“Les socialistes et l’individu” : Conclusion de François Hollande (20 janvier 2008)

mercredi 30 janvier 2008.
 

Forum de la rénovation Le 20 janvier 2008

Chers Amis, Chers Camarades,

Il m’arrive de dire -dans des moments de grande confidence- que j’aime le Parti socialiste. Parfois, je me dis que c’est un acte de foi, en tout cas un acte d’engagement. Mais, ce matin, à écouter les rapports, à entendre les interventions, à vous voir ici, militants, responsables du Parti socialiste, je me dis que lorsque le Parti socialiste réfléchit, débat, cherche, propose et rassemble tous les socialistes, oui, j’aime de parti-là.

Lorsqu’au lendemain d’une défaite honorable, mais cruelle, nous avons –vaille que vaille- décidé d’engager un processus qui pouvait permettre à notre parti de redresser la tête –au sens des idées, de retrouver des formes de délibérations collectives et de préparer de la meilleure des façons notre congrès, il y avait du scepticisme, il y avait des doutes, des interrogations. Tout cela conduira-t-il à la clarification espérée ? Y aura-t-il, pour notre parti, des avancées –en termes de concepts, d’idées, de propositions, d’approches- tirées de toutes ces discussions souvent menées d’en haut ? Serons-nous capables de relever les trois défis qui nous ont été posés lors des scrutins du printemps dernier : quel est notre rapport à la Nation, quelle est la place du marché, quel est le rapport entre individu et société ?

Nous sommes partis avec un premier forum sur la Nation en Avignon, nous avons poursuivi –à la Villette- sur la question du marché et, enfin, ici à la mutualité, nous achevons le cycle avec l’individu, la solidarité.

Je me suis rappelé d’une phrase d’un Français qui n’avait pas eu le temps de devenir socialiste, mais qui était un grand auteur : je veux parler de Pierre Corneille. Et Pierre Corneille, qui s’en doute déjà pensait à nous à ce moment-là de notre histoire, donnant notre parole au Cid, disait : « Nous partîmes 500… » c’était à peu près le chiffre en Avignon « mais, par un prompt renfort, nous nous vîmes 3000… » c’est ce que nous sommes aujourd’hui « en arrivant au Port ». Il ajoutait (et j’avais finalement oublié la suite) : « Tant à nous voir marcher avec un tel visage, les plus épouvantés reprenaient courage ». Vous avez du courage et les « épouvantés » sont nos adversaires.

Il nous faudra poursuivre ce mouvement de rénovation ; et d’abord faire en sorte qu’il puisse y avoir une synthèse de nos travaux, au sens d’une agrégation de toutes nos convergences –nombreuses- mais aussi une identification de nos divergences, de nos distinctions d’approches ou de conclusions. Des débats qu’il nous faut encore poursuivre. Il faudra donc une commission de la rénovation, dont une part du travail sera de faire cette agrégation.

Cette commission aura aussi, avant notre congrès, à évoquer, à reprendre tout ce qui est dit, annoncé, proposé, sur les questions de statut du Parti socialiste, de mode d’adhésion au PS et de mode de désignation, de respect des règles dans le PS, pour nous permettre d’être ensemble. On ne peut pas vouloir parler au nom de la société, affirmer des règles, des normes, des valeurs, des principes, des exigences et ne pas se les appliquer au sein même de notre organisation. Et si, déjà, nous appliquions les principes de la République : la Liberté, elle est acquise ; l’Egalité, il faudra faire un effort ; quant à la Fraternité, nous n’en aurons jamais assez et nous devrons donner à tous ceux qui nous regardent, qui espèrent ou qui n’espèrent plus en nous, l’exemple d’une grande organisation qui, dans ses statuts mêmes, dit quelles institutions il veut offrir à notre pays. Car notre structuration doit celle que l’on veut pour la France pour être dirigée, avoir une majorité, respecter les oppositions, pour permettre aux citoyens de faire valoir leurs droits.

Nous sommes sur la question qui traverse toutes les sociétés démocratiques et qui a traversé l’histoire du socialisme : quelle est la place de l’individu ? Quel est le rôle du collectif ? Jusqu’où aller dans la solidarité ? Jusqu’où poser le principe de responsabilité individuelle ?

Déjà, au début du XXè Siècle, ces questions traversaient le mouvement ouvrier, socialiste. Et si les socialistes sont devenus socialistes au moment du congrès de Tours en 1920, c’est qu’ils plaçaient l’individu et la liberté individuelle au cœur de leur engagement, et qu’ils craignaient qu’une vision collective (on disait collectiviste à l’époque) vienne éteindre ce qu’on appelait la flamme de l’espérance humaine : la liberté. La liberté qui ne doit pas être contredite par l’égalité. La liberté qui produisait l’égalité. Et, avant d’autres, Jaurès avait lui-même insisté sur l’individu humain qui est la mesure de toute chose et à partir duquel on doit définir la patrie, l’engagement, la République.

C’est ce mouvement-là que nous avons à produire encore et encore, la place de l’individu, le rôle du collectif et l’intention qui doit être la nôtre est de toujours trouver l’équilibre entre la solidarité et la liberté.

Les phénomènes ont néanmoins changé, nos sociétés ont évolué. Nous avons un mouvement d’individualisation depuis plusieurs décennies. Ne nous en plaignons pas ! La gauche a produit le mouvement d’individualisation. Nous avons, avec d’autres, conquis des droits, des libertés ; c’est nous qui avons donné à l’individu sa dignité, sa place.

Et, quand d’autres regardent Mai 68 comme une référence effrayante, il faut voir Mai 68 comme exigence d’individualisation, de reconnaissance de l’identité de chacun, de l’autonomie, de la liberté, de la contestation sur des formes surannées de hiérarchie –même s’il faut une hiérarchie. Cette contestation de l’autoritarisme qui est une autorité sans légitimité, car il faut une autorité mais partagée, respectée. Ce mouvement d’individualisation ne nous remet pas en cause. Nous n’aurions pas à en craindre les effets, nous le portons. Mais nous en fixons aussi les limites et les prolongements.

Un deuxième phénomène s’est produit : c’est celui des technologies et de la médiatisation qui ont donné à l’individu un rapport direct à l’information, à la connaissance et, en même temps, ces moyens de la technologie sont une forme de lien social. Ne dit-on pas « connexion » pour internet ! Nous ne devons donc pas craindre la technologie ; elle peut être au service de l’humanité si nous savons lui donner son caractère pluraliste et éviter que l’argent vienne y mettre là son contrôle.

Il y a eu un autre phénomène qui s’est produit toujours dans les moments de crises, de difficultés, c’est la jalousie sociale. Ce n’est pas nouveau. La droite en a toujours fait usage. Il y a toujours plus pauvre que soi, plus assisté que soi, plus privilégié que soi ! Les plus puissants ont trouvé la formule. Eux qui ont tous les droits, tous les pouvoirs, ils montrent du doigt le cheminot, l’enseignant, le fonctionnaire, quand ce n’est pas le petit épargnant qui exige un taux de 4 % sur son livret de caisse d’épargne, remettant en cause le logement social et son financement, à ce que l’on nous dit ! Il faut maîtriser cette forme de jalousie sociale et en même temps, il faut l’entendre et remettre des valeurs universelles, des valeurs collectives et rendre plus efficace notre système de solidarité.

Il y a un dernier phénomène qui est venu tarauder les sociétés en mal de références : c’est la défiance. Défiance à l’égard des mécanismes de redistribution, défiance à l’égard des institutions, défiance à l’égard des pouvoirs –quels qu’ils soient, défiance à l’égard même de la démocratie représentative. Il y a ces mouvements-là utilisés, là aussi, par d’autres pour un rapport direct à l’opinion, mais aussi pour mettre en cause les principes de la solidarité.

Il nous faut donc là aussi mener cette réflexion, aller jusqu’au bout, sans rien perdre de nos valeurs, de nos fidélités, sans rien perdre des défis qui nous sont posés. Parce que l’on voudrait caricaturer ce que nous sommes, on voudrait voir en nous ceux qui exigent plus d’impôts ! Franchement ! Aujourd’hui, jamais le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays n’a été aussi élevé, c’est le record historique. L’impôt, c’est la droite. L’impôt injuste, c’est la droite. Et le rôle des socialistes et de la gauche n’est pas d’augmenter les impôts –parfois nous les avons même baissés, c’est de les rendre plus justes –et parfois nous ne l’avons pas fait suffisamment.

De la même manière, nous ne sommes pas là pour imposer des normes. Au contraire, parfois, nous laissons des espaces pour l’épanouissement, pour l’autonomie, pour le libre choix. Et, en même temps, nous sommes aussi une force politique qui n’accepte pas la transgression.

Aujourd’hui, nous sommes dans un régime personnel de transgression où celui qui occupe le pouvoir se permet tout, occupe tout et dépasse toutes les limites. Le rôle d’une formation politique, c’est aussi de fixer les limites de ce qui est ou n’est pas acceptable, de ce que l’on doit ou pas savoir. Aujourd’hui, d’ailleurs, je suis pour le droit de ne pas savoir !

Il faut faire ces clarifications. Il y en a eu cinq majeures produites par la commission et par notre discussion.

1. L’individu n’est pas simplement une personne –et c’est déjà un principe que d’affirmer que l’individu est une personne. C’est aussi un être social.Il y a à la fois la reconnaissance de la singularité et en même temps, nous sommes des êtres sociaux qui vivons ensemble. Nous devons donc à la fois assumer et assurer l’émancipation personnelle, la réussite personnelle et la capacité à vivre ensemble. Et, en vivant mieux ensemble, réussir mieux sa propre vie.

2. Nous sommes les promoteurs des libertés individuelles. Mais nous les concevons comme un combat collectif. Parce que, pour arracher des libertés individuelles, il a fallu faire non pas des combats individuels, mais collectifs. Comme a été voté l’IVG, si ce n’est par un combat collectif de millions de femmes qui se sont battues pour obtenir ce droit et pas seulement pour elles-mêmes, mais pour les générations à venir ! Il a fallu qu’il y ait ce combat collectif pour le PACS. Le combat collectif porte les libertés individuelles, parce que pour nous la liberté individuelle est pour tous.

3. Il faut opérer des distinctions entre les droits inaliénables liés à la personne humaine (droits de l’homme, droits de la femme), droits inaliénables qui ne se concèdent pas, qui ne se marchandent pas, qui ne se négocient pas, qui sont finalement le propre d’une société démocratique organisée, et les droits sociaux qui, eux, n’ont pas à être posés en contrepartie. Cependant, il est légitime, quand il y a des droits sociaux, d’avoir une société de devoirs. Et si nous ne défendons pas cette conception de droits que nous avons conquis qu’il faudra encore arrachés et de devoirs de la société à l’égard des citoyens et des citoyens à l’égard de la société, alors, nous donnerons l’impression de ne vouloir accepter que ce qui nous serait donné et vouloir mettre l’individu simplement dans un rapport marchand à l’égard des droits collectifs et sociaux. Nous revendiquons le droit citoyen. Etre citoyen, c’est savoir comment ont été conquis ces droits-là et de vouloir les garder ; ce qui suppose aussi de faire que ces droits soient répartis le plus justement possible.

4. Nous sommes pour l’émancipation personnelle. C’est le but ultime du socialisme : permettre à chacun de réussir, en tout cas d’avoir les conditions, sa vie, de s’accomplir, de porter un projet humain pour lui-même et de le faire dans un cadre de projet collectif, parce que c’est un projet collectif que de réussir l’émancipation de chacun. Où se place la responsabilité personnelle ? Car il y a une responsabilité personnelle, il faut le dire. Oui, nous sommes responsables de notre vie, à la condition que l’on nous ait fourni tous les moyens pour l’être ! Mais il ne faut pas non plus faire porter sur l’individu le plus pauvre, le plus modeste, le plus récemment arrivé, toute la responsabilité, alors même que nous avons à lui donner les conditions de l’émancipation. De la même manière, il faut reconnaître la réussite ; il est bien que la réussite soit possible par l’effort, le travail, le talent, l’imagination. Je me surprends moi-même à évoquer cette idée. Au sein du Parti socialiste, il y en a beaucoup qui veulent réussir, même réussir à être élus ; mais s’ils veulent réussir à être élus, c’est, je l’espère, pour servir l’intérêt collectif et l’intérêt général ! Grande différence donc ! La grande différence, c’est le rapport à l’argent. On nous reproche d’ailleurs de ne pas aimer l’argent ! C’est à voir ! Nous n’avons pas la fascination de l’argent, nous n’avons pas toujours les moyens qui correspondent à nos espérances de train de vie… Encore que ! Nul n’est forcément jaloux du voisin, même de celui qui est au plus haut ! Nul n’a envie forcément de passer ses vacances ainsi ! Mais, l’argent a sa place dans notre société. Ce que nous demandons, c’est que l’argent ne soit pas lui-même un objet d’argent ; c’est que ce soit le travail, justement, qui soit récompensé, rémunéré ; que ce soit l’effort de chacun pour se former, se qualifier, s’éduquer pour, ensuite, par son travail, accéder aux biens matériels… Parce que nous ne vivons pas que de spirituel ! Il faut qu’il y ait de notre part la reconnaissance d’une société qui permette à tous de gagner davantage et à certains de pouvoir le faire au mieux. Dès lors qu’il y a un principe de redistribution, un système fiscal qui permettent d’assurer les fonctions collectives et la solidarité.

5. L’existence de l’universalité des droits. Nous portons des droits universels et, en même temps, nous ne sommes pas dans l’uniformité. C’est une distinction très importante à faire. L’égalité n’est pas l’uniformité. L’uniformité, c’est de donner l’apparence de l’égalité par le même uniforme pour cacher des distinctions de situations. L’universalité des droits suppose –et c’est un acquis du forum de la rénovation- suppose la personnalisation des politiques qui est bien plus que la différenciation : c’est le suivi personnel, l’accompagnement, partant de l’école jusqu’à, finalement, le dernier moment de sa vie… terrestre bien sûr puisque, maintenant, il faut faire cette distinction. Que le collectif s’incarne dans des personnes chargées justement de régler, d’ajuster ce qui est le droit même de l’individu.

Je donnerai donc trois exemples de l’illustration de ces cinq principes :

Le premier : l’Education

Nous disons qu’il faut qu’il y ait aujourd’hui une personnalisation. C’est la politique du soutien scolaire, de la réussite éducative que nous porterons aussi pour les élections municipales et cantonales.

Il ne s’agit pas simplement d’assurer l’école pour tous. Il s’agit d’assurer l’après-école, dans des conditions égales et non-marchandes. Il faudra davantage faire un soutien personnalisé dans des zones plus en difficulté que d’autres. Il faudra une modulation des conditions mêmes d’éducation en fonction des situations, des classes, des collèges. Il faudra qu’il ait pour l’enseignement supérieur un encadrement plus grand, une personnalisation plus forte pour l’université. Pourquoi ceci existerait pour les grandes écoles et pas pour l’université !

Cette « affaire » de la carte scolaire nous a, pendant un moment, préoccupé pour arriver, finalement, à une conclusion toute simple : il faut maintenir une carte scolaire. Elle est aujourd’hui supprimée. Et, en même temps, il faut la redéfinir, la redessiner et faire qu’il puisse y avoir une part de libre choix dans une zone couverte par la carte scolaire. Car la carte scolaire évite la ghettoïsation. Il faudra que l’on puisse fermer un certain nombre d’établissements –comme le dit le rapport- qui seraient en définitive ghettoïsés.

Nous ne devons pas occulter l’exigence de l’excellence. Nous sommes pour l’excellence. Mais l’excellence pour tous. Que chacun puisse accéder à l’excellence. Il faut être excellent dans la mondialisation, dans la compétition mondiale parce que c’est notre savoir qui nous permettra d’être les meilleurs sans pour autant avoir besoin de réduire nos droits sociaux ou nos salaires. Le principe d’un investissement majeur dans la Recherche, dans l’enseignement supérieur et dans l’école est, pour nous, un principe d’excellence, à la condition aussi que chacun puisse avoir les moyens d’y venir et ne pas gâcher une partie de son temps, de ses ressources dans des formations ou dans des filières sans débouché.

Le deuxième : le travail

Nous avons dit combien nous acceptions depuis toujours la souplesse et la sécurité, combien nous voulions un ordre public social où les droits soient définis et combien nous acceptions, combien nous revendiquions même, la démocratie sociale pour mettre en œuvre l’ordre public social, pour lui permettre d’avancer plus vite là où cela est possible, de donner des sources de progrès. De ce point de vue, n’ayons aucune crainte de la négociation, dès lors qu’il existe un ordre public social. Prenons l’exemple des 35 heures. Les 35 heures, durée légale de travail, n’ont jamais empêché les salariés, les entreprises de décider de travailler plus longtemps. C’étaient les heures supplémentaires qui permettaient de rémunérer, au-delà des 35 heures, le travail qui pouvait être proposé. 130 heures d’heures supplémentaires, c’était la situation en 2002. La droite l’a portée à 180, puis 220 et a ensuite considéré que l’on pouvait même déroger au 220 heures ; ils peuvent même aller jusqu’à 48 heures, c’est la norme européenne. Donc, s’il ne s’agit pas d’assouplir les 35 heures, il s’agit pour Nicolas Sarkozy de supprimer la durée légale du travail et de faire que, entreprise par entreprise, on négocie des durées conventionnelles ou contractuelles à partir desquelles le seuil de déclenchement des heures supplémentaires serait effectivement décidé.

Nous devons dire que la négociation est toujours possible sur la base de la durée légale de travail de 35 heures.

Le troisième : la morale

Dans une société démocratique, où le vivre ensemble est le principe fondateur, la morale a sa place. La morale au sens des références, du sens, des normes ; au sens aussi de la spiritualité, de l’élévation collective d’un peuple contre le matérialisme. Ce n’est pas parce que, pour certains d’entre nous, nous avons conscience que notre temps est limité, qu’il n’y a peut-être pas d’espérance au-delà, que nous ne voulons pas du meilleur des mondes ici-bas. C’est cela le fondement d’ailleurs de la morale républicaine dont la laïcité n’est qu’un principe parmi d’autres. Nous sommes pour une morale qui s’appelle la République et qui affirme le libre choix, la dignité, le respect, les droits, les devoirs, la liberté et l’égalité. C’est la morale républicaine. Et il n’est donc pas besoin de considérer qu’il n’y ait de morale que religieuse ! Que ce serait la religion qui fonderait les civilisations ! Cela a été dit en Arabie Saoudite ! Cela a d’ailleurs dû les surprendre, les étonner que l’on vienne leur dire qu’ils incarnaient un principe de civilisation ! Ils n’avaient sans doute pas lu Edgar Morin !

De la même manière que nous ne pouvons accepter que la religion soit la morale –même s’il est normal qu’au nom de la liberté de conscience, des hommes et des femmes aient cette espérance, nous ne pouvons pas accepter que la religion puisse jouer un rôle dans le lien social, parce que c’est aussi ce qui est dans le discours répété de Nicolas Sarkozy : nous avons besoin de croyants dit-il ; nous avons besoin de religieux : curé pasteur (nous ajoutons imam et rabbin depuis « l’amendement Hamon »). Mais, dans les banlieues, les femmes et les hommes qui y vivent n’ont pas besoin de plus de religion, mais d’une véritable politique d’égalité sociale. C’est cela que l’on attend de la République !

Il nous restera des débats à ouvrir, je pense notamment à tout ce qui a trait au financement des dépenses collectives. Est-ce que c’est la contribution publique, l’impôt, qui doit être la source de tous les services, de toutes les prestations sociales ou faudra-t-il envisager une participation des usagers ? Enseignement supérieur ou pour la santé où l’on voit bien là les problèmes de fond, de principe même, qui peuvent être posés. Jusqu’où doit aller l’impôt ? Jusqu’où doit aller la responsabilité personnelle ?

Nous ne pouvons pas esquiver ces questions. De la même manière, nous voyons bien que sur les questions de condition de ressources, dans la politique familiale, dans l’accès à la dépendance, jusqu’où allons-nous dans le caractère universel de la prestation ? Jusqu’où allons-nous dans la récupération sur les revenus et les patrimoines ? Il faudra aussi trancher ces questions-là.

Autre débat qu’il nous faudra ouvrir : comment organiser les services publics ? Les systèmes de protection sociale ? Qui doit les gérer ? Jusqu’où doit aller la responsabilité –on parlait des parents, des professions de santé, des usagers ? Jusqu’où doit aller la démocratie sanitaire, sociale, éducative ?

CONCLUSION

La question que nous venons d’aborder peut apparaître comme une question théorique, comme une question sociétale, sociale. Elle est en définitive au cœur même de la question économique.

Si nous savons nous-mêmes régler le rapport entre individu et solidarité, entre responsabilité personnelle, réussite personnelle et redistribution sociale, si nous savons bien moderniser nos services publics, les rendre plus efficaces, si nous avons donné à l’Education toute sa place, alors nous avons là non pas simplement une morale pour l’action, des références pour permettre l’acceptation de la concurrence mondiale ou de la mondialisation, nous avons là les fondements mêmes d’une stratégie économique.

Nicolas Sarkozy n’en a pas. Il découvre d’ailleurs qu’il ne lui suffit pas de parler pour obtenir des résultats. Il a dû le penser ! Il croyait qu’en disant, qu’en parlant, qu’en payant de mots, la société allait changer ! Les riches mieux aidés, mieux dotés par des cadeaux fiscaux allaient investir et consommer… comme lui ! Il pensait que les catégories populaires qui demandaient plus de pouvoir d’achat pourraient travailler davantage… sans avoir peut-être compris que ce sont les employeurs qui décident des heures de travail. Il pensait que les consommateurs, d’un seul coup, se rueraient dans les grandes surfaces et vivraient à crédit parce qu’il avait décidé que, pour les intérêts d’emprunt pour l’immobilier, cela pourrait s’arranger. Il pensait que par sa seule présence chez les marins pêcheurs : voyez combien ses références religieuses sont grandes – il croit à la multiplication des poissons et du pain !

Nous avons à porter cette stratégie économique puisqu’elle n’existe pas. On confie des rapports dont on ne sait pas très bien où ils vont finir. Remarquons tout de même le courage de ceux qui les font. Proposer l’ouverture de toutes les professions, lesquelles pour beaucoup votent pour la droite, c’est plutôt intéressant ! Proposer la suppression des départements à la veille d’élections cantonales, cocasses ! Proposer l’ouverture sans règle de toutes les grandes surfaces, les petits commerçants apprécieront !

Cette commande de rapport illustre aussi des contradictions qui sont au cœur même du pouvoir.

Il nous faut donc mettre de la cohérence. La stratégie économique est de permettre effectivement la réussite personnelle, de donner la responsabilité aux individus, mais de leur donner aussi les conditions de leur épanouissement : éducation, formation. Il faut donner aux entreprises non pas des cadeaux fiscaux, mais les conditions d’une meilleure recherche, d’un plus grand investissement et la capacité d’être les meilleures sur la scène internationale.

Sans dire que le Parti des entreprises, c’est le Parti socialiste, nous devons tout de même dire que le parti qui veut développer les entreprises, c’est le parti qui fait confiance à un équilibre entre la création, l’initiative et le cadre collectif pour organiser les rapports sociaux.

Nous ne sommes pas dans un débat académique ; nous sommes dans un débat politique de première importance, dans un débat économique qui n’est pas fini.

Nous avons une grande responsabilité au moment où le pouvoir que je mets ensemble, parce que voyez-vous, on voudrait nous faire croire que Nicolas Sarkozy ayant eu un léger « trou d’air », François Fillon serait devenu une figure de mode même ! Il serait à la mode ! Cela m’avait échappé ! En même temps, si la mode devient la discrétion, la soumission et l’anonymat et la disparition… Que François Fillon reste le plus longtemps possible à la mode !

Nous avons donc une grande responsabilité dans ce moment précis où des doutes s’installent, où des frustrations se font jour, d’être à la hauteur du défi qui nous est posé et non pas d’attendre les faveurs des sondages.

Il y a eu une grande espérance vers nous dans la campagne présidentielle qui n’a pas pu se traduire. Et une grande indulgence, au lendemain durant les élections législatives, pour nous accorder quand même 204 députés ; les Français, déjà, voulaient se protéger. Et maintenant que le pouvoir connaît des difficultés, que les Français souffrent de cette situation sociale, économique, de perte de repères, de perte de confiance.

Nous avons donc le devoir de porter une intelligence collective. Je pense qu’il n’y aura de réussite individuelle au sein du parti socialiste que dans la solidarité dans les valeurs collectives. Nous avons besoin nous aussi de talents, de personnes pour porter nos idées –sinon comment peuvent-elles voyager ? Mais il n’y aura rien de possible sans la force collective que nous représentons, respectueuse de chacun d’entre nous, respectueuse de nos différences, mais qui fait que la force collective est la condition de nos victoires futures.

Préparez ces victoires-là et nous aurons une réussite commune.


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