« Coup d’État », « pacte avec le diable » – Emmanuel Macron décrypté par la presse internationale

dimanche 13 octobre 2024.
 

Depuis la victoire du Nouveau Front Populaire en juillet dernier, la presse internationale a les yeux scrutés sur la France. Au lendemain de la victoire du NFP, nous vous avions parlé, dans nos colonnes, du regard et du traitement de la presse internationale des élections législatives françaises, notamment en énumérant les unes consacrées à la victoire historique de la gauche de rupture.

Depuis, en France, Emmanuel Macron a refusé de reconnaitre le résultat des urnes, puis il a installé l’extrême droite en arbitre du pouvoir, en nommant Michel Barnier à Matignon, chargé de conserver la bienveillance du RN par tous les moyens possibles. Preuve du pacte passé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen pour le maintien de ce gouvernement : le refus pour le RN de voter une motion de censure, ainsi que leur opposition à la procédure de destitution du chef de l’État enclenchée par LFI. Un récit dont la presse internationale se scandalise. L’Insoumission vous livre un tour d’horizon des principaux titres de presses internationaux. Notre article.

Macron : un président autoritaire

Le New York Times s’étonnait, déjà en juillet, des façons de faire d’Emmanuel Macron. Pour les journalistes nord américains, la convocation d’élections sans consultation du Premier ministre (Attal, à l’époque) était symptomatique du « style de gouvernement centralisateur et descendant » propre à Macron. Par la suite, le quotidien affirmait que le refus des résultats électoraux « contenait les germes d’une dérive ». Le 21 septembre, le journal réitère, qualifiant le président de « leader descendant et directif, rôle qu’il a tendance à jouer depuis son entrée en fonction en 2017 ».

Pour Dei Zeit, en Allemagne, « Macron se comporte comme un puissant vainqueur des élections », ce qui n’a pas de sens, puisque qu’il fait ainsi « fi de toutes les coutumes démocratiques ». Un seul commentaire : « Choquant vu d’Allemagne. » avant d’ajouter « La France est politiquement décapitée ». L’attaque de la démocratie est un des thèmes les plus récurrents dans les articles internationaux.

L’Expresso portugais accuse le président d’avoir « utilisé le fantôme de l’extrême droite pour grandir » avant d’employer « les votes de l’extrême droite pour s’accrocher au pouvoir après sa défaite électorale ». La conclusion est simple : « C’est un narcissique sans principes qui a détruit le système des partis français et qui est en train de détruire la démocratie française ».

Cela semble en harmonie avec le portrait du président tiré dans The Telegraph le 26 septembre, qui titre sobrement « Emmanuel Macron a appris les méthodes de Machiavel, mais pas ses compétences », avant d’affirmer que « la démocratie française git dans les ruines à cause du chaos politique créé par son président ». Le portrait de la France donc est alarmant, même dans ce tabloïd pourtant loin d’être classé à gauche.

Le gouvernement Barnier : la démocratie écrasée

La nomination de Barnier comme Premier ministre est la décision de Macron qui a le plus choqué dans le monde. Dans un premier temps, la presse internationale s’était étonnée de la longévité du gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal. Le 30 juillet, on pouvait lire dans Dei Zeit « Mais qui commande désormais […] ? C’est l’ancien gouvernement. La faction qui a reçu le moins de voix parmi les trois principaux blocs politiques au premier et au deuxième tour des élections législatives ». Si la démocratie française semblait déjà bien attaquée, la nomination de Barnier est un coup de grâce, « les événements prennent là un tour dramatique », affirme Le Washington Post le 9 septembre.

À la suite de cette nomination, The Telegraph n’hésite pas : « Le coup d’État de Macron est un affront éhonté à la démocratie ». The Hindu est du même avis : « La décision de Macron est un grave coup porté à la démocratie française. Ses décisions inconsidérées […] sont indignes d’un dirigeant d’une démocratie mature ». Dans les jours qui suivent, le gouvernement entier est nommé.

El Pais explique : la liste des ministres a été lue, « 75 jours après avoir appris le résultat d’une élection législative extravagante. Il n’y avait pas de questions, pas d’explications ». Ce gouvernement apparait comme dénué de sens, et personne à Matignon ne semble vouloir donner d’explications. L’Expresso titre, non sans ironie, « La France a déjà un nouveau gouvernement (de droite) ».

Pour Die Zeit, la nomination d’un tel gouvernement « rappelle les temps politiques du passé ». Le quotidien rappelle que, si Macron accuse le Nouveau Front Populaire de ne pas disposer de majorité, cela ne l’a pas empêché de gouverner pendant deux ans. Décidément, la nomination de Barnier ne fait pas sens, il semble ubuesque de « désigner le candidat arrivé en quatrième position au poste de chef du gouvernement », et ce serait « impensable en Allemagne, malgré toutes les différences dans le système politique ».

Dans Sidwaya, un quotidien burkinabé, on affirme : « le chef de l’État français a joué comme dans un casino et il a perdu. » mais « de toute évidence, le président français a du mal à intégrer la notion de cohabitation, ce qui est de rigueur en de pareilles circonstances et de surcroît dans une démocratie établie ».

Le monde inquiet de la montée de l’extrême droite en France

Ce qui inquiète le plus à l’international, ce n’est pas le gouvernement Barnier en soi, mais la porte ouverte qu’il constitue pour l’extrême droite. Le Washington Post résume en titrant « Qui a laissé entrer l’extrême droite française ? Macron. ». El Pais conçoit le gouvernement Barnier comme « un clin d’œil à Le Pen » ; en particulier en ce qui concerne Bruno Retailleau, qui incarne « l’aile dure de la droite classique et devra apaiser les velléités de l’extrême droite ». C’est pour le Washington Post « un pacte avec le diable […] de très mauvaise augure pour la France ».

La banalisation de l’extrême droite est internationalement dénoncée : The Hindu rappelle qu’en « rejetant les vainqueurs du scrutin et en désignant un Premier ministre acceptable par l’extrême droite, Emmanuel Macron bafoue non seulement la volonté du peuple, mais il banalise un parti d’extrême droite aux racines néonazies. ». Ce rappel des origines du Rassemblement National est important, car c’est à ce parti que Macron confie « « de facto » les clés de l’Assemblée », avec le choix « du conservateur Barnier au poste de premier ministre », comme l’explique El Pais.

The Telegraph est très explicite également, en affirmant que « Marine Le Pen a finalement remporté les élections françaises. ». Si ce résultat est introuvable dans les urnes, il faut reconnaitre que le gouvernement Barnier le construit et l’impose au peuple français, contre sa volonté. Rien d’étonnant pour un président qui a « bombardé la démocratie française pendant sept ans. ».

Pour finir, La Libre nous rappelle cette époque pas si lointaine « où les responsables politiques au pouvoir tiraient à boulets rouges sur l’extrême droite dans l’espoir de gagner des voix au prochain scrutin. ». Époque pas si lointaine, mais manifestement révolue, puisque désormais, « les ministres sont priés de faire patte de velours à son égard s’ils veulent se maintenir en poste ! ».


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