LE PARTI SOCIALISTE, SES CONGRES ET LE REVE DES PIGMEES

lundi 28 juillet 2008.
 

Aujourd’hui il faut parler de ce qui compte. C’est-à-dire de ce qui agite la scène médiatique. J’avais commencé une note en parlant de l’affaire Jack Lang, puis de l’affaire Valls et consorts, et ainsi de suite, préliminaires très colorés du congrès du parti socialiste. Comme les feux de la production d’informations ont changé de cible, les mouches ont changé d’âne. Mais je poste cette note quand même. C’est l’été.

Un coup d’œil sur le PS. Pour l’instant ce n’est plus un parti, c’est un chenil ; ça aboie sur tous les tons et de tous les côtés. Et suivant une loi bien connue des canidés, chacun cherche à hurler plus fort que son voisin. Pour se faire entendre il va donc falloir une « voix de marchand de chiens » comme on dit très finement dans le Jura pour désigner certaines voix si puissantes qu’elles couvriraient le cri des bêtes les plus bruyantes. Comme donc tant de gens crient si fort, je me demande moins si ce qu’ils disent est cohérent que pourquoi ils le font.

Si j’en suis là c’est que je crois à l’intelligence de ceux qui crient. Ils savent qu’en commençant ce procès ils aggravent notre défaite à Versailles. Ils savent qu’ils offrent à Sarkozy un triomphe supplémentaire en ajoutant à sa victoire le dividende délicieux du ridicule de nos empoignades. Prétexte que cette scène ! Si les dirigeants du parti avaient voulu faire quelque chose, le bureau national du parti aurait été maintenu le lendemain du vote du Congrès de Versailles ! Il n’a pas été convoqué. Quand au fond, la cause est tout aussi incertaine. Que reprochent-ils qu’ils n’aient eux même fait ? Ils sont mieux placés que quiconque pour savoir que la précédente réforme de la Constitution par Sarkozy à propos du traité de Lisbonne n’a été acquise que grâce à eux. Comment reprocher à Lang aujourd’hui une collusion avec la droite qui s’est déjà pratiquée avec pour résultat, tout aussi terrible, de priver les français de référendum ? Et pourquoi Lang ? Que dire des 4 autres députés autour de Valls qui se déjugent après leur vote et agressent tous leurs camarades en les accusant d’avoir des reflexes "pavloviens" contre Nicolas Sarkozy.

Pavloviens ! C’est-à-dire des reflexes de chiens ! Sévérité et mansuétude sont bien mariées au sommet du PS. Les crieurs sont-ils plus crédibles que leurs cris ?

Qui crie le plus fort ? Julien Dray ! Personne ne peut être convaincu par ce qu’il dit dans ce domaine. Son nom est attaché à un nombre d’indisciplines tel qu’il est parmi les plus mal placés pour officier dans ce registre. Par exemple l’époque où il affichait (et moi aussi) notre blâme pour avoir voté contre la guerre du golfe ou contre la banque centrale européenne et s’en vantait dans la presse. Sa colère jouée contre ceux qui sont « un pied dedans un pied dehors », formule tellement connotée, me fait éclater de rire comme je le ferai devant n’importe quel rôle de composition ! Tout de même ! Quand on se souvient qu’il fut l’organisateur d’une micro scission du PS en 1993 nommée Mouvement Action Egalité (MAE) dont était adhérents la moitié des membres de la direction de la gauche socialiste c’est-à-dire tous ses proches ! Le reste le concernant est à l’avenant et même pire.

Dans cette criaillerie, seul Jean Marc Ayrault sonne juste dans son rôle. Cela parce qu’il est le président du groupe et que la fonction crée l’organe : c’est son devoir de mettre le holà. Les autres sont dans le congrès du parti socialiste, rien de plus. Car globalement tout le monde sait que Lang n’est pas celui qui a fait la décision. Il fallait deux voix. Pas une. Deux ; ça n’excuse pas son choix. Cela le met à sa place. Ce sont les radicaux qui ont fait la décision ; ça, ce sont les faits. Vient donc seulement ensuite le reste. C’est-à-dire du bon usage bureaucratique de l’indiscipline de Lang. Quand je faisais la formation de Dray au moment des congrès je lui expliquais une règle de cette maison. La direction crée le sujet du débat de congrès, en dernière ligne droite. Ce n’est jamais celui auquel on pensait d’abord. Ce n’est jamais un sujet global. Juste un angle. Et les malins tirent dessus comme sur un fil. Pendant qu’on parle de ça on ne parle pas du reste.

Un congrès sur la discipline, son respect et ainsi de suite est une bonne idée d’appareil. Le prochain premier secrétaire devra être quelqu’un qui ait de l’autorité. Ou qui affirme être prêt à en avoir. Car tous les cadres intermédiaires du parti et les barons locaux en ont par dessus la tête des « querelles des parisiens ». « Parisien » veut dire « qui vient du national ». Il s’applique donc à des provinciaux avérés comme Martine Aubry du Nord ou comme Hollande de la Corrèze, de Poitou Charente comme qui vous savez, des Landes comme Emmanuelli etc. Ce n’est pas tant la mauvaise image que donnent ces querelles qui est en cause. C’est plutôt que chaque clan national cherche des appuis locaux et offre sa protection aux divers seigneurs locaux qui en ont besoin pour leurs propres rapports de force. Ainsi les « parisiens » exportent les désordres de la lutte pour le pouvoir jusque dans les plus modestes campagnes au lieu de laisser chacun jouir en paix de l’ordre tranquille que procurent la gestion des collectivités locales et leur hiérarchie.

Pour affirmer cette autorité dont rêve la nomenclature, Lang est une parfaite tête à claques, si j’ose dire. D’une part il n’a pas de poids spécifique en paquets de carte et votes au congrès. Il n’est donc pas dans la situation d’impunité structurelle comme certains autres, par exemple Robert Navarro, le premier secrétaire fédéral de l’Hérault. Celui-là et les autres tigres de la jungle des bidouillages fabriquent les victoires dans les « votes des militants ». En remerciement, et pour prix du silence, ils sont placés en état d’amnistie permanente. Taper sur Lang ne coûte pas un vote et peut rapporter gros. D’abord du prestige. Tuer l’éléphant et manger son cœur, c’est le rêve du pygmée. Ensuite des points au billard à quatre bandes. Lang n’était-il pas au premier rang des soutiens de Martine Aubry avec les autres seigneurs du Nord Pas de Calais au cours d’une conférence de presse très courue ? Ceux là ont pris un petit coup sur la tête. Ils ont immédiatement pris leur distance. J’annonce que ce n’est pas fini. Bientôt tous vont revenir à l’étable et la bergère devra suivre le troupeau si elle n’a pas les moyens de changer d’élevage. Enfin taper sur Lang est un commencement facile. S’il est abattu, une chasse plus large sera possible. Je me sens visé. Fabius ferait bien d‘y réfléchir aussi. Et même beaucoup.


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