Lilian Thuram : l’autre est d’abord un humain

mercredi 28 novembre 2007.
 

Le footballeur s’est rendu hier dans un collège d’Aubervilliers, où il a rencontré des élèves ayant contribué à un ouvrage contre les discriminations.

C’est la première fois que Johanna regardait un match à la télévision. Pas franchement branchée par le foot, la lycéenne de seize ans voulait plutôt se faire une idée du capitaine de l’équipe de France avant sa rencontre avec lui, dans son établissement. Et Lilian Thuram était bien là, hier, en chair et en os, dans une salle du collège Rosa-Luxemburg, à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, face à elle et aux élèves. Ces derniers ont contribué à la réalisation du livre Avec elle, avec lui (1) en posant sous l’oeil d’un photographe avec une personne du sexe opposé et en expliquant en quelques lignes ce qui leur plaît chez elle. « Emballé par l’ouvrage », le footballeur professionnel n’a pas « hésité » à le préfacer et à rendre visite aux jeunes de ce département systématiquement stigmatisé.

« Le livre, est un véritable antidote »

Intimidés, ils osent à peine lui poser des questions, dialoguer avec lui. Lyès se lance pourtant : « Comment avez-vous trouvé ma photo ? » « Je t’ai trouvé très beau, répond Lilian Thuram. Moi aussi, j’aurais choisi de poser avec ma mère. Elle m’a appris à aimer la vie. » « Ma mère, reprend-t-il, est partie de Guadeloupe sans ses petits pour travailler. Quand elle a pu économiser, elle nous a fait venir. Elle a fait don de soi pour nous assurer un avenir meilleur. »

Lilian Thuram sait combien ses paroles sont comprises ici, où se côtoient vingt-huit nationalités. Où les adolescents face à lui portent des prénoms que d’aucuns écorchent encore aujourd’hui mais qui incarnent la France de demain. Dans sa préface, le footballeur n’omet pas de critiquer un gouvernement qui « s’arroge le droit de définir une identité nationale, comme s’il pouvait normaliser la diversité des attachements que nous éprouvons pour notre pays ». Une fois de plus, le citoyen Thuram prend parti, encourage toutes les initiatives allant dans le sens du partage. « Le livre, dit-il, est un véritable antidote au réflexe qui réduit l’autre à une communauté qui n’existe jamais à l’état pur. Avant d’être français, antillais, africain, sans-papier, réfugié... l’autre est d’abord un humain. »

Un humain, c’est l’image qu’il donne de lui, entouré par les collégiens qui veulent se faire prendre en photo avec lui, immortaliser ce moment précieux. Il s’y prête volontiers, sans jamais regarder sa montre. Ce sont les organisateurs qui le pressent, le poussent à prendre le chemin de l’hôtel de ville d’Aubervilliers, où l’attendent des élus locaux et départementaux (2), ainsi que le président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, Louis Schweitzer. Il souligne que ce livre, « belle et bonne action participant à changer le regard », a pu voir le jour grâce, aussi, au concours de l’ancien maire (PCF) d’Aubervilliers, Jack Ralite. À la tribune, face aux collégiens, ce dernier rappelle que les premiers immigrés dans cette ville étaient les Bretons. « Maintenant c’est vous, leur dit-il. À travers vous et votre livre, on peut revivre le "Je est un autre" de Rimbaud. »

(1) Avec elle, avec lui,

aux éditions de l’Atelier,

en librairie le 29 novembre.

Mina Kaci


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