Boris Vallaud PS : le président a inventé le « macron-fillonnisme »

vendredi 27 septembre 2024.
 

Le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale dénonce « la continuation du macronisme en pire ». Il annonce qu’à défaut d’une cohabitation au sein de l’exécutif, le président de la République devra la subir à l’Assemblée.

Non seulement la gauche est restée exclue du pouvoir après que son union a gagné le plus de sièges aux élections législatives anticipées de l’été 2024, mais le gouvernement Barnier est le plus à droite de toute l’ère macronienne. Dire qu’il y a encore deux mois, l’entourage présidentiel prétendait élargir la coalition centrale en séduisant tout ou partie des député·es socialistes…

Boris Vallaud, leur chef de file à l’Assemblée nationale, n’abandonne pas l’espoir de lois transpartisanes de progrès, mais n’a aucun état d’âme à annoncer que son groupe, à l’instar du reste de la gauche, censurera la nouvelle équipe gouvernementale. Car « au lieu du changement, on a une restauration », estime-t-il dans un entretien à Mediapart.

Pour la direction du Parti socialiste (PS), une orientation aussi droitière de l’exécutif pourrait faciliter le travail d’opposition, et conforter son choix de l’union de la gauche. Les courants internes hostiles au premier secrétaire, Olivier Faure, auront moins de prises pour lui reprocher de céder à l’intransigeance de La France insoumise (LFI). Il y a quelques jours, le simple fait de laisser la procédure de destitution du président de la République être examinée par la commission des lois avait nécessité une réunion de deux heures, qui s’était soldée par un vote serré à l’intérieur du groupe.

Mediapart : Quelle a été votre réaction à l’annonce du nouveau gouvernement ?

Boris Vallaud : D’abord, une forme de consternation, même s’il y a eu une sorte de teasing assez pathétique ces derniers jours. On s’attendait à ce gouvernement, mais ce qui me frappe, c’est qu’on assiste vraiment à l’union des droites.

On voyait leur rapprochement progresser depuis sept ans, que ce soit sur la réforme des retraites, la suppression de l’impôt sur la fortune, la loi immigration, le durcissement des règles de l’assurance-chômage… Aujourd’hui, on assiste à l’officialisation des noces entre la droite macronienne et la droite la plus conservatrice. Si en plus, cela doit se faire avec la bienveillance de l’extrême droite, il y a d’autant plus lieu d’être inquiet. En voyant ce spectacle, je me dis : « Qu’est-ce que ce serait si la droite avait vraiment gagné ? »

De fait, il y a un décalage entre l’expression électorale de juillet dernier, et ce casting gouvernemental…

Les résultats appelaient une cohabitation, on a un remaniement. Au lieu du changement, on a une restauration. C’est le monde d’hier qui se perpétue. On assiste à la continuation du macronisme, en pire. Ce déni de démocratie doit mettre beaucoup de Français dans un état de sidération, voire de colère.

Cerise sur le gâteau : Barnier, Retailleau et d’autres ont refusé d’appeler au front républicain et s’y sont publiquement opposés. Alors que les Français avaient voté Macron en 2017 en partie contre François Fillon, le président a inventé le « macron-fillonnisme ». On a affaire à un surdiplômé en trahison.

La caution de « gauche » est l’ancien socialiste Didier Migaud, numéro 2 dans l’ordre protocolaire. Pensez-vous que cela peut influencer la ligne ?

Migaud, c’est la part de gouvernement technique. Je trouve cela triste pour lui qu’il rejoigne un gouvernement où Bruno Retailleau a déjà annoncé qu’il voulait une nouvelle loi immigration, et où il y a des gens comme Laurence Garnier, Annie Genevard, et d’autres proches de la Manif pour tous.

Après, la question n’est pas d’avoir appartenu à la gauche. On a des exemples récents de personnalités, comme Olivier Dussopt et Élisabeth Borne, qui venaient de la gauche et ont fait les réformes les plus droitières et les plus honteuses de la présidence Macron, à savoir la réforme des retraites et la loi immigration.

Avoir été à gauche ne prémunit de rien. D’autant que dans un gouvernement, on n’est pas comptable que de son propre ministère. Agnès Pannier-Runacher, qui va par exemple se compromettre au ministère de l’écologie, sera ainsi comptable du bilan de l’ensemble de l’équipe à laquelle elle appartient.

Que pouvons-nous attendre de ce nouveau gouvernement ?

Une politique droitière, d’obsession sécuritaire, surfant sur les préjugés et les peurs davantage que sur les réalités objectives. On est loin de la République apaisée qui nous avait été promise. Au lieu de l’ordre républicain, nous allons être dans la République de l’ordre. Même si je n’en attendais pas, il n’y a aucune bonne nouvelle dans ce gouvernement.

On se battra pied à pied contre tout recul des libertés fondamentales et de la république sociale.

Qu’allez-vous faire, vous, parlementaires ?

On censurera ce gouvernement. Et à travers la motion de censure, le président de la République. Il n’y a pas dans le gouvernement Barnier autre chose qu’une ligne de droite dure. Alors, puisqu’il n’y a pas de cohabitation entre le président de la République et le gouvernement, le gouvernement devra faire avec une cohabitation avec l’Assemblée nationale.

Nous veillerons à ce que le pouvoir du Parlement soit respecté en ce qu’il portera les demandes des Français : la justice sociale, fiscale, la juste répartition de la richesse, l’urgence climatique, le pouvoir d’achat, les services publics, la santé pour tous… On veillera à ce que le législateur légifère et que l’exécutif exécute. Le Parlement ne sera pas une chambre d’enregistrement de ce gouvernement.

Irez-vous chercher des majorités avec une partie du camp présidentiel ?

Pour les macronistes, le « en même temps » n’est désormais plus possible. De notre côté, on cherchera des majorités, on construira des compromis et on se battra pied à pied contre tout recul des libertés fondamentales, de la république sociale, contre la remise en cause de la loi SRU ou autre…

On se battra pour convaincre, on ouvrira le Parlement sur la société, on proposera chaque fois qu’on le peut des lois transpartisanes pour répondre aux attentes des Français. Je le répète : le législateur légifère, l’exécutif exécute.

Est-ce qu’un gouvernement clairement de droite n’a pas pour avantage de remobiliser et de ressouder la gauche ?

S’il y a une droite, il doit y avoir une gauche. Et il faut qu’elle soit utile aux Français, en obtenant des progrès immédiats pour leur vie. Cela implique de construire des compromis.

Par exemple, dans la dernière législature, les socialistes ont obtenu une augmentation d’un tiers de la prime de Noël pour les familles monoparentales : ils ont ramené une victoire concrète à la maison pour les Français et les Françaises. Dans la législature qui s’ouvre, nous mettrons sur la table la régulation de l’installation des médecins. Cela ne plaira pas au gouvernement car Geneviève Darrieussecq [nouvelle ministre de la santé – ndlr] est contre, mais nous construirons des majorités contre le gouvernement.

Fabien Escalona et Pauline Graulle


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