Bardella : son passé de fils à papa révélé

mercredi 17 juillet 2024.
 

Qui est vraiment Jordan Bardella ? Le président du RN, candidat à Matignon, a soigneusement construit son image. Un jeune fils d’immigré, enfant d’une mère divorcée aux fins de mois difficiles, dans une cité de Seine-Saint-Denis ? C’est ce récit que reprennent en chœur les élus RN et les éditorialistes de CNews pour le décrire.

Pourtant, cette image est loin de la réalité. Des journalistes ont enquêté sur son passé, en se rendant dans son quartier et son établissement. Le vrai Bardella est un fils de chef d’entreprise, scolarisé dans l’enseignement catholique privé, pourri gâté par son père qui lui offre voyage à Miami, Smart et appartement à Montmorency. Notre article.

Un story telling bien rodé

Avec les années, Jordan Bardella s’est créé un récit, une identité romanesque. Celle d’un fils d’immigré italien, vivant avec sa mère divorcée, aux fins de mois difficiles, qui travaille en tant qu’agente territoriale dans une école maternelle en Seine-Saint-Denis.

Surtout, il n’hésite pas à se présenter comme rescapé d’une cité sordide, et dangereuse, transformée « en terreau islamiste, livrée aux crimes et aux trafics ». « J’y ai mes racines, une part de moi-même et de l’histoire de ma famille. » Son parcours personnel serait à la source de son engagement : « Je fais de la politique pour tout ce que j’ai vécu là-bas. Pour que cela ne devienne pas l’apanage de la France entière. Car ce qui se passe là-bas n’est pas normal. »

Bardella pousse loin le pathos pour servir son récit, racontant un épisode supposé où les dealers auraient installé leur canapé dans sa cage d’escalier : « La barre était composée de deux bâtiments qui communiquaient par des portes battantes. Ma mère avait payé 50 euros le bip du bâtiment d’à côté pour que, lorsqu’ils squattaient le hall à mon retour du lycée, je puisse rentrer chez moi par l’autre », raconte-t-il dans des propos rapportés par les journalistes du Monde.

Il n’hésite pas non plus à mentir, décrivant « la trentaine de gamines de 6, 7 ans avec un voile sur la tête sortant de l’école coranique ». Le Monde a vérifié : pas d’école coranique, mais une association qui donnait à l’époque des cours d’alphabétisation, et de soutien scolaire, en français et en arabe.

Ce portrait catastrophiste est loin de la réalité. La Cité Gabriel Peri où il vivait avec sa mère est loin de l’image d’Épinal des quartiers populaires enclavés. Cette petite Cité est située entre le nouveau tramway et un quartier pavillonnaire tranquille, bien entretenu, le tout à quelques pas du centre-ville de Saint-Denis. Au pied des immeubles, de nombreux commerces qui en font un quartier actif : un magasin de vélos, un tatoueur, une boulangerie, un salon de coiffure, un Franprix ou encore un fast-food…

Un éducateur du quartier en révèle un peu plus sur la vraie histoire de Bardella. Lui qui travaille dans le quartier depuis 20 ans, et le connait comme sa poche, n’a pas souvenir d’avoir un jour vu Bardella venir à la maison des jeunes, ni à aucune des activités sportives organisées, ne serait-ce qu’une seule fois. « Pour lui, Saint-Denis, c’est juste son fonds de commerce. Il n’avait pas de vie sociale ici, pas d’amis », ajoute-t-il.

Et pour cause : Jordan passait le plus clair de ses week-ends auprès de son père, riche chef d’entreprise, dans des villes huppées du Val-d’Oise. Celui qui n’a aucun ami dans son quartier, est vite « exfiltré » dans un établissement privé. C’est au collège-lycée catholique Jean-Baptiste-de-La Salle (dit JBS) qu’il fera toute sa scolarité. Loin des conditions de vie réelles des classes populaires. Lui n’a pas eu à subir l’état déplorable des établissements scolaires publics, contre lequel des jeunes du département se rebellent aujourd’hui.

Ses amis du lycée, interrogés par Le Monde, se souviennent d’un jeune homme discret, qui ne parlait pas de ses opinions politiques. Surtout, même dans ce lycée catholique, une bonne partie des élèves sont issus de l’immigration. Une ancienne élève dit s’être « presque sentie trahie, parce qu’on se dit qu’on a passé deux ans avec quelqu’un qui n’a pas été franc dans ses idées ».

Son ancienne professeure d’anglais, a une théorie : « À JBS, il n’a pas souffert. Si on pouvait se dire : “C’était un petit Blanc aux cheveux clairs, il s’est fait embêter…” Mais même pas ! Rien dans sa scolarité ne peut l’expliquer. Il avait des capacités scolaires et de l’ambition. Mon hypothèse, c’est qu’il a fait le tour du monde politique et a vu l’endroit où il y avait une possibilité de grimper. »

Bardella : un fils à papa opportuniste

C’est son père, un bourgeois bien installé, chef d’entreprise qui gagne très bien sa vie, qui a financé sa scolarité dans cet établissement payant, et qui l’a arrosé d’argent toute sa jeunesse : à 16 ans, il l’a envoyé faire un voyage de plusieurs semaines à Miami. À 19 ans, il lui a offert une Smart. Et à 20 ans, un appartement à Montmorency. À des années lumières de la vie des habitants des quartiers populaires.

Jordan Bardella prend sa carte au FN de Seine-Saint-Denis à 16 ans, en 2012. Après une année d’étude ratée en géographie, il est recruté comme assistant parlementaire (fantôme) d’un eurodéputé RN, et passe toute sa carrière dans la formation d’extrême droite, devenant un pur apparatchik.

Sa seule vraie expérience professionnelle : avoir travaillé un mois, lors d’un job d’été, dans l’entreprise de son papa quand il avait 18 ans. Voilà qui le rapproche de ses nouveaux amis, les patrons de grandes entreprises, eux aussi souvent sortis d’école de commerce payés par leurs parents.

Pour aller plus loin : Législatives : le RN admet avoir menti sur le marché de l’électricité

Jordan Bardella, aide par Marine le Pen et les cadres du RN, ont créé de toute pièce un récit visant à le présenter comme un petit enfant d’immigré italien, ayant grandi dans une cité de Seine-Saint-Denis, monté au sein du parti grâce à son travail et à son mérite. Le tout pour servir le récit de la « dédiabolisation » du Front national.

La réalité est toute autre : Jordan Bardella est un bourgeois mental, un fils à papa, sans conviction particulière, mais qui n’a pas hésité à céder au mépris de classe et au racisme le plus crasse pour grimper dans son parti, par opportunisme. Apparatchik depuis ses 16 ans, il n’a jamais travaillé, ni vraiment étudié. Pour se créer une image, il a choisi de salir le quartier de sa mère à travers un récit mensonger et teinté de racisme.

On comprend mieux pourquoi, après avoir tenté de se faire passer pendant des années pour un défenseur des ouvriers et des employés, il révèle aujourd’hui son vrai visage, en abandonnant l’abrogation de la réforme des retraites d’Emmanuel Macron, sa promesse de baisser la TVA sur les produits de première nécessité ou encore celle de sortir du marché européen de l’énergie.


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