Voici le huit, le jour du terme :
Nous n’avons pas le premier sou.
Mais j’attends Vautour de pied ferme,
Qu’il vienne et je lui tords le cou.
*
Ce ne sont pas menaces vaines,
Je suis femme d’un ouvrier.
Il suce le sang de nos veines,
On se venge d’un meurtrier !
Nous pourrissons dans ce cloaque.
Nos loyers, de ce vieux voleur
Ont payé la sale baraque,
Au moins quatre fois sa valeur.
*
Depuis vingt ans je me lamente
Dans son trou, sans jour et sans air.
Voilà cinq fois qu’il nous augmente,
En entrant, c’était déjà cher.
J’ai passé là vingt longs carêmes,
Car que sert de déménager ?
Ces gueux-là sont partout les mêmes,
On ne sait plus où se loger.
*
L’escalier noir est une honte,
Tant il est dégradé, poisseux.
Des lieux, des plombs quand l’odeur monte,
L’alcali vous empoigne aux yeux.
Il fait de l’or de cette boue,
Prenant le plus clair du travail.
C’est de la peste qu’il nous loue
Il tient la typhoïde à bail.
*
Quel logis infect que le nôtre :
Une boîte de crevaison.
Tous mes enfants l’un après l’autre,
Je les perds dans cette maison.
Entre ces quatre murs verdâtres,
L’humidité que nous humons
Des cloisons détache les plâtres
Et nous détache les poumons.
*
Le peuple hait cette charogne
Et parle de l’exproprier.
Moi je vais plus vite en besogne,
Je veux la peau de l’usurier.
Pauvres bougres de locataires,
A quand la révolution !
Supprimer les propriétaires,
N’est-ce pas la solution ?
Date | Nom | Message |