Droite classique et fascisme pétainiste

jeudi 9 juillet 2020.
 

Le régime de Vichy naît de la défaite militaire de la France en 1940 mais aussi de la poussée fasciste qu’a connu le pays durant les années 1930.

Nous pouvons distinguer trois grandes périodes :

- le pétainisme triomphant des années 1940 à 1942

- le pétainisme bousculé des années 1942 à 1944

- le pétainisme en déroute des années 1944 à 1945

Dans les années 1930 et jusqu’en 1945, les pays européens subissent une déferlante de forces fascistes diverses bien caractérisées par les historiens sous le concept de "constellation fasciste".

Dans notre texte sur le fascisme (déjà lu par plus de 250 000 internautes), nous avons analysé quelques variantes complémentaires au sein de cette constellation : fascisme populiste, fascisme patronal, fascisme militaire, fascisme royaliste, fascisme clérical et traditionaliste, fascisme conjoncturel de droite classique.

Fascisme de 1918 à 1945 : causes, caractéristiques, réalité par pays, définition

Le fascisme français des années 1940 à 1945 évolue sans cesse en donnant plus ou moins de place à chacune de ces mouvances du fascisme. Dans l’article ci-dessous, nous abordons seulement le rapport entre droite classique et pétainisme.

A) Dans les années 1930, la porosité entre droite classique, patronat et fascisme est déjà considérable

Nous avons déjà mis en ligne plusieurs articles sur ce sujet et y renvoyons nos lecteurs.

Le patronat français, allié de la Cagoule, organisation fasciste et terroriste

Le 6 février 1934, la droite parlementaire fait traîner les débats en longueur pendant que les différents groupes fascistes marchent sur l’Assemblée.

Du 6 au 12 février 1934, la France ouvrière et républicaine stoppe le fascisme

La ligne éditoriale des journaux de droite connaît un glissement de plus en plus net vers les thèmes d’extrême droite, en particulier violence anti-ouvrière, antisémitisme, soutien aux franquistes, antiparlementarisme. Ainsi, Gringoire par exemple se radicalise de la droite vers l’extrême droite.

De nombreux élus importants passent de façon aussi rapide et naturelle du "libéralisme" à l’extrême droite comme Joseph Barthélémy, fils d’un ancien maire de Toulouse et futur ministre de la Justice sous Pétain.

B) Pétainisme et fascisme conjoncturel de droite classique 1940 1942

Dans tous les pays, les couches privilégiées sont représentées par la droite sur le champ politicien. En général, leurs intérêts les poussent vers une "démocratie bourgeoise apaisée" et le libre-échange commercial porté par le capitalisme financier depuis longtemps transnational. Cependant, si leurs profits ou leur domination idéologique sont en danger, elles peuvent momentanément privilégier l’hypothèse fasciste.

De plus, beaucoup de parlementaires de droite ne sont que des prête-nom des privilégiés, peu autonomes et peu réfléchis. Dans un moment de crise, la pente du fascisme leur a été dans tous les pays (Allemagne, Italie, Portugal, Lituanie...) aussi naturelle que celle de l’estomac vers l’anus.

Ainsi, en juillet 1940, la droite classique se rallie en bloc à l’option fasciste comprenant les pleins pouvoirs dévolus au maréchal Pétain, la fin de la république, des élections et du Parlement.

10 juillet 1940 : 173 parlementaires de droite sur 174 installent légalement en France le fascisme traditionaliste de Pétain

Ces parlementaires de droite sont bien conscients de l’impossibilité de maintenir un tel pouvoir sans créer des relais dans la population. Ils rejettent l’idée d’un parti unique fasciste de type hitlérien ou mussolinien proposé par Déat, car cela ne correspond ni à leur identité ni à la réalité française du moment.

Aussi, ils se lancent dans la construction de la Légion Française des Combattants, née de l’unification des grandes fédérations d’Anciens combattants et dont l’adhésion est devenue obligatoire pour tout comité local. Cette Légion représente un parti unique fasciste de type droite classique.

Quiconque épluche les listes de présidents communaux de cette Légion peut constater qu’il s’agit de personnalités estimées de la droite classique et modérée. Cela n’empêche ni les dénonciations antisémites de la part de certains d’entre eux, ni les violences contre des opposants.

C) Droite classique et durcissement fascisant du régime pétainiste

A partir de novembre 1942, le régime de Vichy se radicalise encore plus à droite, devenant un allié de plus en plus utile du nazisme.

La création de la Milice symbolise ce durcissement. Il ne s’agit pas d’un fascisme français marginal. Dans mon département, elle intègre surtout des éléments militants de la droite classique.

Au niveau national, Michèle Cointet (professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université de Tours) résume bien cette question :

« Le recrutement des miliciens se fait majoritairement au sein des classes moyennes urbaines, employés, cadres du privé comme du public (professeurs,policiers, officiers), artisans commerçants. L’encadrement est quant à lui assuré par des notables provinciaux du Centre, du sud-Ouest, du Midi "blanc" : propriétaires terriens, professions libérales, anciens officiers, industriels. »

Peu à peu, les défaites de l’Allemagne hitlérienne amènent cette droite classique à adopter :

- très minoritairement un engagement avec la Résistance

- majoritairement une attitude d’expectative glissant vers des ponts adressés en direction de personnes de gauche connues comme anti-pétainistes

- très minoritairement aussi quelques milliers de combattants fanatisés passés à un fascisme dur poursuivent le combat en Allemagne et en Italie du Nord aux côtés des nazis.

Jacques Serieys


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