Banque mondiale : une institution antidémocratique au service du grand capital

samedi 30 décembre 2023.
 

A) La Banque mondiale : baratin et réalité

La décision de créer la Banque mondiale a été prise à Bretton Woods le 22 juillet 1944 pour voir le jour le 27 décembre 1945.

Elle comprend aujourd’hui cinq institutions :

- Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), seule composante en 1944

- Association internationale de développement (AID), dont les prêts sont réservés aux pays les moins développés,

- Société financière internationale (SFI), pour financer les prêts et les investissements réalisés par les entreprises dans les pays "à risque"

- Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI)

- Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI), fondée en 1988, pour la sécurisation des prêts.

Institution spécialisée de l’ONU, elle prétend intervenir financièrement en faveur de la croissance économique sur des critères seulement économiques.

“ La Banque et ses responsables n’interféreront pas dans les affaires politiques d’un quelconque membre et il leur est interdit de se laisser influencer dans leurs décisions par le caractère politique du membre ou des membres concernés. Seules des considérations économiques peuvent influer sur leurs décisions et ces considérations seront soupesées sans parti pris, en vue d’atteindre les objectifs (fixés par la Banque) stipulés dans l’art. I ”. (Article IV, section 10)

En fait, cette prétendue Banque mondiale constitue une véritable arme sophistiquée au service du capitalisme financier transnational et des USA.

B) La Banque mondiale arme sophistiquée au service du capital financier, des multinationales et des USA

Ainsi, en 1944 1947, elle refuse toute aide à la France qui met en place la Sécurité sociale et les retraites par répartition. Le 5 mai 1947, les quatre ministres communistes sont exclus du gouvernement qui, dès lors, fait profession de soumission à Washington. Le 9 mai 1947, la Banque mondiale octroie à la France le plus gros prêt qu’elle ait jamais consenti.

Le même type de pression se note dans le Brésil des années 1958 à 1964. En 1956, le modéré Kubitschek est élu président de la république sur le mot d’ordre "50 ans de progrès en 5 ans". Il entre en négociation avec le FMI afin de recevoir un prêt de 300 millions de dollars. Vu les conditions imposées par le FMI et la Banque mondiale, il se passe du prêt que les USA lui "accordent" ; il finira assassiné. Son successeur (1961), João Goulart, est mal vu par les entreprises américaines pour avoir fait doubler le salaire minimum dans le Rio Grande do Sul en 1946 ; sitôt en fonction, le gouvernement US, les espions US, les institutions au service des USA comme la Banque mondiale font tout pour le faire battre électoralement (soutien financier massif à la droite lors des municipales de 1962), le déstabiliser et le renverser. Lorsque Goulart commence à parler de réforme agraire et de nationalisation des raffineries de pétrole, le gouvernement de Washington s’acoquine avec les généraux brésiliens pour le renverser. Le lendemain du coup d’état militaire réussi, les USA reconnaissent leur gouvernement totalitaire ; quant à la Banque mondiale et au FMI, ils reprennent aussitôt leurs prêts.

En juillet 2005, Rafael Correa, ministre de l’Économie, veut réformer l’utilisation des ressources pétrolières dont une partie, au lieu de servir au remboursement de la dette, devrait servir aux dépenses sociales, notamment pour les populations indiennes. En représailles, la Banque mondiale bloque un prêt de 100 millions de dollars et les pressions de Washington contraignent Correa à démissionner.

C) Banque mondiale et dictatures

La Banque mondiale a surtout servi à épauler financièrement des régimes totalitaires installés par les USA pour plier les salariés et les peuples aux intérêts de leurs grandes entreprises et du dollar

Parmi les grands pays concernés, nous venons de voir le cas du Brésil.

Nous pourrions citer tout autant :

- l’Indonésie de Soeharto (1965 à 1988)

- le Zaïre de Mobutu (1965 à 1997)

- les Philippines sous Marcos,

- le Nicaragua du dictateur Somoza,

- l’Afrique du Sud de l’Apartheid

- la Thaïlande

- le Chili de Pinochet

- l’Argentine de Videla ...

Ni l’énorme corruption de ces Etats qui fait passer les prêts dans les poches des pions de Washington, ni les mesures fascistes qu’ils prennent ne troublent la Banque mondiale qui continue à les féliciter et les financer.

D) La Banque mondiale sert le capitalisme financier, les intérêts géostratégiques des USA (et de leurs alliés)

Source : Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde

* pendant la Guerre froide, la Banque mondiale a utilisé l’endettement dans un but géopolitique et systématiquement soutenu les alliés du bloc occidental, notamment des régimes dictatoriaux (Pinochet au Chili, Mobutu au Zaïre, Suharto en Indonésie, Videla en Argentine, régime d’apartheid en Afrique du Sud, etc.) qui ont violé les droits humains et détourné des sommes considérables, et elle continue de soutenir des régimes de même nature (Déby au Tchad, Sassou Nguesso au Congo, Biya au Cameroun, Musharraf au Pakistan etc.) ;

* au virage des années 1960, la Banque mondiale a transféré à plusieurs pays africains nouvellement indépendants (Mauritanie, Congo-Kinshasa, Nigeria, Kenya, Zambie, etc.) les dettes contractées par leur ancienne métropole pour les coloniser, en totale contradiction avec le droit international ;

* une très grande quantité des prêts octroyés par la Banque mondiale a servi à mener des politiques qui ont provoqué des dégâts sociaux et environnementaux considérables, dans le but de faciliter l’accès à moindre coût aux richesses naturelles du Sud ;

* après la crise de la dette de 1982, la Banque mondiale a soutenu les politiques d’ajustement structurel promues par les grandes puissances et le FMI, conduisant à une réduction drastique des budgets sociaux, la suppression des subventions aux produits de base, des privatisations massives, une fiscalité qui aggrave les inégalités, une libéralisation forcenée de l’économie et une mise en concurrence déloyale des producteurs locaux avec les grandes multinationales, mesures qui ont gravement détérioré les conditions de vie des populations et vont dans le sens d’une véritable colonisation économique ;

* la Banque mondiale a mené une politique qui reproduit la pauvreté et l’exclusion au lieu de la combattre, et les pays qui ont appliqué à la lettre ses prétendus « remèdes » se sont enfoncés dans la misère ; en Afrique, le nombre de personnes devant survivre avec moins de 1$ par jour a doublé depuis 1981, plus de 200 millions de personnes souffrent de la faim et pour 20 pays africains, l’espérance de vie est passée sous la barre des 45 ans ;

* malgré les annonces tonitruantes, le problème de la dette des pays du tiers-monde reste entier car les remises de dette de la part de la Banque mondiale sont réservées à un petit nombre de pays dociles ; au lieu de représenter la fin d’une domination implacable, l’allégement de dette n’est qu’un rideau de fumée qui dissimule en contrepartie des réformes économiques draconiennes, dans la droite ligne de l’ajustement structurel.

E) Les politiques de la Banque mondiale

Eric Toussaint, président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde de Belgique et docteur en sciences politiques, les analyse ainsi :

Les choix de la Banque et de son jumeau, le FMI, de 1947 jusqu’à l’effondrement du bloc soviétique (1991), sont largement déterminés par les critères suivants :

• éviter le maintien de modèles autocentrés ;

• soutenir financièrement de grands projets (Banque mondiale) ou des politiques (FMI) qui permettent d’augmenter les exportations des principaux pays industrialisés ;

• refuser d’aider des régimes considérés comme des menaces par le gouvernement des Etats-Unis et d’autres actionnaires importants ;

• tenter de modifier la politique de certains gouvernements des pays dits socialistes afin d’affaiblir la cohésion du bloc soviétique. C’est dans ce cadre qu’un soutien a été apporté à la Yougoslavie qui s’est retirée du bloc dominé par Moscou à partir de 1948 ou à la Roumanie à partir des années 1970 au moment où Ceausescu exprimait des velléités d’éloignement à l’égard du Comecon et du Pacte de Varsovie ;

• soutenir des alliés stratégiques du bloc capitaliste occidental, des États-Unis en particulier (exemples : l’Indonésie de 1965 à aujourd’hui, le Zaïre de Mobutu de 1965 à 1997, les Philippines sous Marcos, le Brésil de la dictature à partir de 1964, le Nicaragua du dictateur Somoza, l’Afrique du Sud de l’Apartheid) ;

• tenter d’éviter ou de limiter, autant que faire se peut, un rapprochement des gouvernements des PED avec le bloc soviétique ou la Chine : essayer par exemple d’éloigner l’Inde et l’Indonésie du temps de Soekarno de l’URSS ;

• tenter, à partir de 1980, d’intégrer la Chine dans le jeu d’alliances des États-Unis.

Plus généralement, et ceci concerne la France de François Hollande :

Pour mener cette politique, la Banque mondiale et le FMI appliquent une tactique généralisée : ils sont plus souples à l’égard d’un gouvernement de droite (moins exigeants en termes d’austérité antipopulaire) s’il est confronté à une forte opposition de gauche qu’à l’égard d’un gouvernement de gauche confronté à une forte opposition de droite. Concrètement, cela signifie que ces institutions vont mener la vie dure à un gouvernement de gauche confronté à une opposition de droite de manière à l’affaiblir et à favoriser l’accession de la droite au pouvoir. Selon la même logique, elles seront moins exigeantes à l’égard d’un gouvernement de droite confronté à une opposition de gauche afin d’éviter de l’affaiblir et d’empêcher la gauche d’accéder au pouvoir. L’orthodoxie monétariste est à géométrie variable : les variations dépendent bien de facteurs politiques et géostratégiques.

Le FMI et la Banque mondiale n’hésitent pas à appuyer des dictatures quand ils (et d’autres grandes puissances capitalistes) le trouvent opportun. Les auteurs du Rapport mondial sur le développement humain réalisé par le PNUD (édition 1994) l’écrivent noir sur blanc : “ De fait, l’aide versée par les États-Unis pendant les années 1980 est inversement proportionnelle au respect des droits de l’homme. Les donateurs multilatéraux ne semblent pas non plus encombrés de telles considérations. Ils semblent en effet préférer les régimes autoritaires, considérant sans ciller que ces régimes favorisent la stabilité politique et sont mieux à même de gérer l’économie. Lorsque le Bangladesh et les Philippines ont mis fin à la loi martiale, leur part respective dans l’ensemble des prêts de la Banque mondiale a diminué ”

E) Banque mondiale : l’heure de rendre des comptes (par ATTAC)

Elle doit rendre des comptes sur de nombreux points dont voici une liste non exhaustive :

- pendant la guerre froide, la Banque mondiale a utilisé l’endettement dans un but géopolitique et systématiquement soutenu les alliés du bloc occidental, notamment des régimes dictatoriaux (Pinochet au Chili, Mobutu au Zaïre, Suharto en Indonésie, Videla en Argentine, régime d’apartheid en Afrique du Sud, etc.) qui ont violé les droits humains et détourné des sommes considérables, et elle continue de soutenir des régimes de même nature (Déby au Tchad, Sassou Nguesso au Congo, Biya au Cameroun, Musharraf au Pakistan, etc.) ;

- au virage des années 1960, la Banque mondiale a transféré à plusieurs pays africains nouvellement indépendants (Mauritanie, Gabon, Algérie, Congo-Kinshasa, Nigeria, Kenya, Zambie, etc.) les dettes contractées par leur ancienne métropole pour les coloniser, en totale contradiction avec le droit international ;

- une très grande quantité des prêts octroyés par la Banque mondiale a servi à mener des politiques qui ont provoqué des dégâts sociaux et environnementaux considérables (grands barrages souvent inefficaces, industries extractives comme des mines à ciel ouvert et des oléoducs, agriculture d’exportation et abandon de la souveraineté alimentaire, etc.), dans le but faciliter l’accès à moindre coût aux richesses naturelles du Sud ;

- après la crise de la dette de 1982, la Banque mondiale a soutenu les politiques d’ajustement structurel promues par les grandes puissances et le FMI, conduisant à une réduction drastique des budgets sociaux, la suppression des subventions aux produits de base, des privatisations massives, une fiscalité qui aggrave les inégalités, une libéralisation forcenée de l’économie et une mise en concurrence déloyale des producteurs locaux avec les grandes multinationales, mesures qui ont gravement détérioré les conditions de vie des populations et vont dans le sens d’une véritable colonisation économique ;

- la Banque mondiale a mené une politique qui reproduit la pauvreté et l’exclusion au lieu de la combattre, et les pays qui ont appliqué à la lettre ses prétendus remèdes se sont enfoncés dans la misère ; en Afrique, le nombre de personnes devant survivre avec moins de 1$ par jour a doublé depuis 1981, plus de 200 millions de personnes souffrent de la faim et pour 20 pays africains, l’espérance de vie est passée sous la barre des 45 ans ;

- malgré les annonces tonitruantes, le problème de la dette des pays du tiers-monde reste entier car loin d’une annulation totale, la Banque mondiale se contente d’écrémer la partie supérieure de la dette de quelques pays dociles sans toucher au mécanisme lui-même ; au lieu de représenter la fin d’une domination implacable, l’allégement de dette n’est qu’un rideau de fumée qui dissimule en contrepartie des réformes économiques draconiennes, dans la droite ligne de l’ajustement structurel.

Nous ne pouvons tirer qu’une conclusion : la banque mondiale doit disparaître le plus rapidement possible.

Jacques Serieys


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