Au sein de la constellation fasciste européenne, l’Union nationale norvégienne de Vidkun Quisling représente une organisation nazie au recrutement essentiellement bourgeois aisé. La Shoah fut appliquée dans ce pays avec une dureté particulière.
17 mai 1933 Fondation de l’Union nationale norvégienne de Vidkun Quisling
25 septembre 1940 Installation au pouvoir du gouvernement collaborateur Quisling dans la Norvège occupée par les nazis
La vie de ce dirigeant historique du fascisme norvégien croise (comme pour Mussolini, Hitler...) le conservatisme de droite, le patronat, la religion, l’armée et les intérêts mondiaux de l’impérialisme :
fils d’un pasteur puis prévôt (dignitaire de l’Eglise luthérienne), petit-fils d’armateur par sa mère
entré major à l’Académie militaire de Norvège, excellemment noté, aspirant en 1911, capitaine en 1918
attaché militaire à Petrograd en 1918 et 1919, marié à une russe, parlant cette langue, il devient logiquement spécialiste des affaires russes dans l’armée norvégienne
agent de renseignement en Finlande de 1919 à 1921
responsable de la Croix Rouge pour l’aide "humanitaire" apportée en URSS, particulièrement aux opposants, sous la responsabilité de Nansen, autre futur dirigeant norvégien d’extrême droite. Acteur du Haut Commissariat aux réfugiés de la Société des Nations pour les réfugiés russes blancs dans les Balkans.
à partir de 1927, il rejoint Moscou comme diplomate britannique pour les affaires russes (secrétaire de la légation, le Royaume-Uni ayant rompu ses relations diplomatiques avec l’URSS). Fait commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique pour services rendus à la Grande-Bretagne.
Le Fedrelandslaget (« Ligue de la Patrie »), fondé en janvier 1925 représente la première organisation d’extrême droite importante dans ce pays. Ses initiateurs sont des hommes d’affaires : l’industriel Joakim Lehmkuhl, l’ex premier ministre de droite et grand patron spécialisé dans le transport maritime Peter Christian Michelsen.
Le dirigeant le plus populaire se nomme Fridtjof Nansen, recordman du monde de patinage sur la distance d’un mile, onze fois champion national de ski de fond, grand as du patinage sur glace, auteur de la première traversée de l’intérieur du Groenland en 1888 puis d’une expédition au pôle Nord. Personnage central avec Michelsen de l’indépendance acquise en 1905 puis ambassadeur à Londres. Président de la Ligue norvégienne de la Société des Nations en 1919, un des trois délégués de la SDN en 1920. Haut-commissaire pour les réfugiés au sein de la même SDN, il prend en charge principalement le sort d’environ deux millions de réfugiés russes suite aux bouleversements de la Révolution et de la guerre civile ; il embauche Vidkun Quisling comme son principal adjoint. Prix Nobel de la paix en 1922.
Durant l’année 1924, plusieurs grands patrons norvégiens travaillent à la création d’une organisation pour affronter le Parti du Travail né du mouvement ouvrier. Ils convainquent Nansen d’apporter sa popularité personnelle au projet. Il recrute son ami Quisling avant de décéder en 1930, bénéficiant de funérailles d’Etat décidées par le roi Haakon.
A l’occasion de ce décès, Quisling débute sa carrière politique par un hommage au défunt sur une orientation marquée par un racisme radical, l’appel à la guerre contre le bolchévisme, la volonté d’éliminer les syndicalistes ouvriers considérés comme une "dépravation étrangère" au service de "l’insurrection communiste". Il lance un club anti-ouvrier et anticommuniste réunissant des hommes d’affaires et des officiers.
En 1931, il fonde le « Soulèvement populaire nordique en Norvège » dont il est le seul membre du Comité exécutif, le seul fører. Le 12 mai de la même année, il se voit appelé au gouvernement comme ministre de la défense du gouvernement de droite de Peter Kolstad grâce à l’appui de patrons de presse importants. Sa première décision consiste à envoyer l’armée mater la grève des ouvriers des usines hydroélectriques nationales, en particulier à Menstad.
Début 1933, Quisling démissionne du gouvernement et revient dans l’arène politique sur un programme de droite radical : interdiction des partis ouvriers et anticapitalistes, suspension du droit de vote aux assistés sociaux...
Le 17 mai 33, il fonde le Nasjonal Samling (NS) ou Parti d’Union Nationale avec ses amis Hjort, Hamsun, Hvoslef et Prytz. Son organisation est globalement claquée sur le parti nazi allemand :
une "Organisation Nationale" (Riksorganisasjon)
une milice paramilitaire jouant la fonction des SA et SS (la Nasjonal Samlings Kamporganisasjon)
une Jeunesse hitlérienne à la mode norvégienne (Nasjonal Samlings Ungdoms-Fylking – NSUF)
une association pour jeunes filles (Nasjonal Samlings Kvinneorganisasjon) identique au BDM nazi (Bund Deutscher Mädel, Ligue des Jeunes Filles Allemandes, mouvement allemand pour les jeunes filles de 14 à 18 ans)
la Croix de Saint Olaf comme symbole jouant le rôle de la Croix gammée allemande. Ce symbole fait référence à l’ancien drapeau normand à croix jaune sur fond rouge, au roi médiéval Olaf II de Norvège ainsi qu’à l’Ordre de chevalerie de Saint Olaf
le salut hitlérien...
Par son racisme, son nationalisme et son anticommunisme radical, ce parti est déjà proche du parti nazi. Principale différence : le Nasjonal Samling a un recrutement plus nettement ancré parmi les riches.
En 1934, le Nasjonal Samling euphorique tisse de plus en plus de liens avec la mouvance européenne, participe à la conférence de Montreux, radicalise son antisémitisme.
L’organisation connaît un développement rapide, atteignant bientôt 55000 adhérents. Cependant, elle échoue électoralement, ce qui entraîne à partir de 1937 un affaiblissement de l’organisation (plus que 10000 membres).
Le Fedrelandslaget (« Ligue de la Patrie », voir en partie 2) en profite pour retrouver son rôle dominant à l’extrême droite. Le Nasjonal Samling se rapproche des autres partis européens d’extrême droite.
En mars 1939, Quisling rencontre les nazis allemands pour leur communiquer des renseignements militaires sur la Norvège.
En avril 1939, le Royaume-Uni et la France lancent une opération militaire en Norvège (Narvik) pour "couper la route du fer" vitale pour l’Allemagne.
Le 9 avril 1940, Les armées à croix gammée commencent à occuper la Norvège. Le gouvernement quitte la capitale.
Quisling réalise un coup d’état, se proclame premier ministre, annule l’ordre de mobilisation contre l’invasion nazie, est reconnu par Hitler dans la journée.
Les dirigeants allemands oscillent très tôt entre essai de former un gouvernement plus large et appui sur les nazis de Quisling qui assurent une grosse partie de leurs tâches dans le pays :
recrutement norvégien pour la division Nordland de la Waffen SS
répression dure des communistes et syndicalistes. Les animateurs d’une grève sur OSLO sont condamnés à mort et exécutés.
rétablissement de la Stat politict (police politique) pour seconder la gestapo.
A la fin de cette année, le Nasjonal Samling compte dix ministres sur 13 dans le gouvernement dont le vrai premier ministre, Vidkun Quisling. Son programme s’articule autour d’un refus des "principes destructeurs de la Révolution française".
En février 1942, Quisling se voit reconnu officiellement comme "ministre président" du Gouvernement national. Le Nasjonal Samling devient parti unique de Norvège le 12 mars. En réalité, le commissaire du Reich reste le principal dirigeant du pays ; 60% des richesses produites rejoint l’Allemagne.
La Résistance passive antifasciste se développe. L’adhésion de masse aux Jeunesses du Parti est un échec, la création d’une milice opposée aux Allemands assez difficile.
Les forces de police norvégienne, le HIRD (branche paramilitaire du Nasjonal Samling) et l’armée allemande réalisent une réquisition des biens juifs et des arrestations massives suivies d’un départ vers les camps de concentration.
La libération de la Norvège ne commencera qu’après le 8 mai 1945, ce qui prouve une faiblesse évidente de la résistance nationale.
Jacques Serieys
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