Marché européen de l’électricité : ce système absurde qui fait flamber les factures

samedi 10 février 2024.
 

Ce 1er février 2024, les factures d’électricité augmentent de 10%, soit 45% de hausse ces deux dernières années : un choix politique sans aucune justification et décidé du seul fait d’Emmanuel Macron. Une hausse qui s’ajoute à celles organisées par la libéralisation du marché européen de l’électricité. Depuis la mise en place de ce mastodonte libéral, le tarif réglementé a plus que doublé, au détriment des ménages et des TPE/PME.

Le coût de production moyen d’un mégawattheure reste inférieur à 100 euros en France, tandis que les prix de marché ont dépassé les 1 000 euros à l’été 2022. Une multiplication par 10, pour satisfaire les injonctions de la commission européenne et la croyance folle dans le « marché ». Une situation qui va aller en s’aggravant, comme l’explique Manon Aubry, députée européenne insoumise : « La réforme en cours du marché européen va mettre fin aux tarifs réglementés, et seul le marché décidera avec à la clé, des prix qui vont exploser ».

Qui profite de ces 1000% de rentabilité ? Les fournisseurs et les producteurs avant tout, comme l’explique Marina Mesure, elle aussi députée LFI européenne, contactée par nos équipes : « Le coût réel de l’électricité ne varie pas depuis dix ans… Les factures flambent car les hausses de prix sont liées au gavage des producteurs et des fournisseurs… Seul le retour à la gestion publique par la sortie du marché européen, avec un pole public de l’énergie, permettra des tarifs réglementés qui correspondent aux couts de production et non à la spéculation des marchés ». Une gestion publique qu’Emmanuel Macron refuse pour lui préférer une gestion prévisionnelle des entreprises, au détriment de la planification nécessaire du secteur stratégique de l’électricité. Notre article.

Marché européen de l’électricité : l’absurdité néolibérale à l’état pur En Europe ultralibérale à la main des lobbys, l’absurdité règne en maître. Le secteur de l’énergie ne fait pas exception. Avant 2007 et la mise en place du marché européen de l’électricité, le prix payé par les entreprises et les ménages prenait pour base le coût moyen de production. Ainsi, pas de superprofit pour ce bien essentiel à la vie collective. Et une visibilité à long terme : en dehors d’une innovation majeure, dont chacun pourrait avoir connaissance et donc prendre en compte pour ses frais à venir, le coût de production ne varie pas, et donc le prix non plus. Transparent, abordable, organisé et prévisible. Autant de qualités saccagées par les néolibéraux.

Désormais, les prix sont dictés par la dernière source d’énergie activée. Cela revient à prendre comme référence les centrales à gaz. Voir celles au fioul. Ubuesque.

Même les fanatiques les plus acharnés des dogmes du marché commencent à plier face à cette farce. La fumeuse Union de la libre concurrence électrique se change en incendie pour le pouvoir d’achat. La présidente de la Commission elle-même a finalement ouvert les yeux, reconnaissant, les « limites du fonctionnement actuel » de ce marché de l’électricité à la dérive. Depuis l’été 2022, le prix de l’électricité atteint des sommets, à plus de 1000 euros le kilowatt par heure (KW/H). Alors que le prix de production moyen reste d’une stabilité à toute épreuve, en dessous de 100 euros en France.

L’invention des fournisseurs d’électricité, un retour à l’économie féodale

Qui empoche la différence ? Les producteurs d’électricité d’une part. Et une engeance particulièrement funeste parmi tous les parasites créés par le capitalisme : les fournisseurs d’électricité. Ces entreprises n’apportent aucune utilité, aucune richesse, aucun service, à personne. Les outils de production de l’électricité existaient déjà avant que la dérégulation et la privatisation du secteur leur donne naissance en 2007. De même, le réseau électrique est un investissement public bien antérieur à cette ouverture à la concurrence et à cette loufoque invention du marché européen de l’électricité.

Inutiles mais très coûteux fournisseurs d’électricité. Le capitalisme néolibéral du 21ème se rapproche dans maints aspects du féodalisme et de son économie de péage. Le fournisseur n’a qu’une seule utilité, faire payer le passage par le réseau et enrichir des actionnaires. Comme le seigneur féodal faisait payer un droit de passage.

Un marché très juteux pour les multinationales, très coûteux pour le peuple

TotalÉnergies, à la fois producteur et fournisseur d’électricité a ainsi pu empocher des profits records et distribuer 18,4 milliards d’euros de bénéfices à ses actionnaires en 2023, un montant record.

Du fait de la volatilité des prix de l’électricité, les entreprises qui ont les moyens de se payer un service dédié à l’achat de l’électricité au meilleur tarif, donc les plus grandes, peuvent bénéficier de prix bas. Pendant ce temps, les boulangeries, les boucheries, occupées à produire des vrais choses, à travailler à quelque chose d’utile voir d’essentiel sont menacées de disparition.

En France, 12 millions de personnes vivent en situation de précarité énergétique. Les jeunes sont 80% à souffrir du froid dans leur logement. Les ménages modestes doivent choisir entre se chauffer et nourrir leur enfant. Le néolibéralisme révèle ainsi sa véritable nature : la liberté pour les puissants d’extorquer jusqu’à la dernière goutte les moyens de subsistance du peuple.

Comment Bruno Le Maire finance des super-profits avec nos impôts

Depuis un an, un vent de panique souffle sur les ultra-libéraux à la tête de l’Union européenne. La présidence tchèque du Conseil de l’UE convoque une réunion extraordinaire du Conseil « Énergie » de l’UE vendredi 9 septembre 2022 pour définir des mesures d’urgence face au naufrage du marché européen de l’électricité.

Alors que le prix de production n’a augmenté que de 4%, les prix de marché s’envolent notamment chez les fournisseurs alternatifs qui ont procédé à un démarchage agressif auprès de consommateurs absolument pas outillés pour s’y retrouver dans le magma de cette invention délirante.

L’UE se montre inventive : remplacement des enchères à prix limité par des enchères à prix offert, l’instauration d’un « merit order » basé sur la moyenne horaire pondérée des coûts marginaux, le plafonnement du prix du gaz utilisé dans la production d’électricité, et le plafonnement de la rente des centrales inframarginales, voir le plafonnement des prix et la contribution volontaire des entreprises sont évoqués lors du Conseil énergie du 9 septembre 2022. Des solutions réglementaires complexes pour pallier des problèmes uniquement causés par la marchandisation libre.

La réglementation des bénéfices à 180 euros par MWh et la taxation des profits exceptionnels sur les énergies renouvelables et le nucléaire finalement actée le 14 septembre 2022 sont abandonnées dès juillet 2023. Le 14 septembre suivant, le Parlement européen refuse de débattre sur une réforme du marché de l’électricité.

En France, même enfumage Bruno Le Maire se vante d’avoir mis en place un bouclier tarifaire. Sauf que ce bouclier n’existe que parce qu’on a décidé de laisser les entreprises privées fixées des prix délirants comme bon leur semble. Et ce même bouclier appartient désormais au passé.

Le gouvernement Macron se gargarise d’avoir protégé les Français d’une hausse de 45% des prix de l’électricité. Mais en réalité, puisque l’électricité ne coûte pas plus cher à produire, et que le bouclier n’impose pas un prix mais finance simplement la différence, toute l’action de Bruno Le Maire revient à payer des superprofits des entreprises avec les impôts. Et il vient ensuite nous expliquer que c’est la fin du bouclier, car cela ne peut plus durer et il augmente encore de 10% le prix de l’électricité au 1er février 2024.

Réforme du marché de l’électricité, encore un mensonge de Bruno Le Maire Bruno Le Maire est un habitué des mensonges à répétition. En septembre, le ministre promet qu’il « n’y aura pas de hausse de 10% de l’électricité ». Trois mois plus tard, Bruno Le Maire annonce en fanfare une hausse de 9,8% et s’en félicite. Une déclaration de mépris assumée.

En novembre 2023, le même annonçait l’encadrement des prix de l’électricité étendus à toutes les petites entreprises en 2026. Problème, dans le même temps, au niveau européen, ce même Gouvernement a signé la fin de tous les tarifs réglementés en 2026.

Sortir du marché européen de l’électricité pour remplacer la gestion prévisionnelle des entreprises par la gestion publique

L’échec du marché européen de l’électricité est démontré, études après études. Ce ne sont pas des aménagements technocratiques à la marge auquel il faut procéder mais bien une rupture. L’énergie n’est pas une marchandise. C’est un bien commun. C’est pourquoi les insoumis proposent qu’il soit géré comme tel, comme un secteur stratégique, par le biais d’une gestion publique qui bloque toute spéculation, et par conséquence, tout gavage des producteurs et des fournisseurs. Peu de partis politiques s’intéressent à ces questions, pourtant centrales, pour la souveraineté énergétique, et les revenus des ménages. Côté insoumis, le programme de Jean-Luc Mélenchon prévoit l’intégration des fournisseurs dans un futur pôle public de l’énergie.

Le tarif réglementé doit être rétabli pour tous les ménages et les opérateurs qui le souhaitent (PME, collectivités locales…). Le prix doit être de nouveau basé sur les seuls coûts réels de production. Libérer des surcoûts et des aléas du marché, de la spéculation, permet d’annuler l’immense majorité des hausses de prix de l’électricité depuis 2022.

Sortir du marché n’implique aucunement de se couper de quelques échanges que ce soit avec nos voisins. Les câbles électriques existent. Il ne s’agit pas de les arracher. Il s’agit juste de reprendre le contrôle démocratique et public sur ces échanges. Et non pas laisser une institution construite pour les intérêts des multinationales déterminer le prix et les échanges de ce bien tellement essentiel pour le monde d’aujourd’hui. Et encore plus du monde à venir.

La sortie des marchés et la refondation du service public sont des propositions reconnues comme faisables, en plus d’être souhaitables. C’est ce que démontre Anne Debregeas dans sa note pour la fondation de l’Institut La Boétie.


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