Les socialistes et la nation 2 (Eléments de reflexion sur la souveraineté par Philippe Darriulat pour le forum organisé le 24 novembre, à Avignon)

vendredi 7 décembre 2007.
 

Une commission "forum thématique" du Parti Socialiste travaille actuellement sur le thème "Les socialistes et la nation". Sur notre petit site, nous avons déjà mis en ligne à titre d’information un texte de Pierre Ruscassie.

Voici le propos liminaire de Philippe Darriulat, ancien président de l’UNEF-ID, professeur d’histoire, dans le cadre de cette commission. Invité à traiter du thème de la souveraineté, il rappelle que ce sujet aura été le seul sur lequel le Parti socialiste aura connu une scission, depuis sa séparation avec le Parti communiste, avec le départ de Jean-Pierre Chevènement. Cette question aura de nouveau été au coeur des débats lors de la campagne sur le traité constitutionnel européen.

Qu’est ce que la souveraineté ?

La souveraineté précède l’Etat moderne, avant la République. C’est la capacité d’une nation à déterminer ses propres choix. La République induit une rupture profonde, puisqu’avec elle le sujet se transforme en citoyen. Le souverain n’est plus le roi, mais la nation (art 3 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789), et sa représentation, l’Assemblée.

La Ière République va plus loin en identifiant souveraineté et peuple. La République est une et indivisible (art 25 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1793).

Qui est le souverain ?

Ce n’est plus le roi. Mais se pose alors un problème, car deux conceptions s’opposent à la Révolution : celle libérale (c’est à la fraction du peuple qui a les pouvoirs politiques et financiers de représenter la nation) et démocratique (le peuple).

Les penseurs libéraux (Guizot, Sieyes, Constant...) contestent la souveraineté du peuple, refusent le suffrage universel. Cela aboutit à un régime constitutionnel sur la base d’un suffrage restreint.

Ce n’est qu’en 1848 qu’est instauré le suffrage universel direct masculin, provisoirement avant son retour sous la 3ème République, ou d’ailleurs celui-ci est tout de même limité, puisque qu’il n’est pas accordé aux femmes (il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre Mondiale) et aux habitants des colonies. Ces derniers sont sujets Français, et pas citoyens.

C’est la décolonisation qui résoudra cette question. Le seul débat encore pendant est la question du droit de vote des résidents étrangers.

Qu’est ce qui est de l’ordre de la décision souveraine ?

Dès la République, il y a deux limites :

• Les droits inaliénables (ceux au-dessus de la loi, qu’aucune majorité ne peut remettre en cause). C’est le cas de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui figure en préambule de la Constitution.

• La séparation des pouvoirs.

Des problèmes se posent lors des transferts de souveraineté.

Il y a tout d’abord eu les comités, consultatifs, et la création des conseils (de l’industrie, du commerce...). Il s’agit de considérer que la compétence, la capacité doit venir éclairer la décision de l’Assemblée. La forme la plus élaborée est le Comité Economique et Social. La question est de savoir si les transferts aboutissent à une perte de contrôle sur la décision par les citoyens. La décentralisation n’a jamais été vécue comme un recul démocratique. Au contraire même.

La nation n’est pas défendue comme un Etat mais comme le cadre de l’expression démocratique.

L’Europe pose la question du transfert vers une structure démocratique où le contrôle citoyen est moins fort.

Nous sommes la seule entité politique à avoir une banque centrale indépendante qui contrôle la monnaie.

A l’ère de la mondialisation, n’est-on pas en train de revenir en arrière ?

N’est-on pas en train de revenir à la vieille politique libérale des capacités ?

On prive le citoyen de sa capacité à trancher des sujets fondamentaux.

On impose des contraintes qui restreignent le champ du politique.

Dans la mondialisation, l’Europe n’a pas été un outil de résistance.

Est-ce que l’Europe est une avancée ou un recul démocratique ?

Peut-on construire à 27 ? Manifestement non, donc quel est le périmètre ?

La question posée lors du TCE est celle du préalable (le renforcement d’une Europe démocratique comme préalable aux élargissements).

Quelle représentation ?

Universalisme ou particularisme ?

On oppose un modèle français d’universalisme abstrait, à un modèle anglo-saxon. La question de la représentativité se pose dès 1864, avec le manifeste des 60 et la volonté d’avoir une représentation des ouvriers à l’Assemblée. C’est la création des partis politiques qui a permis de répondre à cette question.

Les Révolutionnaires refusaient cette représentation : un parti c’est une faction qui divise la nation.

Les premiers partis vraiment constitués le sont au XXème siècle.

C’est aujourd’hui la question du communautarisme.

Pour de plus en plus de Français l’histoire familiale ne correspond pas à l’histoire nationale. Sentiment d’inclusion ou d’exclusion ?

La question de la représentation se pose de nouveau aux partis.

Le Président de la République actuel apporte, à sa façon, une réponse : l’identification de la souveraineté à un homme.

Nous devons répondre de façon différente, et pas simplement de façon institutionnelle.


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