Die Linke en ordre de bataille

mardi 3 juin 2008.
 

Le nouveau parti de gauche s’est donné une feuille de route pour affronter une période riche en importantes échéances électorales

Les quelque 550 délégués du premier congrès de Die Linke ont adopté ce week-end à Cottbus une feuille de route destinée à confirmer les succès enregistrés lors des dernières élections régionales qui lui ont permis de franchir la barre sélective des 5 % dans 4 Liinder de l’ouest du pays et d’acquérir ainsi une dimension véritablement nationale. « Nous ne saurions nous reposer sur ces victoires. Il nous faut maintenant les confirmer et les amplifier », ont souligné à tour de rôle les principaux dirigeants du parti en pointant les prochaines échéances qui se profilent à la fin de l’année en Bavière, puis surtout en 2009 (élections européennes en juin et renouvellement du Bundestag en septembre).

Le parti issu de la fusion, il y a un an, du Linkspartei-PDS, de Lothar Bisky, et de l’Alternative électorale (W ASG), d’Oskar Lafontaine, compte désormais 73500 adhérents (+ 2500 par rapport à 2007). Comment renforcer encore sa dynamique ? Le congrès a adopté une motion directive plaidant pour « une autre politique » qui pointe les grandes lignes des batailles à développer. Il revendique immédiatement l’adoption d’un « programme d’investissement pour l’avenir »de 50 milliards d’euros par an, dirigé principalement vers la formation, la santé, l’environnement et le développement des services sociaux. Il décide de poursuivre la campagne entamée pour l’instauration d’un salaire minimum légal « de 8 euros de l’heure comme en France » et de lancer une vaste action contre la réforme des retraites qui envisage de porter l’âge légal de départ à 67 ans et a d’ores et déjà provoqué« l’apparition massive de la pauvreté parmi les seniors ».

Sans surprise les délégués ont réélu quasiment à l’identique leurs organismes de direction sortants, composés presque pour moitié de membres des deux ex-partis. En fonction du même principe, Lothar Bisky (83,3 % des voix) et Oskar Lafontaine (78 %) ont été reconduits à la présidence bicéphale de la formation. Ils se sont employés à surmonter les craintes apparues dans les rangs du parti ces derniers mois, provoquées en particulier par l’absence persistante de programme, les conditions d’une éventuelle participation gouvernementale ou encore le poids pris dans le parti par l’ex-président du SPD, jugé exorbitant par certains militants.

Dans un discours très combatif, Oskar Lafontaine a renvoyé les reproches sur l’absence de substance du parti en brandissant devant la salle le dépliant du programme en 100 points élaboré par le groupe parlementaire de Die Linke au Bundestag.

Parmi les axes de bataille qu’il a énumérés, il s’est longuement attardé sur la crise financière. « Qui entend présenter un projet politique de gauche moderne doit se confronter à cette question car elle est décisive aujourd’hui », a-t-il lancé en avançant une douzaine de propositions de « régulation des marchés financiers ». Parmi lesquelles l’interdiction des hedge fonds (fonds hautement spéculatifs), la réintroduction du contrôle des flux de capitaux, la mise en place d’une taxe de type Tobin ou encore la taxation des reve¬nus boursiers « comme cela se pratique, justifie-t-il, dans d’autres pays européens ».

Malgré ses talents de tribun, Lafontaine n’est pas parvenu a emporter complètement la conviction des délégués. Au soir du congrès plusieurs controverses restent sous¬jacentes. Ainsi Wolgang, venu de Thuringe, déplore des orientations générales en forme de « plus petit dénominateur commun » sur des politiques redistributives « qui portent, dit-il, la marque de la social-démocratie traditionnelle (celle du SPD de jadis avant les dérives néolibérales impulsées par Gerhard Schroder NDLR) ». Ce qui, à ses yeux, n’est« pas suffisant pour affronter les défis du dépassement du capitalisme financiarisé en crise ». Sur le même thème mais dans un sens diamétralement opposé, d’autres critiques, venues, elles, de l’aile droite du parti rassemblée dans un « forum du socialisme démocratique », reprochent le manque de pragmatisme de mesures qui seraient « difficilement finançables ».

« Les différences d’approche sont une force du parti », avait indiqué Lothar Bisky dans son allocution. Tout en prévenant toutefois que la nécessaire confrontation d’idées ne devait paS se muer « en combat de tranchée entre différents courants idéologiques ». C’est sans doute aussi là une condition essentielle pour que le parti multicolore puisse se mettre complètement en ordre de bataille.

Bruno Oden

Article l’Humanité du 27 mai 2008


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