Lepoint.fr : Le gouvernement réaffirme qu’il ne veut pas toucher au caractère public de La Poste. Cette mise au point vous rassure-t-elle ?
Olivier Besancenot : Bien sûr que non ! Le gouvernement s’est inscrit dans une logique de libéralisation et d’application de la directive européenne de mise en concurrence totale des activités de marché postales. C’est l’ouverture du capital en perspective, c’est-à-dire la privatisation. Concrètement, les bénéfices dégagés par La Poste ces dernières années ne seront pas investis sous forme de salaires ni en qualité de services, mais au profit de quelques actionnaires qui vont aller jouer tout cela au "casino de la bourse" pour éventuellement gagner de l’argent - voire en perdre, dans le contexte de crise financière internationale.
Lepoint.fr : Le gouvernement peut-il faire autrement que de permettre à La Poste de changer de statut et d’ouvrir son capital afin de faire face à l’ouverture totale à la concurrence du marché en 2011 prévue par cette directive européenne ?
O. B. : Une directive européenne ne vient pas dans le dos des gouvernements ! Elle a été adoptée sur la base d’un mandat donné par une réunion du Conseil des ministres européen. C’est donc bien les gouvernements nationaux, y compris le nôtre, de gauche soi-disant, qui ont, à l’époque, mandaté la Commission pour libéraliser La Poste. Ce qu’un gouvernement demande de faire, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas revenir dessus ensuite. On ne sortirait pas de l’Europe pour autant, d’autant plus qu’il y a une alternative pour un service public européen : on pourrait imaginer une coopération immédiate de tous les opérateurs publics pour faire un premier pas vers un service public postal européen.
Lepoint.fr : Justement, un contrat de service public strict a été signé par La Poste et le gouvernement pour la période 2008-2012...
O. B. : Le cahier des charges strict signé avec La Poste, on le connaît trop bien, ça n’empêche pas des centaines de bureaux de fermer, que ce soit dans les zones rurales ou les quartiers populaires. De nombreuses prestations assurées par les bureaux de poste ne le seront pas par un petit commerçant ! Le cahier des charges signé par le gouvernement, c’est une grande déclaration de principes qui n’a strictement rien à voir avec ce qu’on vit tous les jours. Des études d’impact ont été commandées par le Parlement européen à plusieurs reprises : on sait maintenant que dans les pays où les libéralisations et privatisations ont été enclenchées, ça a un coût social énorme. Des dizaines de milliers de suppressions d’emploi ont eu lieu à l’échelle européenne. Ça entraîne aussi une augmentation des tarifs. En Suède, la libéralisation s’est conclue par 25 % d’effectifs en moins et 70 % d’augmentation des tarifs. Même les plus libéraux sont en train de revenir sur leur jugement, car le prix de l’action de la poste allemande est en train de s’effondrer.
Lepoint.fr : Comment comptez-vous vous opposer à ce que vous appelez la "privatisation" de La Poste ?
O. B. : Une journée de grève se profile. Tout cela va être discuté par les organisations syndicales. Nous, on milite sur le terrain pour qu’un mouvement populaire voie le jour, car celle des salariés de La Poste ne suffira pas. La bonne solution, c’est de combiner un mouvement qui rassemble les salariés, les usagers et les élus.
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