Temps de travail et pouvoir d’achat : Le procès insidieux fait au temps de travail (CFDT)

mercredi 19 décembre 2007.
 

Le gouvernement entretient la confusion entre temps de travail et pouvoir d’achat au risque de détricoter les accords existants.

Véritable bête noire du Medef, les fameuses 35 heures - qualifiées au moment de leur création « d’aberration d’un autre temps » par un certain Ernest-Antoine Seillière - n’ont pas fini de diviser les Français. Véritable acquis social pour les uns, qui rappellent que la réduction du temps de travail a fait baisser le chômage et a permis de fluidifier le marché du travail, elles sont honnies par les autres, qui voient dans les RTT la principale cause de la stagnation du pouvoir d’achat et le symbole d’une société qui se détourne de l’effort au profit des loisirs.

Or la réalité est bien loin de ce débat manichéen, relancé par Nicolas Sarkozy et son slogan « travailler plus pour gagner plus ». En mêlant le thème du pouvoir d’achat et celui de la durée du travail, le président estime répondre à ses promesses de campagne mais détricote dangereusement l’ensemble des équilibres qui avaient été trouvés dans les entreprises. L’urgence aujourd’hui n’est pourtant pas de revenir sur les 35 heures mais bien de favoriser l’accès à un emploi durable pour tous les salariés exclus en partie ou en totalité du monde du travail. Comme le montre l’étude de l’économiste Jean-François Jamet pour la Fondation Robert-Schuman, la société française souffre beaucoup plus du faible taux d’emploi des jeunes et des seniors (lire l’encadré) que d’une hypothétique perte de productivité due au passage de 39 heures à 35 heures.

Pourtant, le gouvernement ne semble pas vouloir infléchir sa politique, même si le ministère du Travail reconnaît que les premières mesures prises cet été sur les heures supplémentaires (exonérées de charges sociales et non imposables) ne toucheront qu’une partie des salariés français. Discutées mercredi 12 décembre en conseil des ministres, les nouvelles mesures sur le pouvoir d’achat devraient s’attaquer une nouvelle fois au temps de travail. Les salariés devraient en effet pouvoir racheter des jours RTT acquis au titre de 2007 en bénéficiant d’exonérations de cotisations qui restent à préciser.

Face à la complexité du dossier, le gouvernement a toutefois repoussé à 2008 la plus grande partie des mesures envisagées initialement. Le dossier des 35 heures est en effet beaucoup moins simple qu’il n’y paraît. Depuis les lois Aubry I (juin 1998) et Aubry II (janvier 2000), de nombreux textes législatifs sont venus assouplir le dispositif sans connaître de succès auprès des patrons, qui ne souhaitent pas forcément remettre en question les accords négociés dans leurs sociétés. Les quotas d’heures supplémentaires autorisées dans les entreprises sont en effet loin d’être atteints et le rachat des RTT est déjà prévu dans de nombreuses branches professionnelles. La position affichée par le Medef est donc beaucoup plus d’ordre idéologique que pratique. Le syndicat patronal plaide surtout pour que « la durée du travail sorte du cadre légal et soit définie entreprise par entreprise ». Une position totalement inacceptable pour François Chérèque, qui rappelle « qu’il n’est pas question que les entreprises puissent s’exonérer des 35 heures qui doivent rester la durée légale hebdomadaire de travail et le seuil de déclenchement de la majoration de salaire ».

Des aménagements au cas par cas. La CFDT est d’autant plus prompte à défendre cet acquis social qu’elle a su, lorsque cela a été nécessaire, négocier des aménagements pour ne pas pénaliser les entreprises. L’accord signé chez Bosch en 2004 à Vénissieux est révélateur. Menacé de fermeture, le site a été sauvé grâce aux efforts des salariés qui ont accepté de “ déroger ” un temps à leur accord de temps de travail.

Les syndicats s’inquiètent d’autant plus des attaques répétées sur les 35 heures qu’elles cachent souvent une volonté de détricoter l’ensemble des dispositifs législatifs sur le temps de travail sous couvert de “ modernisation de l’économie ”. Le débat sur le travail du dimanche qui s’invite insidieusement dans le dossier en est un exemple flagrant. Le secrétaire d’État à la Consommation a en effet annoncé dimanche 9 décembre vouloir « assouplir » les règles pour le secteur de l’ameublement sans qu’aucune concertation avec les partenaires sociaux soit prévue.

Sur ce dossier comme sur celui des 35 heures, Il semble que le gouvernement souhaite multiplier les accords dérogatoires et ainsi mettre à mal les textes négociés au niveau de l’état ou des branches professionnelles. Ainsi, Nicolas Sarkozy a annoncé vouloir permettre aux entreprises de « s’exonérer des 35 heures grâce à la signature d’accords majoritaires » sans donner plus de précision jusqu’à aujourd’hui.

Pendant ce temps, les salariés à temps partiel imposé comme les jeunes précaires ou les seniors poussés hors de leur entreprise ne bénéficient d’aucun véritable dispositif gouvernemental pour favoriser leur employabilité. Ce sont pourtant ces salariés “ en souffrance ” qui devraient être au cœur des réflexions sur le temps de travail. Ne pas s’attaquer à cette question primordiale, c’est oublier l’essentiel.n


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