Réconcilier la grande question républicaine et la grande question sociale (intervention de Marie Noelle Lienemann au Congrès du Mans)

mardi 3 avril 2018.
 

Chers Amis, Chers Camarades, misère dans les banlieues, délocalisations, difficultés pour chacun de boucler sa fin de mois, notre pays connaît une double crise : une crise républicaine, le pacte républicain est menacé. Une crise sociale : les inégalités explosent, la précarité devient la règle.

Mais ces crises n’en font qu’une, c’est la même raison qui justifie ce démantèlement de ce que nous avons gagné, nous, la gauche, nous, le mouvement socialiste, par les urnes et par les luttes et de ce que nos aînés du siècle des Lumières ont gagné comme valeurs et comme progrès. La même cause de cette grande crise, c’est le libéralisme, la politique de la droite, les concessions tous les jours plus grandes à ce capitalisme financier et destructeur.

Alors oui, chers camarades, nous devons relever le défi de proposer un projet pour la France qui réconcilie la grande question républicaine et la grande question sociale, car notre peuple ne se résigne pas. Non, notre peuple n’accepte pas ces dérives. Il est mécontent, il exprime régulièrement son désaccord avec ces choix stratégiques. Mais notre peuple doute, note peuple hésite, il peut se laisser égarer, parce que la fatalité n’est jamais bonne conseillère.

Et là est la grande mission de la gauche : redonner de l’espérance, redonner de la force à la France populaire, savoir résister, savoir proposer, savoir rassembler. Oui, savoir résister ; il n’est pas acceptable qu’insidieusement, dans les esprits s’installe l’idée du déclin inéluctable du modèle républicain. Il n’est pas acceptable que s’insinue insidieusement dans les idées que la compétitivité de notre pays aurait comme seule condition le recul social généralisé.

Nous devons être la gauche de la résistance, mais nous sommes aussi et d’abord la gauche de la proposition, celle qui est capable de montrer qu’une autre voie est possible et que cette voie ouvre à nouveau des espaces de progrès, d’espérance et de volonté.

Nous devons être la gauche du rassemblement car tout, dans la société, détricote les liens collectifs, met en opposition les personnes, met en compétition les individus pour que chacun soit renvoyé à son sort difficile, à sa peur du lendemain, à la crainte de l’autre et à la menace de l’avenir.

Nous devons être le parti du rassemblement, le parti de l’espérance, le parti de la résistance et de la proposition. Mais d’abord le parti de la République, car cette République est menacée aujourd’hui par la droite dans notre pays qui la présente à la jeunesse que comme porteur de l’ordre républicain quand il consolide l’ordre établi, et jamais comme porteur de l’ordre républicain quand il apporte l’émancipation de la personne humaine.

La République, c’est l’universalité des droits de la personne humaine. Il n’est pas acceptable que dans la France, terre des droits de l’Homme au XXIe un logement digne et décent ne soit pas garanti à tous. Nous avons les moyens de regagner ce beau défi. Après avoir garantit le droit à la sécurité sociale, après avoir garantit le droit à la liberté d’expression et les droits de l’Homme, le temps est venu des grands droits sociaux, et en particulier, du droit au logement.

Mais rien ne sera possible, chers camarades, sans une profonde redistribution sociale, sans un Etat fort qui est garant de ces droits, un Etat qui se donne les moyens d’agir, un Etat qui impose la loi à ceux qui sont rétifs. Les 20% de logements sociaux sont un minimum qui doit être garanti partout. Et la seule façon d’être efficace, c’est à dire : « les communes qui ne feront pas ces logements, non seulement devront payer plus cher, non seulement le Préfet devra octroyer des permis de construire pour ces logements sociaux, mais ces communes perdront leurs subventions si elles ne font pas leur devoir », car croyez-moi, quand on touche au porte-monnaie de façon irrémédiable et forte, cela a quand même toujours un certain impact.

Un Etat fort parce que l’Etat ne peut pas être simplement fort et exigeant pour faire respecter la loi républicaine contre la délinquance, et il le doit. Mais il doit être aussi fort et exigeant pour que chacun prenne sa part de solidarité nationale et garantisse l’égalité des droits. Nous avons besoin d’un Etat fort pour une République convaincante, en particulier avec des services publics puissants. Il n’est pas acceptable et nous ne laisserions pas démanteler les services publics de ce pays, non seulement nous ne les laisserions pas démanteler, mais nous devons aussi montrer qu’il y a une réversibilité à la casse sociale et à la cause républicaine qu’ils sont en train d’organiser.

La question de l’abrogation n’est pas simplement une question théorique et rhétorique, c’est une question qui répond aux doutes des français. Peut-on arrêter le rouleau compresseur ? Peut-on éviter l’inéluctable dérive de notre société ? Et l’abrogation, cela veut dire qu’il y a une réversibilité et il y a un chemin nouveau. C’est pourquoi notre proposition de dire : « s’ils ont ouvert le capital d’EDF, nous reviendrons à 100% public » est déterminante pour crédibiliser de nouveaux services publics.

Résister et proposer. Il faudra moderniser nos services publics, les rendre plus démocratiques, plus proches de chacun, mais l’un et l’autre sont intimement liés.

Notre République, je l’ai dit, c’est un Etat fort, mais c’est aussi un Etat protecteur, un Etat qui n’accepte pas que la protection sociale soit minée au jour le jour. Ils nous ont dit tant de fois que les retraites devraient être par capitalisation, que c’était la garantie de leur pérennité, qu’elles coûtaient trop cher, l’exemple des autres pays montre que les fonds de pension ne permettent pas de garantir un niveau correct de retraites et ils connaissent de vives difficultés financières équivalentes au système de répartition, lui plus juste. La droite n’a rien résolu avec la loi Fillon sur le système de financement des retraites, mais elle a ouvert la brèche d’un démantèlement grave de notre système de retraite, et déjà Balladur l’avait fait. Nous aurions du abroger ces mesures.

Regardez, à nouveau, tous les jours, des retraités pauvres découvrent avec stupéfaction que, comme on a calculé leur retraite sur les 25 dernières années, ils se retrouvent à la portion congrue. La misère de nos aînés rencontre les difficultés de notre jeunesse. Et c’est là-dessus que je veux conclure.

Nous sommes républicains et sociaux parce que nous pensons qu’il n’y a pas d’opposition à organiser entre le jeune d’origine immigrée et le jeune qui est de couleur blanche. Nous sommes républicains et sociaux car nous pensons que combattre l’habitat insalubre pour les petits enfants noirs dans certaines de nos villes, et permettre l’accession sociale à la propriété du SMICard, c’est le même combat. C’est le combat pour le progrès collectif, et comme l’a toujours dit Jean Jaurès, la genèse du socialisme, c’est la république jusqu’au bout, c’est la République sociale et cela, chers camarades, peut nous rassembler pour une gauche debout et une gauche populaire.


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