Le 7 mai 1995, Jacques Chirac gagne l’élection présidentielle avec 52,64% des voix face à Lionel Jospin. Avec une Assemblée nationale la plus à droite depuis un siècle (245 députés UMP et 218 UDF pour 52 socialistes, 22 communistes, 3 chevènementistes et 3 radicaux), la droite et son premier ministre Alain Juppé paraissent en mesure de lancer une offensive thatchérienne.
L’enjeu du rapport de forces entre bourgeoisie et mouvement ouvrier est posé d’entrée.
Il va tourner en faveur des salariés grâce à des mouvements de grève très puissants :
grèves d’entreprises comme celle de Renault pour l’augmentation des salaires.
grèves de branche comme la SNCF le 25 octobre
grèves étudiantes dures avec occupation des locaux en automne
journées nationales de grèves et de manifestations les 10 octobre puis 24 novembre 1995
surtout grève contre le plan Juppé sur les retraites et la sécurité sociale annoncé par le premier ministre le 15 novembre.
La direction nationale CFDT ayant trahi le mouvement à partir du 28 novembre, le mouvement risque de se minoriser. En fait, le 28 novembre, 5 décembre... il ne fait que gagner en profondeur et radicalité avec un point culminant le 12 décembre 1995 (2 millions de manifestants).
Le 15 décembre 1995, le gouvernement décide de retirer sa "réforme des retraites" (allongement de la durée de cotisation de 37,5 annuités à 40 pour la fonction publique).
Le principal bilan à tirer de ce mouvement social de 1995, c’est qu’il marque la fin de la période de recul international du mouvement ouvrier et progressiste. Le nombre moyen annuel de jours de grève en 1995 a été six fois supérieur à celui de la période 1982-1994.
L’intervention ci-dessous de Jean-Luc Mélenchon présente l’intérêt de constater cette coupure historique sur le moment même.
Intervention de Jean-Luc Mélenchon au Sénat le 15 décembre 1995
Le mouvement social qui déferle depuis trois semaines sur notre pays a délimité deux périodes de la vie, des idées, des pratiques sociales, politiques, culturelles de notre pays.
Il y aura un avant et un après le grand mouvement de grève de 1995. La nouvelle est que le peuple est de retour. Voilà le fait marquant à partir duquel, dorénavant, il faut analyser le futur et les chances qu’il peut nous offrir.
Un basculement d’époque
Je le dis d’abord pour les nôtres : après des années de prostration, d’hébétude idéologique, de désarroi face à la déferlante des idées, des mots, des symboles, des pratiques libérales, de toute cette mise en scène des années quatre vingt à l’échelle de la planète, où il n’y avait place que pour les "gagneurs", les "yuppies" qui écrasaient de leur image et de leur brio le peuple qui produit, voici que sont de retour les mots, les idées et les pratiques "sociales républicaines" qui sont le coeur battant de notre Nation.
En trois semaines, les mots syndicat, citoyenneté, solidarité, service public, hier décriés comme des archaïsmes, claquent de nouveau comme des signes de ralliement positifs. Je vous le dis : un basculement est en cours...
Un cri universel
En France, se livre une bataille significative, symbolique et de grande portée à propos des enjeux de notre époque. La presse étrangère et les places boursières ne s’y trompent pas... Dans tous les pays où l’on constate un retour des luttes sociales, c’est le mouvement français qui sert de référence. Car tout le monde sait, en raison des particularités historiques qui sont celles de la France, que, quand ce grand peuple se met en mouvement, y compris pour défendre ce que vous appelez des "avantages catégoriels" mais qui dans le cas du service public rejoignent chaque fois l’intérêt général, le cri qu’il pousse devient un discours universel...
Je vous le répète, plus rien ne sera comme avant !...
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