Pascal Yiou, climatologue : « L’été 2003 était une exception, il pourrait devenir la norme »

mercredi 7 août 2024.
 

De l’Inde aux États-Unis en passant par le Kenya, le Brésil, la Grèce, voire certains territoires français, une grande partie du monde est actuellement touchée par des événements extrêmes : sécheresse, canicule, inondations, typhons, etc. Et ce n’est pas une « coïncidence », comme l’explique le climatologue Pascal Yiou.

Entretien avec Pascal Yiou

Directeur de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement

La planète est touchée depuis plusieurs semaines par des phénomènes climatiques extrêmes, qui ont pu passer un peu inaperçus, vus de France. Le chercheur Pascal Yiou décrypte les ressorts cachés de ces dérèglements climatiques.

Canicule en Inde, inondations au Brésil, sécheresse dans les Pyrénées-Orientales, etc. Comment expliquer que ces événements se produisent presque en même temps, en des endroits différents du globe ?

Les événements météorologiques extrêmes de ces derniers mois s’expliquent par deux phénomènes climatiques, El Niño et la Niña, qui se caractérisent par un réchauffement de l’océan Pacifique. Ils sont en train de s’estomper mais nous avons assisté à des conséquences rarement vues jusqu’alors : une modification de la météo à l’échelle planétaire. Normalement, le jet-stream (un courant d’air – NDLR) souffle de l’ouest vers l’est.

Mais, avec ces phénomènes, suivant le placement des anticyclones, qui sont des zones de haute pression, ça ne souffle pas de l’ouest à l’est, mais plus ou moins vers le nord et le nord-est, créant des ondes atmosphériques, qui montent et qui descendent. Comme un serpent qui se baladerait du nord vers le sud. Résultat, on se retrouve avec des zones un peu plus réchauffées que d’autres.

Ces phénomènes expliquent donc aussi le temps incertain que connaît l’Hexagone depuis plusieurs mois ?

La France se trouve dans le bas du serpent, une zone intermédiaire, ce qui explique le temps maussade depuis octobre dernier. En revanche, dans le haut du serpent, qui correspond à des zones de haute pression, il fait très chaud. Normalement, le jet-stream, qui fait le tour de la Terre, se déplace très vite. Or, actuellement, il bouge très peu.

Certains espaces se retrouvent sur de longues périodes dans des zones anticycloniques très intenses, avec de grosses vagues de chaleur, quand d’autres, à plusieurs milliers de kilomètres de distance, se retrouvent dans des zones cycloniques, avec des dépressions en permanence. C’est le cas de la France métropolitaine. Tous ces événements, interconnectés, sont la déclinaison d’un même phénomène. Et ne relèvent pas d’une coïncidence.


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