« Certains d’entre nous, de nos parents, grands-parents ont survécu à la chasse aux juifs. Ils ont choisi de résister. C’est aussi au nom de ce passé que nous affirmons qu’il est illégitime et ignoble de justifier le massacre de dizaines de milliers de civils gazaouis ». Un mois et demi après sa première publication, cette tribune qui réunit désormais plus de 220 signataires reste plus que jamais d’actualité, alors que la situation ne cesse de s’aggraver et que la Cisjordanie vit, elle aussi, des événements dramatiques.

Françaises juives et Français juifs pour un cessez-le-feu

Cette tribune a initialement été publiée dans le Monde, signée par une soixantaine de personnes. Elle est désormais signée par plus de 220 signataires et est toujours ouverte à signature.

Après cinquante-sept années d’occupation accompagnée d’humiliations, d’expulsions de leurs maisons et de leurs terres, d’emprisonnements arbitraires, de meurtres multiples, d’implantation de colonies et d’échecs de différentes actions pacifiques, on peut comprendre que de nombreuses Palestiniennes et de nombreux Palestiniens refusent de condamner l’action du Hamas du 7 octobre en la considérant comme un acte légitime de résistance à la colonisation et au terrorisme d’Etat d’Israël.

On peut aussi comprendre qu’après les 1 200 meurtres, les viols, les violences sexuelles et l’enlèvement de près de deux cents otages, dont une majorité de civils, de nombreuses Israéliennes et de nombreux Israéliens soutiennent les actions meurtrières de l’armée en les considérant comme une réponse légitime aux actions du Hamas. Toutefois, nous condamnons tous ces actes terroristes.

Ce n’est pas parce que juives et juifs que nous condamnons les actes terroristes et les crimes de guerre que constituent les meurtres, les viols, les violences sexuelles et les enlèvements de civils perpétrés par des commandos du Hamas. Ce n’est pas bien que juives et juifs que nous condamnons les actes terroristes et crimes de guerre que sont les bombardements, destructions et massacres massifs, en très grande majorité de femmes et d’enfants, commis par l’armée israélienne et les colons à Gaza et en Cisjordanie depuis plus de trois mois.

C’est parce que nous sommes attachés à la dignité de toute personne humaine que nous les réprouvons, sans considérer que les Palestiniens ou les Israéliens seraient criminels ou terroristes par nature.

Au nom de ce passé

Cette condamnation n’est pas sans liens avec notre judéité, une composante parmi d’autres de nos identités multiples, un héritage familial qui rattache certains des signataires à l’histoire du génocide des juifs d’Europe. Une grande partie des familles de celles et ceux d’entre nous qui sont originaires d’Europe centrale et orientale a été assassinée par les nazis et leurs collaborateurs locaux au cours de la Shoah.

Certains d’entre nous, de nos parents et de nos grands-parents ont survécu à la chasse aux juifs menée par la Gestapo et la police de Vichy. Refusant d’obéir aux injonctions à se déclarer juifs et à porter l’étoile jaune, ils ont choisi de résister, de se cacher et de cacher leurs enfants. Beaucoup parmi eux ont échappé à la mort grâce à la solidarité et à la désobéissance civile de Français non juifs qui les ont cachés au péril de leur propre vie, sans demander qui ils étaient, ni d’où ils venaient.

C’est aussi au nom de ce passé que nous affirmons qu’il est illégitime et ignoble de justifier le massacre de dizaines de milliers de civils gazaouis et cisjordaniens au nom du génocide des juifs d’Europe, auquel le peuple palestinien n’a en rien participé. Avec beaucoup de juives et de juifs à travers le monde, y compris en Israël, nous dénions au gouvernement Netanyahou et à ses soutiens le droit, en se prévalant de la Shoah, d’agir à Gaza et en Cisjordanie en notre nom et en celui de nos ancêtres.

Pour autant, comprendre ce que ressentent les deux peuples, ce n’est ni excuser ni justifier les crimes de guerre. Rien n’excuse ni ne justifie le choix du Hamas de cibler délibérément des civils. Si nous soutenons le peuple palestinien quand il revendique, y compris par la lutte armée contre l’armée israélienne ou les colons armés, ses droits nationaux face à Israël, et auparavant contre le colonisateur britannique, cette juste fin ne légitime pas tous les moyens. L’histoire montre que ceux qui se livrent à de tels actes dans leur combat pour l’indépendance en arrivent ensuite à les reproduire contre leur propre peuple.

À égalité de dignité et de droits

Rien ne peut davantage excuser ni justifier le traitement par Israël des Palestiniens comme des « animaux humains ». Rien ne peut justifier la destruction de maisons, d’hôpitaux, d’écoles, de routes, de quartiers voire de villes entières, la privation de nourriture, d’eau et de soins, les déplacements forcés, ni les assassinats en masse. Rien ne peut justifier les encouragements et les soutiens aux colons armés qui exproprient et tirent à vue sur des Palestiniens de Cisjordanie.

Rien ne justifie ou n’excuse l’antisémitisme, le racisme anti-arabe, l’apartheid. On ne peut ni justifier ni excuser la négation de l’existence et des droits des peuples palestinien et israélien. La haine sans cesse alimentée, le fondamentalisme religieux et le recours au terrorisme que partagent les dirigeants du Hamas et les dirigeants israéliens actuels ne peuvent qu’engendrer la guerre sans cesse recommencée.

En transformant leur « Terre sainte » en charnier, ils se renforcent réciproquement. Ils empêchent toute solution politique, la seule issue, même si sa forme est difficile à prévoir, pour que ces peuples puissent un jour vivre en paix, à égalité de dignité et de droits. La recherche d’une paix juste et durable est la seule alternative à l’épuration ethnique à laquelle aspirent les fous de Dieu des deux camps.

Nous sommes solidaires des familles des otages israéliens comme des familles des prisonniers palestiniens, solidaires de celles et ceux qui, en Israël, combattent la sale guerre en cours, et solidaires de celles et ceux qui subissent les massacres à Gaza et en Cisjordanie. Comme des millions de personnes à travers le monde, nous exigeons un cessez-le-feu immédiat et durable, ainsi que la libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens.

Nous appelons le gouvernement français à œuvrer, notamment au sein des instances internationales, au cessez-le-feu immédiat et durable.

Signataires :

Karen AKOKA, maîtresse de conférences en science politique, Nanterre université Claire ALLEGRE Nathalie-Mariam ALLIAUME-SERI, travailleuse sociale en protection de l’enfance Tauba ALMAN, retraitée, militante associative (UJRE/PNM) Jean-Luc AMSELLEM, retraité Soohie ATTALI, consultante Isabelle AVRAN, journaliste et militante associative Myriam AZENCOT, doctorante en image numérique Catherine BALLESTERO, ancienne enfant cachée, professeure retraitée Bernard BARRÉ, militant syndical CNT, membre du Bureau National de l’AFPS Claire BARUCH John BARZMAN, professeur émérite Université Le Havre Normandie Abraham BEHAR, professeur des Hôpitaux honoraire Eliane BENBANASTE-STADLER, militante associative à Raja-Tikva, association d’amitié arabo-juive en Rhône Alpes Auvergne Raymond BENHAÏM, économiste Nicole BERCHAUD, retraitée de l’Éducation nationale Myriam BERCOVICI, architecte Rivka BERCOVICI, retraitée Ville de Paris Harry BERNAS, physicien Sophie BESSIS, historienne Simone BITTON, cinéaste Edgar BLAUSTEIN, militant associatif Samuel BLAUSTEIN, étudiant Jean-Pierre BLOC, monteur et réalisateur Marie-Cécile BLUM Edward BLUMENTHAL, maître de conférences en civilisation de l’Amérique latine, Université Sorbonne Nouvelle Jean-Marc BOURDA, citoyen Alain BRADFER, journaliste Rony BRAUMAN, ex-président de Médecins sans frontières Emmanuelle BRUNSCHWIG, comédienne Annie BRUTER, maître de conférences d’histoire à la retraite Jean-Pierre CABANNES, enseignant retraité Laurent CADREILS MIEDNIK, militant syndical Luc CAMBREZY, directeur de recherche IRD Cyrille CANETTI Claire CARRIER, retraitée de l’Éducation nationale Brigitte CASSIGNEUL Anne-Marie CATTAN-MEDCALF, universitaire, historienne Elizabeth CAZER Alain CHAMPAUX, professeur agrégé retraité Patrick CHEMLA, psychiatre et psychanalyste Jeannine CHRISTOPHE, historienne Isabelle CLAUDEL, psychologue Daniel CLING, réalisateur, fils de rescapé d’Auschwitz James COHEN, universitaire, politologue Paul COHEN, chef d’entreprise et socialiste Anne COPPEL, chercheure en sciences sociales Mireille CUKIER-JAKUBOWICZ, auteure Edna CUSNIR, retraité éducation spécialisée Sylvain CYPEL, psychologue clinicien Alain CYROULNIK, syndicaliste FSU Laura CYROULNIK, éducatrice spécialisée Philippe CYROULNIK, critique d’art Daniel DANZON Danielle DAVID, chercheuse en sociologie Michel DEGUILHEM, médecin, psychanalyste Régine DHOQUOIS COHEN, juriste, militante associative Françoise DUREPAIRE, médecin Caroline ELKOUBY-SALOMON, avocate Rut EPSTEIN, psychanalyste Alberto EPSTEIN, directeur de recherche émérite CNRS Patrick FARBIAZ, militant écologiste (PEPS) Dominique FARHI, architecte Nicole FAYMAN, fille de déporté Georges Yoram FEDERMAN, psychiatre gymnopédiste Jacqueline FELDMAN, retraitée CNRS Charles FITERMAN, ancien ministre Ingrid FOGELBAUM, retraitée Valérie FRANCOIS-HARIK Marc FRANT, retraité Bernard FREDERICK, journaliste honoraire Raphaël GANS, enseignant, militant syndical SE-UNSA et militant associatif Joëlle GARRAUD Claire GASPARD Patrick GLASS, retraité secteur Banque Dominique GLAYMANN, professeur émérite en sociologie Renée-Claire GLICHTZMAN, militante associative Nadia GOLDADLER, médecin retraitée Betty GOLDBERG, artiste plasticienne Fabienne GOLDFARB, enseignante-chercheure en physique Armand GORINTIN, militant de l’Union juive française pour la paix Antoine GRÉGOIRE, activiste Michel GRIMBERG, germaniste Camille GRUMAN, militante associative Jean-Jacques GRUNSPAN, entrepreneur et industriel Hélène de GUNZBOURG, sage-femme Isabelle GRYNBERG, citoyenne Frédéric GUELAFF Janette HABEL, universitaire, politologue Arthur HARARI, réalisateur Véronique HAYEM, membre de l’Association Française des Amis de Neve shalom Wahat as Salam Suzanne d’HERMIES, militante antiraciste Catherine HERSZBERG Simone HERSZBERG Isabelle HERTZBERG Robert HIRSCH, historien Richard HOROWITZ, pédopsychiatre, ancien président de la Fédération des CMPP Pierre IMBAUD, retraité Samy JOHSUA, professeur émérite en sciences de l’éducation, université Aix Marseille Francine KAHN, militante associative Jean KALMAN Patrick KEDOCHIM, retraité de l’Éducation nationale Roland KESSOUS, magistrat honoraire Pierre KHALFA, économiste, Fondation Copernic Maurice KOSMAN, retraité psychologue Judith KRAFT, luthière Michèle KRUM, directrice à la protection judiciaire de la jeunesse, à la retraite Daniel KUPFERSTEIN, réalisateur Bernard LANDAU, architecte Monique LANDESMANN, chercheuse en éducation Nicole LAPIERRE, Socio-anthropologue Misa LATRECHE Ginette LAVIGNE, réalisatrice Marcel LE BOËDEC, proviseur honoraire Pascal LEDERER, physicien, co-animateur d’Une Autre Voix Juive Nicole LEFEUVRE, membre de l’UJFP Pierre LE MEUR, retraité Olivier LENOIR, psychologue, psychanalyste, docteur en psychologie Vincent LEPRINCE, enseignant FLE Capucine LEROUX DE BRETAGNE, médecin généraliste Cécile LÉVY Daniel LÉVY, chercheur Dominique LÉVY, économiste Fabien LÉVY, compositeur Gérard LÉVY, conseiller municipal EELV Jacques-Édouard LÉVY, industriel Jean-Maxime LÉVY, cadre territorial Marc-Antoine LÉVY, avocat et médiateur Pascal LÉVY, avocat Philippe LÉVY, professeur des universités, praticien hospitalier Philippe LÉVY, retraité Carole LÉVY FOLLIOT, retraitée Jacques LEWKOWICZ, professeur honoraire des universités Julie LEZE, psychanalyste Jean LIBER, avocat honoraire Nathalie LICHTENSZTEIN COMBASE Alain LIPIETZ, économiste, ancien député européen Vert Josiane LIROU Danièle LOCHAK, universitaire François LONGERINAS, militant du mouvement coopératif Michaël LOWY, sociologue Pierre LOWY, retraité de l’Éducation nationale Sarah MACKENZIE PEERS Ariane MAHEU Antoine MALAMOUD, militant Gauche écosocialiste Henri MALER, maître de conférences en science politique Carol MANN, activiste et sociologue Valérie MARANGE, psychanalyste Joëlle MARELLI, traductrice, autrice, chercheuse indépendante Joshua MARGULIES, consultant énergie Richard MARKOVITCH, retraité André MARKOWICZ, écrivain, traducteur Bernard MARX, retraité Denis MARX, militant associatif, Lyon Gustave MASSIAH, économiste Marie-José MATHIEU, retraitée Fabienne MESSICA, militante de la Ligue des droits de l’homme Anouk MEURRENS, psychanalyste Monique MICHAËLIS, retraitée CNRS Patrick MICHAËLIS, comédien Jean-Philippe MILESY, militant associatif Christine MIROUFLE Yves MOATTY, magistrat retraité Marie-José MONDZAIN, philosophe Pia MONNIER Sandro MUNARI, architecte Véronique NAHOUM-GRAPPE, chercheure en sciences sociales Paris Henri NAIDITCH Charlotte Nenner Conseillère régionale IDF et co secrétaire Les Écologistes Paris. Annie OHAYON, réalisatrice Michel OTTO Jean PACHOLDER, militant associatif Daniel PALESTRANT, retraité de la publicité Yves PEQUIN, adhérent UJFP Jean-François PESSIS, militant associatif Michèle PESTRE, neurologue Jacques PHILIPP, ingénieur-docteur en informatique Francis PIAZZA, retraité de l’Éducation nationale Alain PICARD Françoise PICARD Jean-Pierre RAFIER Monique RAHMANI, retraitée Evelyne REBERG, auteure jeunesse Martine ROBERT, réalisatrice et enseignante Sarite ROSEN MUNARI, artiste-plastivienne Françoise ROSSETTI, militante associative Charles RYDEL, ingénieur Laurent SABLIC, journaliste Elisaneth SALOMON, retraitée Grégoire SALOMON, chef d’entreprise Odide SANSON Adim SAYAGH, expert PMO en appui à maîtres d’ouvrages Charles-Daniel SCHREIBER, traducteur Abraham SEGAL, cinéaste Adam SHATZ, écrivain, London Review of Books Jean-Claude SOUFIR, maître de Conférences des Universités,Praticien Hospitalier Honoraire Thérèse SPECTOR,retraitée Danielle STORDEUR, directrice de Recherche émérite au CNRS Isabelle STROUN, professeur de littérature à Genève Jacques STROUN, médecin ancien directeur du CICR Philippe SULTAN, inspecteur général éducation sport recherche Léa SZAPIRO, retraitée Claude SZATAN, militant associatif Danielle TARANTO-CAMPOS, enseignante retraitée Pierre TARTAKOWSKY, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme Pascale THOMAS, auteure Anne-Marie TINOT Josette TRAT Olivier TROUILLAS, retraité Denise VANEL Dominique VIDAL, journaliste et historien Jean-Pierre VOLOCH, cardiologue Monique WEBER, médecin généraliste Inès WEILL-ROCHANT, comédienne et scénariste Sonia WEYL Jérôme WOLFMAN, chargé de recherche CNRS Franck YCHOU, scsénariste, réalisateur Pierre ZAOUI, maître de conférences en philosophie à Paris Cité Charles ZARNITSKY, praticien hospitalier, rhumatologue Michèle ZEMOR, ex-conseillère Région Île de France, Vice présidente agglomération Plaine commune Annie ZILBERBUSZ Agnès ZISSMANN, militante associative