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La joie s’est lue sur les visages de nombreux militants insoumis en Isère. Lyes Louffok, candidat du Nouveau Front Populaire (NFP), investi par la France insoumise est arrivé en tête (28,33 %) du 1ᵉʳ tour de l’élection législative partielle organisée à Grenoble (1ʳᵉ circonscription de l’Isère).
Porte-voix bien connu de la cause des enfants, il pourrait devenir dimanche prochain un nouveau député dans les rangs de la France insoumise. « Dimanche prochain, le choix est entre la macronie de la maltraitante sociale des Français et le choix de l’entraide et la protection des plus démunis ! », a déclaré Jean-Luc Mélenchon sur Twitter. Les députés insoumis étaient d’ailleurs venus en masse soutenir le candidat du NFP vendredi dernier.
Lyes Louffok, Lui-même ancien enfant placé, auteur d’un livre retraçant son parcours, beaucoup ont découvert son nom ces derniers mois, par ses prises de parole contre la loi immigration, ou lorsqu’il suivait les travaux de la commission d’enquête parlementaire sur l’aide sociale à l’enfance (ASE). L’insoumission republie dans ses colonnes le portrait d’un de ces visages du Nouveau Front Populaire, à l’image de la société dans sa diversité. Le 2ᵉ tour de cette législative partielle aura lieu ce dimanche 19 janvier 2025. Portrait.
Dans l’enfer des foyers
À 18 mois, Lyes est confié à l’Aide sociale à l’enfance, sa mère sous tutelle étant dans l’incapacité de s’occuper de lui. À l’âge de cinq ans, alors qu’il s’épanouit sans sa famille d’accueil, celle-ci déménage et l’administration refuse qu’il la suive, au nom du lien avec sa mère biologique. Il enchaine alors les placements en famille d’accueil et en foyers, confronté à la maltraitance et à la violence, avant de retrouver la stabilité à quinze ans auprès de Yasmina, une « maman d’accueil » attentive.
En 2014, il décide de raconter son histoire dans un ouvrage autobiographique, L’enfer des foyers, co-écrit avec Sophie Blandinières. Son témoignage est violent, autant que la réalité d’une grande partie des enfants placés, mais essentiel pour comprendre. Il y raconte son douloureux parcours, les nombreux dysfonctionnements du service public de l’enfance, les éducateurs dépassés, voire maltraitants, et y détaille les situations d’extrême gravité auxquelles il a assisté. « J’ai vu des filles sucer pour une cigarette, des tournantes organisées le week-end, quand plus personne n’est là pour surveiller, un petit attardé mental se faire violer par un ado », raconte Lyes en 2014 à l’Obs, peu après la publication de son récit.
Lui-même en a subi les conséquences, victime de violences domestiques dans l’une de ses familles d’accueil. Durant deux ans, celle qu’il décrit comme « l’horrible dame blonde » le bat, le fait dormir dans une pièce vide sur un morceau de polystyrène, le fait manger seul et ne le scolarise pas. Il passe les cinq années suivantes sous médicament, « pour se calmer ».
En 2021, un téléfilm est adapté à partir de son livre, et diffusé sur France 2 à l’occasion de la journée internationale des Droits de l’enfant. « L’Enfant de personne » remporte deux prix au festival de la Rochelle.
Après cette expérience, le jeune homme a soif de justice « pour ces enfants placés, dont la vie vaut moins que celle des autres ». La colère est son moteur, dit-il au Monde, à qui il raconte également l’évènement déclencheur de son militantisme, dans une réunion de l’association Ni putes ni soumises, à 14 ans, alors qu’il séchait les cours « J’étais entouré de meufs ultra “badass”, Sihem Habchi, Fadela Amara… C’est avec elles que j’ai fait mes armes. Elles m’ont tout appris, à me tenir, à militer, à travailler, à construire un récit… ». Il décide d’emprunter le chemin du militantisme associatif, et devient éducateur.
En 2020, un jeune est poignardé à mort par un autre adolescent dans l’hôtel de Suresnes (Hauts-de-Seine) où il était placé. Lyes rencontre les proches de la victime. Il se promet de faire interdire ces hébergements dérogatoires en hôtels, qui concernent 5 % des mineurs placés, selon un rapport de l’inspection générale des affaires sociales de novembre 2020.
Il s’engage au sein du Conseil national de la protection de l’enfance pendant six ans, au bout desquels il part s’installer au Québec pendant un an, « épuisé » par des années de combat et déçu « que les choses n’aillent pas assez vite », déclare-t-il au journal La Croix.
Grâce au récit de son expérience d’enfant placé et à ses années de militantisme, sa notoriété a fini par dépasser les cercles militants. Très présent dans les médias et sur Twitter, il permet à sa cause de gagner en visibilité. En 2023, il dénonce la loi Immigration de Macron et Darmanin, qui, en déshumanisant les Mineurs non accompagnés (MNA), bafoue les droits de l’enfance.
La commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de l’ASE Ces dernières années, les drames se sont multipliés. Plusieurs enfants placés sont morts. Début 2024, Lily et Myriam, deux adolescentes placées, sont retrouvées mortes. La première s’est suicidée dans l’hôtel où elle avait été placée par les services départementaux. Ce nouveau drame attire l’attention des politiques, et une commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de l’ASE, demande de longue date de l’association, est enfin créée.
Les auditions mettent en lumière l’état catastrophique du service public. Un SDF sur quatre est un ancien enfant de l’ASE. Les magistrats constatent des cadences infernales qui empêchent les juges de remplir correctement leurs missions ; les mesures de placement ordonnées par la justice peuvent atteindre des délais allant jusqu’à deux ans, laissant des victimes d’inceste en danger. Certains départements n’utilisent pas la totalité des crédits qui leur sont alloués pour la protection de l’enfance, alors même que l’ASE manque cruellement de moyens.
Louffok est très actif dans le suivi de cette commission, qui lui permet également de mettre en avant les trahisons des gouvernements successifs sur la question de l’enfance. Il dénonce l’absence de décret d’application pour la loi Taquet, supposée mettre fin au placement de mineurs dans des hôtels. Il recadre Charlotte Caubel, ancienne secrétaire d’État chargée de l’enfance, pour ne pas avoir considéré cette disposition comme prioritaire.
Le dimanche 9 juin au soir, Lyes est en colère. L’annonce brutale de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron met un terme aux travaux de la commission sur l’Aide sociale à l’enfance.
Le Rassemblement national est donné gagnant par 27 sondages sur 27, gonflé à l’hélium médiatique et politique. « Si le Rassemblement national devait arriver à Matignon, la politique de protection de l’enfance deviendrait basée sur la préférence nationale et ne prendrait plus en charge les enfants de nationalité étrangère. Cela serait catastrophique. Concrètement, en appliquant une telle politique, nous sortirions de la Convention internationale des droits de l’enfant, un traité international adopté à New York en 1989 » dit-il à Libération dès le lendemain.
L’éducateur décide alors de prolonger son engagement en proposant sa candidature pour les législatives. Quatre jours plus tard, le voilà investi par LFI pour le Nouveau Front populaire dans la première circonscription du Val-de-Marne. Arrivé en tête au 1ᵉʳ tour, il ne remporte pas le siège de député et arrive 2ᵉ dans le cadre d’une triangulaire. Alors qu’une législative partielle devait se tenir à Grenoble pour élire un nouveau député (ou une nouvelle députée), la candidature de Lyes Louffok a mis d’accord les différents partis du Nouveau Front Populaire. Dont acte.
Lyes Louffok incarne cette volonté d’élargissement engagée par le Nouveau Front populaire : présenter partout de nouveaux visages, à l’image du peuple dans sa diversité, des militants et militantes de terrain investis dans les luttes et à même de les porter demain à l’Assemblée nationale. Le 2ᵉ tour de cette législative partielle aura lieu ce dimanche 19 janvier 2025. Face à la candidate macroniste, Lyes Louffok peut l’emporter et venir faire grossir les rangs du Nouveau Front Populaire à l’Assemblée nationale ! « Avec le bulletin Nouveau Front Populaire, vous pouvez battre la politique de Macron et faire rentrer la cause des droits des enfants à l’Assemblée ! », a déclaré Mathilde Panot sur Twitter.
Par Jeff Collec
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