Suite aux campagnes menées par divers syndicats, ONG et associations, Carrefour a fait retirer discrètement les produits estampillés de son logo des enseignes franchisées dans les colonies illégales de l’État d’Israël. Très cyniquement, Carrefour, conscient de l’image désastreuse procurée par l’association de sa marque au génocide en cours, voudrait nous faire croire qu’il a plié face à la pression du boycott. Mais il n’en est rien. Notre article.
En effet, la marque continue de supporter les colonies en accordant des franchises aux sociétés Electra Consumer Products et sa filiale Yenot Bitan qui possède plus de 150 magasins en Israël et sur les territoires palestiniens occupés (TPO). Ces accords, signés en mars 2022 avec la bénédiction du camp présidentiel comme en atteste un tweet de l’ambassade de France en Israël, furent dénoncés dans un rapport daté de novembre 2022, lequel démontre la complicité de l’enseigne dans la colonisation des TPO par Israël.
Si depuis, de manière purement cynique, la marque a fait mine de retirer ses produits des étals franchisés, Carrefour « vend déjà ses produits dans tout Israël », colonies incluses, et atteste son intention de s’étendre « partout », selon ce qu’indique l’une des campagnes promotionnelles d’Electra Consumer Products et Yenot Bitan.
Comble du cynisme, en mai 2024, la marque affirmait de manière mensongère à ses investisseurs qu’aucune enseigne n’était ouverte sur les TPO. Or, les magasins de Yenot Bitan sont présents dans au moins trois des plus importantes colonies, celles d’Ariel, Alfie Menashe et Ma’ale Adumim. S’ajoute Modi’in-Maccabim-Re’ut que l’ONU et l’Union européenne s’accordent à reconnaître comme étant partiellement situé sur le TPO. Yenot Bitan distribue également dans ses magasins des denrées produites dans les colonies illégales de Cisjordanie.
Par ailleurs, la société sœur d’Electra Consumer Products, nommée Electra Ltd et détenue par la holding Elco Ltd, construit et entretient nombre d’infrastructures coloniales telles que des routes, bâtiments publics, universités, transports, logements, distribution de l’eau, télécommunications, services et fournitures de matériel à l’armée et à l’administration israéliennes. Electra Ltd figure sur la liste établie par l’ONU en 2020 des 112 entreprises épinglées pour leur participation à la colonisation.
Carrefour ne pouvait ignorer cela. Pourtant, sur son site internet, le groupe affirme gérer ses affaires de manière « éthique ». Assurant respecter la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte mondial de l’ONU et d’autres encore.
Nonobstant, toujours plus engagé dans le soutien affirmé à Israël, Carrefour, par l’entremise d’Electra Consumer Products, publiait en octobre 2023 dans un post instagram (modifié puis supprimé depuis) : « la chaîne Carrefour a fait don de milliers de livraisons personnelles aux soldats, et ce n’est qu’un début… Fiers de participer à l’effort national aux côtés des salariés de Carrefour et des bons citoyens qui se portent volontaires pour préparer les colis personnels des militaires de Tsahal ».
Le PDG du groupe affirmera néanmoins peu après à ses actionnaires que les dons ont cessé et que le groupe n’apporte plus la moindre aide à l’armée israélienne. Il faut dire que la réaction du public ne s’est pas faite attendre, directement le hashtag #BoycottCarrefour atteint des pics de viralité important. Les nombreux commentaires d’indignation dénonçant ce soutien, ont mis à mal l’image de Carrefour, déjà étrillée par les campagnes de BDS France (Boycott Desinvestissement Sanctions) et la veille des collectifs défendant la cause palestinienne en France.
Le groupe n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai puisqu’en qu’en 2014, il passait déjà outre son obligation légale de ne pas se mettre au service d’un état occupant militairement des territoires et pratiquant une colonisation de peuplement. Concrètement, Carrefour Voyage participait à cette époque à la campagne de propagande israélienne visant à redorer son image fortement entachée par les exactions et les crimes de guerre commis contre les Palestinien·nes lors de la guerre à Gaza en 2009.
À cet effet, le groupe signait avec l’État d’Israël, au travers de son office du tourisme, un accord pour faire la promotion de voyages touristiques à destination du pays. L’objectif ? Créer un attachement émotionnel chez les consommateurs de ces « coffrets-voyage » permettant d’associer Israël à des souvenirs agréables. Un tourisme destiné à un public intéressé par les sites chrétiens, les mythes bibliques et complaisants vis-à-vis des croisades. Sans surprise, le peuple palestinien et son histoire, sont les grands absents de ce tourisme sélectif .
Carrefour, un cas français loin d’être isolé dans ses liens avec Israël Ajoutons tout de même que Carrefour n’est pas la seule entreprise française participant au développement des colonies. À l’instar de Vinci et de Total, engagées dans la construction d’infrastructures coloniales. Autre exemple : un rapport publié en mars 2017 par divers syndicats et associations démontrait l’implication d’au moins 4 banques françaises complices de la colonisation illégale du TPO au travers de prêts massifs.
Pour comprendre l’impact de ce partenariat et sa gravité, il est important de mettre en lumière un certain nombre d’éléments. Premièrement, faire des affaires dans les colonies illégales contribue inévitablement aux violations massives par Israël des droits humains palestiniens.
Secondement, par leurs activités de grande distribution, Electra Consumer Products et Yenot Bitan participent à la viabilité économique de ces colonies. Carrefour quant à lui, en se dissimulant derrière un partenaire local franchisé, tire honteusement du profit en Israël et dans ses colonies illégales, tout en se dédouanant de toute responsabilité éthique ou juridique.
À ce titre, rappelons que les colonies illégales constituent un crime de guerre au regard du droit international. Et qu’en juillet 2024, la Cour internationale de Justice déclarait Israël coupable d’apartheid, d’occupation et d’annexion illégale de territoire palestinien. Dès lors, les États, entreprises et institutions ont pour obligation juridique de mettre fin à leur complicité avec ces crimes de guerre.
Pour conclure, il apparaît évident que pour accroître ses bénéfices et les dividendes de ses actionnaires, Carrefour est prêt à tout, y compris se rendre complice de crimes de guerre et d’un génocide. Démonstration faite que pour ces gens, l’argent prévaut sur l’éthique, la morale, le droit international et par-dessus tout, sur la vie de civil·e·s innocent·e·s. Il est plus que temps que cesse enfin cette complicité abjecte.
Date | Nom | Message |