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L’Homme informationnel.
Dans son lieu d’habitation, dans ses déplacements, sur son lieu de travail, dans les milieux associatifs, syndicaux ou politiques, dans ses activités de loisirs, etc. « l’homme moderne » utilise un nombre croissant d’objets techniques diversifiés émettant, recevant, transmettant de l’information. L’objet technique Internet en est un exemple. L’utilisation des médias en est un autre exemple emblématique.
Désormais un individu peut se connecter à un autre individu situé à n’importe quel endroit de la planète si le désir et s’en donne les moyens. Nous examinons ici cette nouvelle configuration informationnelle planétaire.
Les notions de noosphère et d’infosphère appartiennent à des champs de réflexion distincts, mais elles se recoupent dans leur intérêt pour les dynamiques de l’information, de la pensée collective et des interactions humaines dans des environnements complexes. Voici une présentation et une articulation des deux concepts :
Origine du concept :
Le terme "noosphère" a été introduit par le géologue Vladimir Vernadsky et le philosophe et théologien Pierre Teilhard de Chardin au début du XXᵉ siècle. Il dérive du grec noos (esprit) et sphaira (sphère), désignant la "sphère de la pensée".
Définition :
La noosphère désigne une nouvelle couche évolutive de la planète, qui suit la géosphère (matière inorganique) et la biosphère (vie organique). Elle est constituée par l’ensemble des pensées, des idées, des connaissances et des interactions intellectuelles humaines.
C’est une vision de l’humanité interconnectée par la conscience collective, où l’intelligence humaine influence le devenir de la Terre.
Caractéristiques :
Dynamique collective : L’évolution de la noosphère repose sur la croissance des interactions cognitives entre les individus.
Éthique globale : Teilhard de Chardin imaginait la noosphère comme orientée vers une convergence spirituelle et morale.
Origine du concept :
Le terme "infosphère" a été popularisé dans le contexte de la philosophie de l’information, notamment par Luciano Floridi.
Il dérive de "information" et "sphère", et fait écho à des termes comme "biosphère".
Définition :
L’infosphère désigne l’ensemble des espaces où circulent, se stockent et se transforment les informations, qu’elles soient analogiques ou numériques.
Cela inclut les systèmes numériques (Internet, réseaux sociaux), les bibliothèques, les médias, mais aussi les échanges d’information dans les systèmes naturels et sociaux.
Caractéristiques :
Univers numérique : L’infosphère prend une importance particulière à l’ère numérique, avec Internet comme infrastructure centrale.
Écosystème informationnel : Floridi voit l’infosphère comme un milieu où interagissent humains, machines, données et algorithmes.
Liaison conceptuelle :
La noosphère est une vision large, spirituelle et évolutive de la conscience collective humaine, qui inclut l’ensemble des interactions intellectuelles et culturelles. Elle dépasse les outils ou les supports techniques.
L’infosphère est une sous-partie, plus technique et informationnelle, focalisée sur l’organisation, la diffusion et l’impact des informations dans l’espace numérique et physique. Complémentarité :
L’infosphère peut être vue comme un moyen ou un vecteur contribuant à l’expansion de la noosphère. Par exemple, les réseaux numériques (partie de l’infosphère) facilitent la circulation des idées et favorisent l’interconnexion des esprits (moteur de la noosphère).
Cependant, la noosphère implique une dimension morale et évolutive qui dépasse la simple gestion ou circulation des données. Conflits potentiels :
L’infosphère peut parfois étouffer les idéaux de la noosphère si la surabondance d’information ou les logiques purement technologiques (algorithmes, surveillance, manipulation) prennent le pas sur la réflexion collective et éthique.
Synthèse
En résumé, la noosphère relève d’une vision philosophique et évolutive de l’humanité interconnectée par la pensée collective, tandis que l’infosphère est l’espace où les informations circulent et se transforment, notamment à travers le numérique. Leur articulation réside dans le fait que l’infosphère contribue à l’essor de la noosphère, mais leur équilibre repose sur une utilisation éthique et consciente des outils informationnels.
* Pourquoi l’ordinateur puis l’ intelligence artificielle ?
La masse d’informations dans l’infosphère ne cesse de croître au cours des siècles au cours des civilisations humaines. Les outils techniques de plus en plus nombreux et sophistiqués nécessitent un volume considérable d’informations. L’Homo sapiens a donc été contraint d’inventer une machine à traiter, stocker et diffuser de l’information : c’est l’ordinateur. Après avoir inventé des machines pour traiter la matière et l’énergie il a fallu inventer une machine adaptée à l’info sphère contemporaine.
En même temps, la complexité croissante des processus scientifiques, techniques et économiques utilisant des masses gigantesques de données à contraint, une fois de plus, l’Homo sapiens à mécaniser les processus mentaux notamment inférenciel et inductifs : il a donc inventé une intelligence artificielle adaptée à la noosphère toujours en expansion.
Il est bien évident que la croissance démographique et d’être humain disposant d’un savoir élevé et la croissance des techniques de communication ont aussi contribué à la croissance probablement exponentielle du volume et de la masse de ce bain informationnel où sont immergés les animaux pensant que sont les êtres humains.
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Mais on ne saurait quitter cette notion de noosphère sans parler de cette fameuse « intelligence collective ».
Comment est née cette notion ?
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L’idée d’intelligence collective a été développée et popularisée par plusieurs penseurs et chercheurs, mais elle est souvent associée au philosophe et sociologue français Pierre Lévy. Son travail a joué un rôle majeur dans la conceptualisation et la diffusion de cette notion, en particulier à l’ère de l’Internet.
Pierre Lévy et l’intelligence collective
Dans son ouvrage "L’intelligence collective : Pour une anthropologie du cyberspace" (1994), Pierre Lévy décrit l’intelligence collective comme la capacité des individus, à travers leurs interactions, de mettre en commun leurs connaissances, expériences et compétences pour produire une compréhension ou un savoir supérieur à la somme des contributions individuelles. Il voit l’Internet et les nouvelles technologies comme des catalyseurs puissants de ce phénomène.
Lévy met en avant les potentialités des réseaux numériques pour favoriser :
La collaboration : Grâce aux outils en ligne, les individus peuvent collaborer à distance et en temps réel.
La mutualisation des savoirs : Les connaissances individuelles deviennent accessibles à tous, ce qui élève le niveau global de compréhension.
La diversité : La participation de personnes ayant des perspectives différentes enrichit les solutions et idées générées.
Liens avec le développement d’Internet
L’essor d’Internet dans les années 1990 et 2000 a radicalement transformé les modes de communication et d’accès à l’information, rendant l’idée d’intelligence collective non seulement théorique mais aussi pratique. Des plateformes comme Wikipedia, des forums, et plus récemment les réseaux sociaux, sont des exemples concrets d’intelligence collective mise en œuvre.
Autres contributeurs.
Howard Rheingold, un penseur américain, a également exploré ces idées dans son livre "Smart Mobs : The Next Social Revolution" (2002), en se concentrant sur l’impact des technologies mobiles et des réseaux sociaux.
Douglas Engelbart, l’inventeur de la souris informatique, avait une vision similaire avec son concept de "Collective IQ", qu’il voyait comme un moyen de résoudre des problèmes complexes grâce à des outils numériques. Ces penseurs montrent à quel point le concept d’intelligence collective est indissociable des innovations technologiques et des réseaux numériques.
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Hervé Debonrivage
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