universelle et le blocus des mers ayant interrompu les échanges internationaux. Dès lors, tous les gros porteurs d’assignats se précipitant vers ces traites et lettres de change sur l’étranger, celles-ci vont prendre, par rapport à l’assignat, une valeur énorme. Et si, en France même, le change entre l’assignat et l’or est désastreux pour l’assignat, le change entre l’assignat et les effets de banque sur l’étranger est plus désastreux encore. Le discrédit de l’assignat sur les marchés du dehors est colossal, et il réagit sur le crédit de l’assignat au dedans. De là, depuis deux mois, une chute terrible des assignats sur tous les marchés de France comme sur tous les marchés du monde. Oui, mais comme les lettres de change sur l’étranger sont vite absorbées, cette cause de discrédit cesserait vite de fonctionner. Il n’y aurait plus pour l’assignat occasion de se mesurer avec les effets de banque sur l’étranger ; et, dès lors, comme c’est l’opinion seule qui, par ses mouvements, précipite les cours, l’opinion n’étant plus avertie chaque jour par le contraste violent de la valeur de l’assignat et de la valeur des effets sur l’étranger, retournerait peut-être à l’assignat. Mais, c’est ici, dans la construction dialectique de Fabre d’Églantine, qu’intervient l’infernal génie de Pitt.

Pitt a résolu d’alimenter la spéculation à la baisse sur les assignats au moyen des lettres de change sur Londres. Il a des agents à Paris, des courtiers juifs et cosmopolites, des banquiers et sous-banquiers ; et ceux-ci sont autorisés à tirer des effets sur les banquiers de Londres.

Les banquiers de Londres, jouant le jeu de Pitt, paient ; et quand les banquiers de Paris, également dans le jeu, doivent les rembourser au bout de trois mois, s’ils subissent une perte parce que l’assignat a baissé dans l’intervalle, c’est Pitt qui supporte la différence. Ainsi le Trésor anglais fait les frais d’un jeu systématique et constant à la baisse sur l’assignat français. C’est une façon nouvelle de faire la guerre. Je ne sais si Fabre d’Églantine n’a pas cédé à la tentation de construire un système ingénieux. Peut-être a-t-il trop simplifié l’évolution de l’agiotage ; il me paraît probable que les périodes qu’il distingue empiétaient l’une sur l’autre, et tout en se succédant se superposaient. Je veux dire que les gros porteurs d’assignats ne renonçaient pas soudain à acheter des marchandises pour n’acheter que de l’or, ni à acheter de l’or pour se procurer des lettres de change sur Londres et sur Hambourg. Il est vraisemblable qu’ils continuaient en partie leurs opérations antérieures, mais en les réduisant, et qu’ainsi réduites ils les cumulaient avec les combinaisons nouvelles. Mais dans l’ensemble, la marche qu’il indique est probablement la vraie. Il est naturel que l’agiotage se soit peu à peu dégagé des opérations visibles, un peu massives, qui avaient appelé l’attention et la colère des peuples, pour s’insinuer en des combinaisons plus subtiles. Les dénonciations mêmes contre les accapareurs avaient contribué à porter leurs opérations sur la Banque internationale, dont les subtils mécanismes échappaient au regard du peuple. Et il est tout naturel, dès lors, que Pitt ait songé à utiliser, pour déprécier l’assignat français, pour ruiner moralement et financièrement la Révolution, ces négociations de banque sur lesquelles, par la Banque de Londres, il pouvait avoir la haute main. Seulement, ici aussi, il est probable que Fabre d’Églantine exagère quand il attribue ou paraît attribuer au jeu direct de Pitt les plus sensibles effets de dépréciation subis par l’assignat.

Mais, dans tous les cas, il y avait urgence, il y avait nécessité vitale à trouver un remède ; lequel ? Le premier, évidemment, le plus décisif, c’était d’assurer, par un effort immense et par une concentration de toutes les énergies, la victoire de la Révolution. La victoire révolutionnaire, c’était le crédit de l’assignat en France et dans le monde. Le Conseil, le Comité de Salut public, Robespierre, le peuple entier, y travaillaient de toute leur âme. Puis, comme une des causes les plus immédiates du discrédit de l’assignat était sa surabondance, il fallait en restreindre le plus possible l’émission, et rappeler au trésor une partie du papier émis. Pour cela, Carabon imaginait et faisait adopter par la Convention trois combinaisons principales.

En premier lieu, il s’appliquait à hâter le paiement des sommes dues à l’État par les acquéreurs de biens nationaux, et à ramasser en un seul paiement immédiat les paiements échelonnés par annuités que la loi avait prévus. Il offrait, dans cette vue, une prime de 13 pour 100 à ceux qui se libéreraient pur anticipation ; et en outre il mettait en vente le droit qu’avait l’État à ces annuités. Comme les acquéreurs de biens nationaux, débiteurs de l’État, lui payaient un intérêt de 5 pour 100 sur ce qu’ils lui devaient, le citoyen qui se substituait à l’État plaçait ses fonds à un intérêt de 5 pour 100 : ce qui était fort avantageux, le placement étant absolument sûr. Ainsi se feraient, du moins Cambon l’espérait, d’abondantes rentrées d’assignats au Trésor.

En second lieu, les contre-révolutionnaires ayant affecté d’accorder une préférence aux assignats émis sous Louis XVI et qui portaient l’effigie royale, comme si la monarchie restaurée ne devait tenir compte que de ceux-là, la Convention démonétisa les assignats à face royale. C’était un capital de 558 millions d’assignats qui était ainsi retiré de la circulation. À vrai dire, ils n’étaient pas détruits, et la valeur que les porteurs avaient en mains n’était pas frappée de nullité. Mais ces assignats cessaient d’être monnaie : ils n’étaient plus admis qu’à payer les contributions arriérées, à solder ce qui était dû sur la vente des biens nationaux, et à acquérir les annuités provenant de la vente des biens nationaux. Ils avaient ainsi un débouché suffisant, puisque l’arriéré des contributions était de 600 à 700 millions et que le reste à payer pour les domaines nationaux était d’environ 1500 millions. Mais ils ne faisaient pas double emploi avec la masse des assignats, et la seule affectation qui leur demeurait était essentiellement révolutionnaire.

Enfin l’emprunt forcé d’un milliard, décrété en principe au mois de mai, mais qui n’était pas encore appliqué, entrait en exécution. Les assignats étant admis au pair pour le versement de l’emprunt, les contribuables allaient s’empresser de verser au Trésor un milliard d’assignats. C’était là l’objet principal de ce vaste emprunt, qui était en réalité un impôt remboursable.

Il participait de l’emprunt et de l’impôt. Il était impôt, puisqu’il était forcé et qu’il ne portait pas d’intérêt. Il était emprunt, puisque la somme ainsi imposée devait être rendue, mais rendue en domaines nationaux. Et c’était encore un moyen d’attacher des millions de citoyens au succès de la Révolution : puisque le gage de l’emprunt aurait disparu avec la Révolution elle-même.

En fait, l’emprunt d’un milliard se substituait aux contributions ordinaires : contribution foncière, contribution mobilière, contribution des patentes, pour lesquelles les rôles avaient été si lentement élaborés. Le milliard de l’emprunt ne dépasse guère de plus de 300 millions le total des contributions arriérées.

La Convention saisit cette occasion de rectifier, indirectement et par le mode d’établissement de cet emprunt-impôt, le système fiscal de la Révolution : elle y introduit la déclaration et la progression. C’est, en effet, le revenu déclaré de chaque contribuable qui va régler, selon une loi de progression, le versement que chacun doit faire pour l’emprunt : « Les citoyens tenus de contribuer à l’emprunt forcé remettront au greffe de la municipalité de leur domicile, et, à Paris, au comité civil de leur section, une déclaration exacte de leurs revenus pendant l’année 1793, et des charges qui les diminuent. » — « La déclaration des revenus des rentes perpétuelles sur l’État ou sur des particuliers, des capitaux placés à intérêt ou mis en valeur dans le négoce ; celle des bénéfices commerciaux, de banque, courtage, commissions, entreprises et fournitures de l’année 1793 ; celle des fonds oisifs gardés en caisse, en portefeuille ou chez des dépositaires, sera faite en entier et sans déduction de la contribution mobilière ; les fonds oisifs seront estimés produire cinq pour cent d’intérêt ; seront réputés fonds oisifs, les sommes qui excéderont la moitié des revenus d’une année. »

C’était donc la déclaration explicite, détaillée tout à la fois et globale. Pour les revenus fonciers, les propriétaires étaient autorisés à les déclarer d’après les rôles de la contribution foncière qui les ménageaient ; et il devait être déduit un cinquième pour le principal de cette contribution. Le comité des finances de la Convention estimait, en effet, qu’en taxant la terre beaucoup plus fortement que les autres valeurs (selon le système des physiocrates) la Révolution avait commis une erreur sur laquelle il faudrait revenir un jour. Le rapport pour l’année 1793 le dit expressément :

« Si l’on consulte les fabricants, les négociants, les commerçants, les rentiers de bonne foi, et tous ceux qui ont médité sur la nature de l’impôt, sur la valeur comparée des richesses territoriales et mobilières, ils vous diront que les richesses mobilières et d’industrie égalent au moins, si elles ne surpassent, les richesses territoriales ; cependant elles ne supportent que 60 millions, tandis que l’on en jette 240 sur les fonds, comme si les richesses mobilières n’étaient que le quart du produit du revenu foncier. »

Il est vrai que le non-paiement des contributions atténuait très souvent cette inégalité. Mais par l’établissement de l’emprunt forcé, tous les revenus de toute provenance venaient se confondre dans le revenu total du contribuable : ainsi la disproportion des charges qui pesaient sur l’agriculture et sur l’industrie était effacée. Une fois le revenu de chacun déclaré et vérifié, c’est un tarif fortement progressif qui était appliqué :

« La portion du revenu qui est soumise à l’emprunt forcé, sera taxée comme il suit :

De 1 à 1 000 fr. 1 dixième. De 1 001 à 2 000 2 — De 2 001 à 3 000 3 — De 3 001 à 4 000 4 — De 4 001 à 5 000 5 — De 5 001 à 6 000 6 — De 6 001 à 7 000 7 — De 7 001 à 8 000 8 — De 8 001 à 9 000 9 — « La taxe sera, en conséquence, pour 1 000 francs soumis à l’emprunt

de 100 fr. Pour 1 500 fr. de 200 Pour 2 000 de 300 Pour 3 000 de 600 Pour 4 000 de 1 000 Pour 5 000 de 1 500 Pour 6 000 de 2 100 Pour 7 000 de 2 800 Pour 8 000 de 3 600 Pour 9 000 de 4 500 « Au delà de 9 000 livres de revenus, à quelque somme qu’il s’élève, la taxe sera, outre les 4 500 livres dues pour 9000 livres, la totalité de l’excédent : de sorte qu’un revenu de 10 000 livres sera taxé 5 500 livres, un revenu de 11 000 livres sera taxé 6 500 livres et ainsi de suite. »

Si forte que soit la progression, on remarquera qu’elle n’aboutit jamais à demander au citoyen un versement supérieur ou même égal à une année de son revenu. Ceux qui ont plus de 9 000 livres de revenu, seront tenus de contribuer pour la totalité de leur revenu d’un an moins 4 500 livres. Donc, à la rigueur, les Français n’étaient pas obligés d’entamer leur capital : il leur suffisait de réduire extraordinairement leurs dépenses cette année-là. Mais beaucoup sans doute prélevèrent sur leur capital, sur leur réserve d’assignats notamment, de quoi faire face à l’emprunt forcé. Dans le rapport de la Commission des finances, Ramel, pour faire accepter plus aisément aux riches cette lourde taxe, leur persuade que la rentrée au Trésor d’un milliard d’assignats va amener la baisse des denrées, et que par conséquent les citoyens retrouveront d’un côté ce qu’ils auront prêté de l’autre.

« Il me semble entendre les hommes fortunés répondre à cette assertion qu’elle pourrait être vraie, si tous les citoyens, sans distinction, venaient présenter la moitié des sommes qu’ils ont en leur pouvoir. Nous vous permettrions de faire usage de ce raisonnement, si vous aviez partagé jusqu’à ce jour, avec vos frères, le poids du jour, la fatigue de la Révolution. Si vous vous étiez présenté les premiers pour renverser le trône et repousser les satellites des despotes, vous pourriez invoquer cette exacte égalité, dont vous ne parlez que lorsque vous voulez qu’on vous ménage. Avez-vous, comme le pauvre, payé de vos sueurs et de votre sang votre dette à la patrie ? »

Aussi bien, il s’en faut que tout le poids de l’emprunt ne portât que sur les riches. Ramel nous apprend en effet (et c’est un état très intéressant de la répartition de la richesse en 1793) que, d’après l’aperçu des rôles des contributions, « la moitié de la fortune générale appartient aux citoyens qui ont moins de 1 000 livres de rentes ; car, dans les contributions, ce sont les petites sommes qui font les grandes. Ceux-là possèdent donc la moitié des 3 milliards auxquels était évalué le revenu public, soit un revenu de 1 500 millions ; sur les 1 500 000 livres restant, le tiers n’est pas possédé par des particuliers riches de plus de 6 000 livres de rente. » Il est vrai que pour ceux-là, au-dessus de 4 500 livres, l’emprunt forcé prenait tout le revenu.

Mais ni la démonétisation des assignats à face royale, ni la négociation des annuités, ni l’emprunt forcé d’un milliard, ne pouvaient suffire à faire rebondir le crédit de l’assignat. Il n’y avait qu’une solution décisive du problème : c’était de fixer, par le maximum, le prix de toutes les marchandises. Dès lors, non seulement il n’y avait plus discrédit de l’assignat, mais ce discrédit n’avait même plus de sens ; car, du moment que l’assignat devait être toujours accepté en paiement, et que le rapport de l’assignat à toutes les marchandises était détermine par la loi, qu’importaient les variations de l’assignat sur les marchés étrangers ? Qu’importe qu’un assignat de cent livres ne puisse se négocier à Londres que contre trente livres en guinées, si cet assignat de cent livres achète, en France, toutes les marchandises, quelles qu’elles soient, qui sont taxées cent livres ? Ainsi, dans la mesure où fonctionnerait le maximum, la question de l’assignat est non seulement résolue mais abolie. C’est ce qu’a noté admirablement (après coup, il est vrai) Mallet du Pan, dans les mémoires qu’il adresse aux puissances étrangères pour les mettre en garde contre un optimisme frivole.


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