En 2000, l’Accord d’Association entre l’Union européenne et l’Etat d’Israël entre en vigueur. Depuis 24 ans, cet accord politique et économique conditionné au respect des droits humains – et ainsi violé chaque jour depuis depuis son entrée en vigueur – fait de l’Europe la bouée de sauvetage de l’Etat d’Israël. Par cet accord de libéralisation des échanges commerciaux et de « dialogue politique », l’Union européenne occupe, avec les Etats-Unis, la place du premier partenaire commercial de l’Etat d’Israël, finançant l’achat de munitions, bombes, chars et autres matériels de guerre du régime génocidaire de Netanyahu.
Cet accord n’est qu’un chainon parmi d’autres dans les financements européens vers l’Etat d’Israel. Un programme de financement de l’UE, baptisé Horizon Europe, a déversé près de 126 millions d’euros à l’Etat Israël depuis octobre 2023. L’université de Tel Aviv à elle seule a reçu 28 millions d’euros, alors qu’elle a mené plus de 5030 projets de recherche conjoints avec l’armée israélienne
L’Insoumission décrypte pour ses lecteurs les fondements et les conséquences de cet accord d’association assassin, dont la suspension est demandée par la France insoumise et de nombreuses associations de défense des droits humains depuis bientôt un an. Notre article.
L’accord d’association signé entre l’Union européenne et Israël en 1995 et entré en vigueur en 2000 contient deux axes principaux : un dialogue politique et une libéralisation des échanges commerciaux entre les parties. Les échanges commerciaux en question permettent à l’UE de se maintenir comme premier partenaire commercial d’Israël, représentant 28,8 % de ses échanges de marchandises en 2022.
L’UE est le principal fournisseur d’Israël, avec 31 % de ses importations ; mais aussi son deuxième plus gros client, avec 24 % de ses exportations. C’est presque autant que les États-Unis, qui reçoivent 25,5 % des exportations israéliennes. La France à elle seule est le 10ᵉ fournisseur et le 11ᵉ client d’Israël.
Tous ces échanges sont rendus possibles par l’accord de 1995, qui rend très avantageux le commerce UE-Israël, notamment en supprimant les droits de douane, par son article 8. Par ailleurs, les restrictions quantitatives sont interdites par les articles 16 et 17, ce qui fait de l’Europe un marché illimité pour Israël.
Or, l’économie d’Israël, et par voie de conséquences sa machine de guerre, dépend en grande partie de ces accords. Au dernier trimestre de 2023, l’économie israélienne a enregistré une chute de 21 % du produit intérieur brut (PIB). Pourtant, ce trimestre, sa balance commerciale reste excédentaire de 5,1 %, en grande partie grâce au flux d’exportations vers l’Europe. Ces échanges se sont poursuivis au cours du premier trimestre de 2024, avec 4,27 milliards d’exportations d’Israël vers l’Europe, ce qui est peu ou prou identique aux autres années.
Enfin, les institutions financières se sont engagées pour sauver Israël de la déroute, avec la vente de 7,5 milliards d’euro-obligations organisée par des banques, dont notamment BNP Paribas. Tout cela permet à Orient XXI de qualifier l’Europe de « bouée de sauvetage » de l’économie israélienne.
Les conséquences sont bien concrètes pour les victimes du régime de Netanyahu. En effet, les dépenses de guerre israéliennes atteignent presque 30 milliards de dollars en 2023. Des dépenses financées de fait par l’Union européenne.
Le commerce que mène l’Europe avec Israël, via l’accord commercial de 1995, est un des moyens de financement du génocide en cours en Palestine. Les enjeux sont très concrets : les échanges commerciaux permettent au régime de Netanyahu de se procurer le matériel et les armes utilisés dans les massacres perpétués : munitions, bombes, chars, des armes qui tuent chaque jour des dizaines de civils. Les plus 200 000 morts gazaouis (estimations via chiffres The Lancet) ont été tués par des armes financées par l’Europe.
Si l’Accord d’Association UE – Israël est de nature économique, il est aussi politique. Parmi ses objectifs, le texte officiel compte « fournir un cadre approprié au dialogue politique ». Il s’agit de la mise en place d’un échange qui doit susciter « une meilleure compréhension réciproque et une convergence croissante des positions sur les questions internationales ». Ce dialogue doit avoir lieu via le Conseil d’association, censé se tenir une fois par an.
C’est lors de ce conseil que l’une des deux parties peut rompre l’accord, notamment si ses conditions ne sont pas respectées. Parmi celles-ci, l’article deux indique que « les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques ». Ainsi, le non-respect des droits de l’homme est suffisant pour rompre l’accord.
Selon l’article 82, il suffit de le déclarer ; l’accord cesse d’être applicable six mois après la notification. Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a conclu que de graves violations des droits humains sont commises par Israël – et ce, bien avant 2023. Il est donc incompréhensible que l’accord d’association soit encore en vigueur, éthiquement et selon ses propres règles.
Suite à l’établissement illégal de colonies en Cisjordanie, l’accord d’association est contesté dans l’UE. En 2012, il n’est pas rompu, mais le dialogue politique cesse. Il ne reprend qu’en 2022.
Josep Borrell, Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, déclare à cette occasion « Il a été important de relancer ce canal de dialogue de haut niveau entre l’UE et Israël. Nous sommes proches à bien des égards et coopérons dans de nombreux domaines. Dans le même temps, cette session a également été l’occasion de débattre de questions sur lesquelles nous ne sommes pas d’accord, telles que le processus de paix et la situation dans les territoires palestiniens. Ces deux approches constituent la raison d’être de la diplomatie et d’un bon partenariat. ».
Pourtant, aucun progrès n’avait été constaté sur le respect des droits humains, et Israël n’avait pas abandonné ses colonies illégales – loin de là !
En février dernier, alors que le génocide avait déjà débuté et qu’Israël préparait son offensive sur Rafah, Pedro Sánchez et Leo Varadkar, les premiers ministres espagnols et irlandais, demandent à la Commission un « examen urgent pour déterminer si Israël respecte ses obligations, y compris dans le cadre de l’accord d’association UE-Israël ». Cela reste sans réponse. En France, ce sont les insoumis qui luttent pour la fin de cet accord meurtrier.
En avril, Rima Hassan lance une pétition pour suspendre l’Accord d’Association UE – Israël, qui recueille presque 100 000 signatures. On peut aussi évoquer les 195 organisations de la société civile européenne qui ont interpellé nos dirigeants pour mettre fin à l’accord, parmi lesquelles La Cimade et la Ligue des Droits de l’Homme.
Mais alors s’il suffit de six mois pour informer Israël que nous mettons fin à cet accord, pourquoi ne pas le faire ? Il a été plus que prouvé, durant toute l’année qui vient de s’écouler, que Netanyahu perpétue des crimes de guerre, un génocide, et bafoue les droits humains. Qu’attend l’Europe pour rompre ses accords ? Pour mettre enfin en arrêt l’économie israélienne et sa machine de guerre génocidaire, plutôt que financer le massacre ?
L’Europe est en réalité un allié de longue date d’Israël. Comme l’explique la chercheuse post doctorale Caroline du Plessix, « Israël dispose aujourd’hui d’un des statuts les plus avancés parmi les États non-membres dans ses relations contractuelles avec l’UE ». Et cela ne date pas d’hier.
Le premier accord de libre-échange entre l’UE et Israël date de 1975 ; il visait alors à réduire les droits de douanes. En 1994, on peut lire dans les déclarations du Conseil Européens d’Essen « qu’il convient de donner à Israël un statut privilégié vis-à-vis de l’UE sur la base de la réciprocité et de l’intérêt mutuel ». Par ailleurs, Israël est le premier non-membre de l’UE à signer, en 1996, un accord permettant de prendre part au programme-cadre de recherche européen. Ainsi, l’Accord d’Association signé en 1995 n’est qu’un chainon d’une coopération plus durable ; qui fait de l’UE un allié clé d’Israël.
Cela s’est manifesté récemment, à travers le programme Horizon Europe, un programme de financement dédié à la recherche et à l’innovation. Israël en est le plus gros bénéficiaire hors UE, avec 126 millions d’euros reçus depuis octobre 2023. L’université de Tel Aviv à elle seule a reçu 28 millions d’euros, alors qu’elle a mené plus de 5030 projets de recherche conjoints avec l’armée israélienne. En tout, les financements d’Horizon Europe ont servi le développement de 130 projets israéliens.
Parmi ces projets, on retrouve des technologies de guerre, notamment les drones des Industries Aérospatiales Israéliennes, utilisés dans le génocide des gazaouis. Il est pourtant inscrit dans les réglementations européennes qu’aucun financement de l’UE ne peut être utilisé à des fins de guerre ou dans le cadre de violation des droits humains. The Left, le groupe de gauche européen, a donc porté réclamation auprès de la commission européenne pour que cela cesse. Pour l’instant, pas de résultat.
Ainsi, la coopération UE-Israël n’est pas durable par hasard, mais par collusion d’intérêt et par volonté des deux parties de se lier. Pour justifier son inaction, l’UE avance que l’absence de position commune rend impossible une intervention sur l’accord de 1995. Elle se cache derrière la soi-disant impossibilité de trouver l’unanimité parmi les vingt-sept États membres – rappelons qu’il s’agit simplement de condamner un génocide. Cela masque mal le soutien manifestement inconditionnel qui a été témoigné à Israël. Complices d’un génocide qui change le cours du siècle, les Etats européens achèvent de discréditer l’Union européenne, comme soi-disant « union de la paix ». Partenaire commerciale, partenaire de crime, l’Union européenne est complice des tueries de masse perpétués par Benjamin Netanyahu.
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