La montée de l’anxiété : une menace pour la société et un défi pour la gauche

samedi 4 mai 2024.
 

Avant de réfléchir aux perspectives qui s’offrent à la gauche, je m’arrête un instant sur les remises en cause existentielles, externes mais aussi internes, qu’elle traverse. Première partie de cette analyse : l’anxiété généralisée est l’éteignoir du discours progressiste.

https://blogs.mediapart.fr/francis-...

70% des Français·es se déclarent pessimistes quant à l’avenir de la France1. 65% des Français·es pensent que les choses vont dans la mauvaise direction en Europe2. 80% des Français·es se disent inquiet·es face au changement climatique3. 53% des Français·es pensent que leur niveau de vie va diminuer dans les cinq prochaines années4. Les études et les chiffres se suivent et se ressemblent. La situation internationale, la situation nationale comme leur situation personnelle inquiètent les Français·es.

Après l’optimisme, les crises : le tournant du XXIème siècle

Reconnaissons-le : l’époque est en effet anxiogène. Ce d’autant plus qu’elle fait suite à une période, la deuxième moitié du XXème siècle (et en premier lieu les Trente Glorieuses bien entendu) qui a connu, si ce n’est une euphorie, à tout le moins un optimisme généralisé quant à l’évolution de la société et du monde. Prospérité économique dont le “ruissellement” devait inévitablement advenir, progression des droits humains et de la démocratie au niveau mondial, conquêtes sociales et sociétales, en France notamment, fin de la guerre sur le sol européen au tournant du siècle… La marche de l’Histoire vers l’égalité, le progrès et l’émancipation semblait réenclenchée de manière durable - voire inarrêtable.

Las ! Le premier quart du XXIème siècle se révèle être celui des crises. Crises économiques à répétition (bulle Internet, crise des subprimes, crise de la dette), crise écologique avec la prise de conscience de l’influence de l’activité humaine sur son environnement (du climat à la biodiversité, en passant par les conditions de vie environnementales), crise sociale et humaine suite à la première pandémie de l’ère mondialisée, crises sécuritaires avec le terrorisme de masse et le retour de la guerre en Europe : le progrès social et moral qui caractérise l’histoire de l’Humanité est entré dans une nouvelle phase de reflux.

L’anxiété est le chemin vers le repli identitaire

Dès lors, il est logique que l’anxiété progresse chez la plupart des individus. Les effets sont multiples. Le plus commenté est sans doute le fait que les jeunes adultes sont de plus en plus nombreux à ne plus souhaiter d’enfants5 (13% des Françaises en 2022, en progression de 11 points en 16 ans). L’augmentation du nombre de collapsologues qui, persuadé·es que notre société est au bord de l’effondrement, se retranchent sur un mode de vie auto-suffisant, en est un autre.

Mais l’effet le plus problématique, celui qui menace et la société en général, et la gauche en particulier, est bien entendu le repli identitaire et sécuritaire. Ce phénomène est bien connu, observé à de multiples reprises historiquement. L’anxiété, le pessimisme quant à son avenir mènent à la défiance vis-à-vis de l’étranger, du différent. Le terreau est donc particulièrement fertile pour les idéologies réactionnaires (retour en grâce de mesures pourtant absurdes, comme l’uniforme scolaire ou le service obligatoire - fût-il civique), nationalistes et racistes (l’autre étant nécessairement le coupable, ou à tout le moins une menace), et autoritaires (quel sauveur suprême pour nous sortir de là ?).

L’anxiété, éteignoir du discours progressiste

Difficile dans ces conditions de développer un discours de gauche, d’émancipation, de justice sociale et de progrès. D’autant que la gauche elle-même n’est pas imperméable à cette anxiété. Si, heureusement, elle n’y donne pas naissance aux mêmes symptômes (quoique), l’anxiété pousse la gauche à développer un discours culpabilisateur (pour ne pas dire punitif). Discours qui non seulement porte peu d’espoir et n’est pas très émancipateur, mais qui ne donne pas non plus envie d’être porté au pouvoir.

Nous allons donc devoir nous attacher à construire un discours positif, et à démontrer que le monde qui vient est désirable s’il est celui de la justice sociale, de l’émancipation des individus, de la transition écologique et de la refonte démocratique de notre modèle de société.

Francis Poézévara

Génération·s

Notes :

1 Ipsos - Octobre 2023 - https://www.ipsos.com/fr-fr/70-des-...

2 Eurobaromètre - Avril 2024 - https://www.20minutes.fr/societe/40...

3 Rapport annuel du CESE - Octobre 2023

4 Eurobaromètre - Avril 2024 - https://www.20minutes.fr/societe/40...

5 Il ne faut toutefois pas voir cette évolution uniquement avec un prisme pessimiste. Elle est également liée à des facteurs culturels tels que l’émancipation par rapport au modèle familial traditionnel.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message