![]() |
Comment LFI a-t-elle pu rendre acceptable la taxation des supers profits ? Comment rendre acceptable par l’opinion publique la nomination de Michel Barnier comme premier ministre bien qu’appartenant un parti très minoritaire ?
Comment rendre acceptable le refus de nommer comme premier ministre un représentant du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale ? Voici ainsi deux exemples d’application de la notion de la fenêtre d’Overton.
5) Annexe : Michel Barnier ou « la faute à la gauche » : l’éditocratie jubile
1 – Fenêtre d’Overton.
La fenêtre d’Overton est un concept théorisé par Joseph Overton pour décrire comment les idées passent de l’impensable à l’acceptable, puis au courant dominant. Elle représente l’éventail des idées et des politiques jugées acceptables dans l’opinion publique à un moment donné. Le modèle repose sur l’idée que ce cadre d’acceptabilité peut être élargi ou réduit pour influencer les changements sociaux et politiques.
La théorie décrit plusieurs étapes par lesquelles une idée peut évoluer dans le domaine de l’acceptabilité.
1. Impensable (Unthinkable en anglais)
Description : L’idée est considérée comme totalement inacceptable, voire immorale ou absurde par la majorité de la société. Elle est généralement rejetée sans discussion sérieuse.
Exemples : Les pratiques ou idées qui vont à l’encontre des normes établies ou des tabous sociaux stricts.
2. Extrême (Radical)
Description : L’idée reste inacceptable, mais elle commence à être mentionnée, souvent par des groupes marginaux ou alternatifs. On la voit encore comme radicale ou extrémiste.
Exemples : Elle est évoquée dans des cercles restreints, comme dans des mouvements sociaux en marge ou des discussions théoriques. Ce peut être aussi une idée avancée par un chef d’État autoritaire.
3. Acceptable
Description : L’idée gagne en légitimité et est discutée plus largement, bien que toujours de manière prudente. Elle est perçue comme moins radicale, voire intéressante, mais sans adoption massive.
Exemples : Des intellectuels, experts ou médias spécialisés commencent à l’explorer publiquement.
4. Crédible (Sensible)
Description : L’idée devient socialement acceptable et fait l’objet de discussions rationnelles. Elle est perçue comme une possibilité sérieuse, voire comme une solution plausible à un problème.
Exemples : Des politiciens ou des médias mainstream commencent à en débattre ouvertement.
5. Populaire (Popular)
Description : L’idée est maintenant couramment acceptée et soutenue par une part significative de la population. Elle peut même être perçue comme une norme ou une tendance.
Exemples : Elle est adoptée dans des discours populaires, les campagnes politiques, ou des projets de loi.
6. Politique publique (Policy)
Description : L’idée est pleinement intégrée et institutionnalisée. Elle est transformée en lois, en réglementations ou en politiques publiques.
Exemples : L’idée fait partie du cadre législatif, soutenue par les institutions et appliquée dans la vie courante.
En suivant ces étapes, on observe comment des idées controversées peuvent être lentement intégrées dans le champ de l’acceptable et influencent les normes sociales, légales et politiques.
La fenêtre d’Overton est souvent utilisée pour analyser comment des changements culturels ou politiques émergent, en particulier lorsque des groupes d’influence cherchent à introduire de nouvelles idées ou à modifier des opinions établies. Par exemple, des stratégies de communication et de sensibilisation sont employées pour "déplacer" cette fenêtre et rendre des idées autrefois impensables plus acceptables.
Ce modèle a été observé dans de nombreux changements sociétaux, comme la perception des droits civiques, des droits LGBTQ+, ou des normes environnementales. Dans la culture populaire, la fenêtre d’Overton est également utilisée pour comprendre la manière dont certaines idées controversées deviennent soudainement omniprésentes dans les médias et acceptées du grand public.
En somme, la fenêtre d’Overton est un outil d’analyse puissant pour comprendre l’évolution de l’opinion publique et des politiques, notamment en ce qui concerne les mouvements sociaux et les questions controversées.
*
Overton décrit une carte des idées du « plus libre » au « moins libre » concernant l’action du gouvernement, représentée sur un axe vertical. Comme la fenêtre change de taille ou se déplace, une idée à un endroit donné peut devenir plus ou moins politiquement acceptable. Les degrés d’acceptation6 des idées publiques sont à peu près comme suit :
Fenêtre d’Overton Impensable Radical Acceptable Raisonnable Populaire Politique publique
La fenêtre d’Overton est une approche permettant d’identifier les idées définissant le domaine d’acceptabilité des politiques gouvernementales possibles dans le cadre d’une démocratie.
Les partisans de politiques en dehors de la fenêtre d’Overton cherchent à persuader ou éduquer l’opinion publique afin de déplacer et/ou d’élargir la fenêtre. Les partisans dans la fenêtre, soutenant les politiques actuelles ou similaires, cherchent à convaincre l’opinion publique que les politiques situées en dehors de la fenêtre doivent être considérées comme inacceptables.
Fonctionnement
Le concept n’est pas seulement descriptif, il donne également des outils aux groupes de pression pour déplacer la fenêtre d’Overton, « c’est-à-dire le périmètre de ce qui peut être dit et discuté au sein d’une société ». L’exemple du cannibalisme a été popularisé par le réalisateur russe Nikita Mikhalkov pour illustrer les différentes étapes de la fenêtre d’Overton.
Lire la suite sur Wikipédia en utilisant le lien suivant : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fen%C...
et aussi le wiki dictionnaire : https://fr.wiktionary.org/wiki/fen%...
**
2 –Des concepts connexes
Il existe plusieurs concepts similaires ou apparentés à celui de la Fenêtre d’Overton, chacun ayant une approche distincte de la manière dont les idées deviennent acceptables ou non dans la société. La Fenêtre d’Overton décrit l’éventail des idées considérées comme acceptables par le grand public à un moment donné. Voici des concepts connexes qui, tout en partageant certains aspects, apportent des nuances différentes :
1. Cadre (ou "framing")
Le concept de "cadre" en communication se concentre sur la façon dont les idées sont présentées pour influencer leur réception. Une même information peut être perçue différemment selon la façon dont elle est formulée. Par exemple, dire qu’une politique est "favorable aux entreprises" plutôt que "pro-privatisation" peut modifier sa réception, même si le contenu reste le même. Bien que la Fenêtre d’Overton décrive où se situent les idées sur un axe d’acceptabilité, le cadrage influence comment une idée existante est perçue.
2. Spirale du silence
Ce concept sociologique, proposé par Elisabeth Noelle-Neumann, soutient que les gens ont tendance à taire leurs opinions minoritaires par crainte de l’isolement social. La spirale du silence peut contribuer à resserrer la Fenêtre d’Overton en marginalisant les idées qui pourraient autrement être débattues ouvertement.
En limitant les opinions exprimées, cette spirale joue indirectement sur l’évolution de la fenêtre des idées acceptables.
3. Agenda-setting (mise à l’agenda)
La mise à l’agenda est le processus par lequel les médias ou les acteurs influents choisissent les sujets à promouvoir ou à ignorer, influençant ainsi ce que le public perçoit comme important. Bien qu’il ne s’agisse pas de définir directement ce qui est acceptable, cela joue un rôle dans l’élargissement ou la restriction de la Fenêtre d’Overton en orientant l’attention publique.
4. Normalisation
La normalisation est le processus par lequel des idées ou pratiques autrefois marginales deviennent courantes et acceptées. Par exemple, des sujets controversés peuvent progressivement devenir acceptables s’ils sont représentés positivement et de manière répétée. Ce phénomène est souvent lié à l’effet de "déplacement progressif" de la Fenêtre d’Overton.
5. Effet de "l’estrade de la minorité" (ou "Minority Influence")
L’influence minoritaire désigne le pouvoir des minorités persuasives d’ influer sur l’opinion générale, souvent par cohérence et persévérance. Ce concept montre comment des idées en dehors de la Fenêtre d’Overton peuvent y pénétrer si elles sont portées par des groupes cohérents et persévérants, entraînant ainsi des changements sociaux importants.
Ces concepts sont utilisés en sciences politiques, sociologie et communication pour comprendre et analyser comment les idées gagnent en acceptabilité et en popularité. La Fenêtre d’Overton reste unique par son approche visuelle et dynamique de l’acceptabilité des idées sur un axe temporel et social, mais elle s’inscrit dans en un ensemble plus vaste de théories sur l’évolution des normes et perceptions sociales.
**
3 – Un exemple d’utilisation de la fenêtre d’Overton : comment faire voter des lois liberticides.
La fenêtre d’Overton est un concept qui décrit le spectre des idées acceptables pour le grand public à un moment donné. Utilisée de manière stratégique, elle peut faciliter l’acceptation de lois liberticides en modifiant progressivement ce qui est socialement et politiquement acceptable. Voici comment ce mécanisme peut être exploité pour introduire des lois restrictives :
Présenter l’idée de manière extrême : Au départ, une idée liberticide est volontairement exprimée sous une forme choquante ou radicale, bien au-delà de ce qui est accepté par la société. Par exemple, une proposition de surveillance généralisée pourrait être présentée sous sa forme la plus intrusive. Cela provoque des réactions d’indignation et de rejet, mais cela place le sujet dans l’espace public et initie le débat.
Normalisation progressive : Après l’introduction initiale, des versions modérées de cette idée commencent à apparaître dans le discours public. Des personnalités publiques, experts, ou médias proposent des variantes de la loi initialement présentée, souvent en soulignant les dangers qu’elle prétend adresser (comme la sécurité nationale, la protection contre le terrorisme, etc.). Cela ouvre progressivement la fenêtre d’acceptabilité, en ancrant le débat sur l’importance de la « sécurité » et en minimisant les risques pour la liberté.
Recours à la peur et aux émotions : Pour pousser l’opinion publique à accepter des restrictions liberticides, les décideurs exploitent souvent des événements dramatiques (comme des actes de terrorisme, des crises sanitaires, ou des troubles sociaux). En jouant sur la peur et l’émotion, ils parviennent à orienter l’opinion vers une demande de protection accrue, même si cela implique de sacrifier certaines libertés.
Introduction d’une version modérée comme solution raisonnable : Une fois que la population est habituée à discuter de ces idées liberticides, une version édulcorée de la loi est proposée comme compromis. Ce n’est pas aussi extrême que la première proposition choquante, mais reste néanmoins une atteinte aux libertés individuelles. Elle semble alors raisonnable aux yeux du public car elle est perçue comme un moindre mal en comparaison des versions extrêmes qui l’ont précédée.
Gradualisme et légitimation : Après que la première loi soit passée, la fenêtre d’Overton continue de se déplacer, et des modifications ou des extensions peuvent être introduites de manière graduelle. Ce processus permet d’augmenter le niveau de surveillance ou de réduire progressivement les libertés sans provoquer de réaction massive, car les gens se sont déjà habitués à une certaine dose de restriction.
Exemple concret : Surveillance et sécurité
Prenons l’exemple de la surveillance de masse. Avant les années 2000, il aurait été inimaginable pour une démocratie d’accepter un système de surveillance généralisé. Cependant, après des événements comme les attentats du 11 septembre 2001, la fenêtre d’Overton s’est déplacée. Les gouvernements ont justifié des lois de surveillance accrues en invoquant la sécurité, et au fil du temps, ces mesures sont devenues la norme.
En conclusion, la fenêtre d’Overton permet ainsi d’introduire des lois liberticides par des étapes successives en jouant sur la perception de l’acceptabilité sociale et en adaptant progressivement les attentes du public. *
Nous aurions évidemment pu prendre d’autres exemples. La création d’une dette publique importante par le pouvoir en place permet à celui-ci de justifier un blocage des salaires ou des retraites, des économies sur le fonctionnement des services publics, etc. ces mesures régressives seraient inacceptables pour une très grande majorité de la population sans ce prétexte de la dette. Les opposants politiques mettent alors en œuvre des arguments et des actions pour sortir de cette fenêtre rendant acceptables ces régressions sociales. *
4 – L’action des sondages sur la fenêtre d’Overton
La fenêtre d’Overton est un concept utilisé pour décrire l’éventail des idées et des politiques jugées acceptables dans le discours public à un moment donné. Les sondages jouent un rôle essentiel par rapport à cette fenêtre en influençant et en reflétant les opinions publiques, ce qui peut progressivement décaler la fenêtre et élargir les perspectives acceptées dans la société.
Voici comment les sondages interagissent avec la fenêtre d’Overton :
1. Réflexion des opinions publiques
Les sondages capturent un instantané des opinions de la population sur divers sujets. Lorsqu’un sondage montre qu’une idée auparavant perçue comme marginale est soutenue par une partie significative de la population, cela peut légitimer cette idée et la rendre plus acceptable dans le discours public. En ce sens, les sondages montrent où se situe la fenêtre d’Overton et comment elle peut être en train de se déplacer.
2. Influence sur les décideurs politiques
Les décideurs utilisent souvent les sondages pour évaluer quelles idées sont acceptables et lesquelles ne le sont pas. Lorsqu’un sondage indique qu’une proposition controversée est soutenue par une majorité ou une minorité significative, les politiciens peuvent être encouragés à l’adopter, contribuant ainsi à l’élargissement ou au déplacement de la fenêtre d’Overton.
3. Catalyseur de débat public
Lorsqu’un sondage révèle un changement dans les opinions ou des résultats inattendus, il peut susciter un débat public et médiatique. Ce débat expose davantage le public à des idées nouvelles ou controversées, pouvant ainsi élargir progressivement la fenêtre d’Overton en normalisant ces idées dans la sphère publique.
4. Effet de renforcement
Les sondages créent parfois un effet de "prophétie auto-réalisatrice". Si un sondage indique qu’une idée auparavant extrême gagne du terrain, cela peut encourager les gens à l’accepter davantage. Plus cette idée devient familière, plus elle s’installe dans la fenêtre d’Overton.
5. Stratégies politiques et manipulation
Certains acteurs utilisent des sondages pour tester des concepts et voir si une idée encore inacceptable peut être introduite ou reformulée pour être plus acceptée. Par exemple, en posant des questions de manière répétée ou sous un certain angle, les sondages peuvent influencer lentement l’acceptabilité d’une idée controversée en modifiant la perception de la norme sociale.
Exemples concrets
Mariage pour tous : À une époque, le mariage entre personnes de même sexe était considéré comme une idée radicale. Des sondages montrant un soutien croissant ont peu à peu normalisé l’idée dans le discours public, élargissant la fenêtre d’Overton jusqu’à ce que le mariage pour tous devienne acceptable, puis légal.
Légalisation du cannabis : Dans de nombreux pays, le cannabis était autrefois associé à une perception très négative. Avec des sondages révélant un soutien croissant à sa légalisation, les politiques sur le sujet sont devenues plus ouvertes.
En résumé, les sondages permettent de prendre la température de l’opinion publique et influencent ainsi les contours de la fenêtre d’Overton en contribuant à normaliser ou à marginaliser des idées dans le débat public.
**
5) Annexe : Michel Barnier ou « la faute à la gauche » : l’éditocratie jubile.
Application de la notion précédente : comment le pouvoir et ses médias ont joué sur la fenêtre d’Overton pour rendre acceptable la nomination de Michel Barnier pour une partie de « l’opinion publique ».
Voir l’article d’Acrimed :
Michel Barnier ou « la faute à la gauche » : l’éditocratie jubile
par Pauline Perrenot, lundi 9 septembre 2024
Accabler la gauche : tel fut l’un des projets de l’éditocratie au soir puis au lendemain de la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre.
https://www.acrimed.org/Michel-Barn...
Accabler la gauche : tel fut l’un des projets de l’éditocratie au soir puis au lendemain de la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre. Quand ils ne chantent les louanges de l’« homme de consensus » (Le Monde, 5/09), du « négociateur éprouvé » et « grand européen » (La Croix, 6/09), de l’« écologiste » (France Culture, 6/09), du « gaulliste social » (France Inter, 6/09) ou du « gaulliste modéré » (Le Parisien, 6/09), les médias dominants sollicitent des responsables du Nouveau Front populaire pour mieux les clouer au pilori : un doux parfum de pluralisme souffle sur l’audiovisuel français. Florilège.
Que serait un coup de force présidentiel sans un service après-vente médiatique ? Non contents d’avoir « joué le jeu macroniste et accompagné, durant l’été, sa trop longue "décantation" de la situation politique », ainsi que le documentait Arrêt sur images, les médias dominants tiennent la gauche pour responsable de l’issue d’une élection dont elle s’est fait dérober le résultat.
Au moyen d’une inversion orwellienne du réel dont ils sont désormais les acteurs coutumiers, les éditocrates relèguent au second plan le fait politique majeur de la conjoncture actuelle – l’alliance du bloc bourgeois et du bloc d’extrême droite – pour mieux reprocher au Nouveau Front populaire son « inflexibilité ». Et surtout, ne lui pardonnent pas d’avoir enterré le retour de Bernard Cazeneuve, la « gauche » de droite dont ils rêvent et qu’ils cherchent, inlassablement, à remettre en selle.
Stéphane Vernay, rédacteur en chef délégué de Ouest-France, résume dans l’édito de Une (6/09) – « La droite l’emporte grâce à la gauche » – le leitmotiv journalistique :
[La gauche] dénonce à nouveau, avec force, "le vol de l’élection" du 7 juillet. En oubliant de dire sa part de responsabilité dans ce dénouement, auquel la stratégie du "programme, tout le programme et rien que le programme" imposée par Jean-Luc Mélenchon à ses partenaires a largement contribué. Une alliance à gauche, entre sociaux-démocrates, écologistes, centre et droite modérée, était à portée avec un Bernard Cazeneuve Premier ministre. L’intransigeance d’une partie de la gauche en a décidé autrement. Celle-là même qui rêve d’obtenir la destitution du Président et cherche à mobiliser la rue. Mais n’est-ce pas là – et rien que là – qu’elle voulait arriver, au mépris des intérêts même de ceux qu’elle prétend défendre et du pays ?
Services public et privé confondus, la très grande majorité du PAF est à l’unisson.
**
Hervé Debonrivage
Date | Nom | Message |