10 questions sur l’économie : 1 le capitalisme est-il devenu sans foi ni loi, comme l’a déclaré le Président de la République ?

dimanche 18 mai 2008.
 

C’est, en tout cas, un excellent sujet d’examen. Pour le traiter, permettez-moi de citer le théorème, prononcé le 3 novembre 1974 par le chancelier social-démocrate allemand de l’époque, Helmut Schmidt : « Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain ». On reproche souvent à la France de ne pas être moderne, pour ne pas s’inspirer des exemples étrangers et particulièrement de l’exemple allemand.

Eh bien, nos auditeurs le savent-ils ? Au cours du quart de siècle passé, la France est le pays qui a tenté d’appliquer à la lettre le théorème Schmidt. Elle est, de tous les pays développés, celui où la déformation du partage des revenus en faveur des profits a été la plus importante. La part des profits dans la valeur ajoutée était de 25% en 1983. Elle est aujourd’hui de 35%.

Consacrent-elles ces profits à l’investissement, comme le prédisait le théorème Schmidt ?

Les entreprises du CAC 40 n’en consacrent qu’une petite partie, insuffisante pour redresser notre courbe des taux d’investissement, orientée à la baisse depuis vingt ans, si bien que la France se désindustrialise.

En 1970, 26% des bénéfices étaient versés aux actionnaires sous forme de dividendes. Les actionnaires reçoivent aujourd’hui 65% des profits.

Vous me direz que ces sommes ne sont pas perdues pour la croissance puisqu’elles alimentent la consommation des détenteurs de titres. Ceci explique que la croissance française est presqu’exclusivement tirée par la consommation des classes aisées, qui sont aussi celles qui peuvent épargner.

Mais ceci est bien insuffisant pour aller chercher le point de croissance qui nous manque, même avec les dents, car les ménages à hauts revenus sont aussi ceux dont la propension à consommer est la plus faible. Lorsque vous gagnez plus de 20 fois le SMIC, vous consommez tout au plus la moitié de votre revenu, sauf si vous collectionnez les belles italiennes (les voitures de sport, bien entendu...). Le reste est consacré aux placements boursiers et à la spéculation immobilière.

Les profits d’hier n’ont donc pas été les investissements d’aujourd’hui ?

Pas assez ! Nos entreprises perdent donc en compétitivité. Le commerce extérieur est dans le rouge.

De plus, les profits des uns ont pour corollaire la baisse du pouvoir d’achat de la majorité des salariés. Les écologistes ne le savent pas, mais nous sommes déjà en décroissance. Comme ils peuvent l’observer, même en décroissance, l’économie n’est pas forcément moins polluante. Son développement, loin d’être durable, est en tout cas tributaire de la consommation des classes riches, dont la propension à rouler en 4×4 dans l’Ouest parisien est immodérée...

Le dicton du jour : Il est de l’économiste Keynes, qui écrivait en 1936 : « Les deux vices marquants du monde dans lequel nous vivons sont que le plein-emploi n’est pas assuré et que la répartition des revenus manque d’équité. »

Série de questions à Lîem Hoang-Ngoc sur France Inter, chez Patricia Martin


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